Anticancer : Des obstacles au changement
En 1950, 80 % des hommes fumaient dans les pays occidentaux. Cette habitude était considérée comme parfaitement inoffensive, y compris par les médecins. Dans les journaux médicaux, on trouvait des publicités pour les Gauloises ou les Marlboro. Cette année-là, le docteur Richard Doll, de l’université d’Oxford – lui-même fumeur -, a démontré sans l’ombre d’un doute que le tabac était la cause directe de l’explosion du cancer du poumon. Avec plus d’un paquet par jour, le risque était jusqu’à trente fois plus grand ! Il a fallu attendre vingt-deux ans avant que soit prise la première mesure gouvernementale contre le tabac et cinquante-sept ans pour qu’il soit interdit dans les lieux publics en France ! Encore aujourd’hui, la production, la consommation et l’exportation des cigarettes restent tout à fait légales.
L’augmentation de risque de cancer associé aux graisses animales – trop riches en oméga-6 et chargées de produits chimiques toxiques – est de l’ordre de 1,5 à 8 selon les études et le degré d’exposition (il est moins fermement établi que pour le tabac, pour lequel il est de l’ordre de 20 à 30). C’est loin d’être négligeable. Comme pour la cigarette, il existe des raisons économiques très puissantes pour ne pas vouloir en savoir plus : on prétend généralement que les pesticides sont nécessaires à la productivité agricole, alors qu’il y a très peu de données solides pour l’affirmer. Ce qui est certain, c’est qu’ils sont nécessaires aux intérêts des industriels de la chimie. Parce qu’ils menacent ces intérêts et bouleverseraient les habitudes établies, tous les changements des politiques d’élevage et d’agriculture en faveur de pratiques qui respectent la nature et notre santé présentent des inconvénients évidents et immédiats. Ils nécessitent donc une vraie politique de développement de l’agriculture biologique. Comme pour le tabac, les avantages économiques qui résulteront du changement – une réduction marquée des coûts de santé – ne seront perçus que sur le long terme. Mais d’autres seraient immédiats, comme l’amélioration de la qualité des cours d’eau, et la santé des personnes exposées dans leur travail.
Dans son documentaire consacré au réchauffement climatique (Une vérité qui dérange), Al Gore cite un grand journaliste américain du xxe siècle, Upton Sinclair : « Il est difficile de faire comprendre quelque chose à quelqu’un quand son salaire dépend du fait qu’il ne le comprenne pas. » Nous ne pouvons espérer ni des politiques ni des industriels qu’ils fassent ces choix difficiles à notre place. La femme qui a pris le micro à Victoria avait raison : si nous attendons que les épidémiologistes soient « sûrs », nous risquons fort d’être déjà morts. En revanche, nous avons chacun le pouvoir considérable d’appliquer à nous-même le principe de précaution. Nous pouvons choisir ce que nous voulons, ou non, consommer. Il suffit souvent de demander à son épicier de quartier qu’il se procure des produits « bio » ou Bleu-blanc-cœur pour qu’il le fasse. Lorsque nous serons suffisamment nombreux à consommer de cette manière, les prix diminueront, comme c’est déjà le cas dans certains supermarchés aux Etats-Unis où les prix du bio sont très proches de ceux des produits conventionnels.
Résumé : trois principes de détox
Lorsque les fumeurs arrêtent le tabac, leur risque d’avoir un cancer diminue nettement91’92. Si on cesse de favoriser la croissance des cellules cancéreuses dans le corps, les mécanismes naturels de contrôle du cancer sont plus à même d’agir afin de juguler leur prolifération.
Pour se protéger du cancer, nous pouvons limiter autant que possible notre exposition aux facteurs toxiques de l’environnement. Parmi tous ceux qui ont été identifiés ou qui sont fortement suspectés, j’ai choisi d’en expliquer ici trois en particulier qui me semblent les plus impliqués et les plus facilement modifiables :
- la consommation excessive de sucres raffinés et de farines blanches (qui stimulent l’inflammation et la croissance des cellules à travers l’insuline et l’IGF (insulin-like growth factor) ;
- la consommation excessive d’oméga-6 dans les margarines, les graisses hydrogénées et les graisses animales (viande, produits laitiers, œufs) issues d’une agriculture déséquilibrée depuis la Seconde Guerre mondiale. Ces deux premières causes sont largement responsables du terrain inflammatoire favorable au développement du cancer ;
- l’exposition aux contaminants de l’environnement apparus depuis 1940 et qui s’accumulent dans les graisses animales.
La première étape de tout processus de « détoxification » commence donc par ceci : manger beaucoup moins de sucre (et de farine blanche), et beaucoup moins de graisses animales (et très peu de produits qui ne soient pas labellisés « agriculture biologique » ou « bleu-blanc-cœur »). Il est nécessaire, non pas de les éliminer complètement, mais de les réduire à des mets « occasionnels » plutôt que d’en faire la base de notre alimentation. Au lieu de mettre des légumes autour d’un steak, il faut imaginer de mettre de temps en temps un peu de viande (équilibrée en oméga-3) dans les légumes. C’est ce que font les Indiens, les Vietnamiens ou les Chinois.
« Tout ce qui arrive à la terre arrive aux fils de la terre »
Si nous adoptions tous cette façon plus saine de nous nourrir, nous aiderions non seulement notre corps à se détoxifier, mais aussi la planète à retrouver son équilibre. Le rapport de 2006 des Nations unies sur l’alimentation et l’agriculture conclut que l’élevage des animaux pour la consommation humaine est un des principaux responsables du… réchauffement climatique ! La contribution de l’élevage à l’effet de serre est plus élevée que celle du secteur des transports. L’élevage est responsable de 65 % des émissions d’hémioxyde d’azote, un gaz qui contribue au réchauffement global 296 fois plus que le C02. Le méthane émis par la digestion des vaches (qui tolèrent mal le maïs qu’on leur donne à manger) agit 23 fois plus que le CO2 sur le réchauffement, et 37 % du méthane mondial vient des ruminants. Un tiers des terres arables sont consacrées au maïs et au soja destinés à l’alimentation du bétail. Ces surfaces sont insuffisantes pour répondre à la demande, ce qui entraîne le défrichage des forêts – et une nouvelle perte en capacité d’absorption du dioxyde de carbone. Le rapport de l’ONU conclut aussi que l’élevage compte « parmi les activités les plus nuisibles pour les ressources en eau », à cause du déversement massif des pesticides et excréments animaux dans les cours d’eau.
Un Indien consomme en moyenne 5 kg de viande par an et – à âge égal – vit en meilleure santé qu’un Occidental. Il en faut 123 kg pour satisfaire un Américain – 25 fois plus. Nos modes de production et de consommation des produits animaux détruisent la planète. Tout semble indiquer qu’ils contribuent aussi à nous détruire dans le même temps.
A la fin de chaque journée, j’écris quelques mots dans un journal intime pour résumer ce qui m’a donné le plus de plaisir. En général, il s’agit de choses très simples. Et souvent je me surprends à noter le plaisir que j’ai eu si je n’ai mangé que des légumes, des pois et des fruits (et un peu de pain multi céréale). Je remarque comme je me suis senti plus alerte et plus léger toute la journée, et je souris à l’idée que j’ai pesé moins lourd sur la planète qui me porte et me nourrit.
Après vingt années consacrées à soigner des malades souffrant de cancer, Michael Lemer en a eu assez de recevoir des personnes âgées de 30 ou 40 ans qui n’auraient jamais dû faire partie de son programme. Aujourd’hui, le programme existe toujours, mais Michael consacre désormais le plus gros de son activité à la protection de l’environnement afin de prévenir les maladies à la racine. Il résume la situation avec une simplicité lumineuse : « On ne peut pas vivre en bonne santé sur une planète malade. »
En 1854, le chef Seattle des tribus du Nord-Ouest remit solennellement son territoire et son peuple à la souveraineté des États-Unis. Le discours qu’il prononça à cette occasion a servi un siècle plus tard d’inspiration au mouvement écologiste qui l’a réinterprété de façon particulièrement percutante. Le chef s’adresse, de façon plus pressante que jamais, aux descendants des colons blancs que nous sommes :
« Enseignez à vos enfants ce que nous avons enseigné aux nôtres, que la terre est notre mère. Tout ce qui arrive à la terre arrive aux fils de la terre. Si les hommes crachent sur le sol, ils crachent sur eux-mêmes.
La terre n’appartient pas à l’homme ; l’homme appartient à la terre. Cela, nous le savons. Toutes les choses se tiennent comme le sang qui unit une même famille. Toutes les choses se tiennent. Tout ce qui arrive à la terre arrive aux fils de la terre. »
Vidéo : Anticancer : Des obstacles au changement
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