Anticancer : La peur d’abandonner ses enfants
De toutes les peurs, j’ai souvent eu le sentiment que la plus terrible était celle d’une mère (ou d’un père) qui ne pourra pas être là pour aider ses enfants à grandir. Leslie avait 45 ans et deux jeunes adolescents de 12 et 13 ans. Son cancer des ovaires était déjà métastatique et, après une deuxième chimiothérapie qui n’avait pas marché, on lui avait donné moins de six mois à vivre. Sa plus grande angoisse était d’abandonner ses enfants. Nous avons essayé de faire face à cette peur au cours d’une séance de thérapie pendant laquelle elle visualisait ce qu’elle imaginait de pire qui puisse arriver après sa mort. Elle s’est vue d’abord comme un esprit fantôme qui pouvait tout voir de la vie de ses enfants mais qui ne pouvait pas leur parler ni les toucher. Ils étaient tristes et perdus, et l’impuissance qu’elle ressentait à ne pas pouvoir les aider était déchirante. La poitrine de Leslie était tellement oppressée en voyant ces images qu’elle avait du mal à respirer. Je lui ai proposé d’arrêter la séance, mais elle a voulu continuer. Elle a alors vu sa fille se préparer pour un de ses concerts de violoncelle auxquels elle avait l’habitude de l’accompagner. La petite Sophie se sentait totalement désemparée de devoir s’y rendre seule. Arrivée sur le podium, elle avait les épaules affaissées et des yeux vides. En imaginant cela, le visage de Leslie était encore plus crispé et je commençais à me demander si cette séance ne risquait pas de lui faire plus de mal que de bien. Mais, au moment précis où je m’apprêtais à interrompre notre séance, elle a vu un sourire renaître sur les lèvres de sa fille. Il lui semblait entendre ses pensées : « Maman n’est plus là, mais le souvenir de toutes les fois où elle m’a accompagnée ici est encore si fort… J’entends ses mots et ses encouragements dans ma tête. Je sens sa force dans ma colonne vertébrale. Je sens son amour dans mon cœur. C’est comme si elle était maintenant partout avec moi… » Et elle l’a vue se mettre à jouer comme jamais, avec profondeur, avec maturité. Les larmes qui coulaient sur les joues de Leslie étaient maintenant des larmes de confiance. Une partie d’elle lui avait donné l’autorisation de partir en paix en lui rappelant, au plus profond d’elle-même, ce qu’elle avait déjà transmis. J’ai reçu une lettre de Leslie cinq ans plus tard. Elle était toujours vivante. Toujours sous traitement. Elle se souvenait de cette séance comme d’un des moments les plus difficiles qu’elle ait vécus. Mais d’avoir pu lâcher sa peur et gagner cette confiance lui avait permis de retrouver sa force pour continuer à se battre contre la maladie.
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