Action de la nicotine dans le système nerveux central
Dans le cerveau, les effets de la nicotine sont des plus importants. Des récepteurs neuronaux nicotiniques sont en effet présents dans plusieurs zones cérébrales:
• la zone mesolimbique, avec stimulation des neurones a dopamine; c’est la « zone de récompense », dite de plaisir, voie commune a toutes les substances responsables d’une dépendance, l’heroine, la cocaïne, les amphetamines, l’alcool, le cannabinol et la nicotine;
• le cortex visuel, le cervelet, le thalamus.
Cela a ete bien démontre chez le rat, par injection de nicotine radioactive et visualisation de celle-ci in-situ , par une technique d’autoradiographie. Les zones ou la nicotine s’est fixee apparaissent alors de façon très précise. La même démonstration a pu être obtenue chez l’homme fumeur, grâce a des examens effectues après mort subite accidentelle.
Cette fixation a des conséquences fonctionnelles:
— Sous l’action de la nicotine se produisent des modifications aiguës de l’electroencephalogramme (EEG), qui traduisent soit un état de stimulation, soit au contraire de sedation suivant les doses et la rapidité d’administration; il y a en particulier une latéralisation des effets avec prédominance sur le cerveau droit.
— L’utilisation des techniques d’imagerie permet de voir que cette fixation s’accompagne d’une activation fonctionnelle avec augmentation des flux cérébraux et de la consommation d’oxygene dans des zones cérébrales bien définies.
Les récepteurs nicotiniques étaient en fait connus et identifiées depuis le début du siècle par les pharmacologues;
ils servaient d’indice pour définir certaines propriétés de l’acetylcholine. Or très curieusement, c’est seulement depuis quelques années que le rapprochement a ete fait avec les actions de la nicotine sur le fonctionnement cérébral humain.
La présence de ces récepteurs explique les effets psycho actifs de la nicotine, c’est-a-dire l’apparition des diverses sensations ressenties par le fumeur et qui vont être a l’origine de la dépendance:
•le plaisir et le bien-être, principalement dans les moments de détente;
• l’action antalgique, antidouleur (antinociceptive);
• la stimulation cognitive, avec une augmentation de la concentration intellectuelle, de la vigilance, de la mémoire a court terme;
•la stabilisation de l’humeur, avec une réduction de l’anxiete et un effet tranquillisant et relaxant; c’est parfois une stimulation a long terme, a l’origine d’une action anti-depressive ;
• une réduction de la sensation de faim; comme il y a parallèlement une augmentation des dépenses caloriques pour un même travail, le poids des fumeurs est inférieur de 1 a 3 kilos a celui des non-fumeurs.
La nicotine est aussi capable de modifier les activités sensorielles et motrices:
•Les capacites sensorielles d’attention visuelle sont modifiées, s’accompagnant d’une augmentation de la rapidité du traitement des informations visuelles.
• L’amelioration des capacités motrices est prouvée par des tests psychomoteurs d’habilete et de vitesse d’execution • en effet sous Faction de la nicotine administrée a des non-fumeurs, les temps de réponse sont plus courts, sans aue-mentation du nombre d’erreurs.
La nicotine est la seule substance psychotrope douée de ces propriétés; les amphetamines améliorent également le temps de réaction, mais par contre il y a augmentation du nombre d’erreurs10.
Ces effets seront d’autant plus intenses que l’arrivee de la nicotine sur les récepteurs cérébraux sera plus rapide et plus brutale: c’est ce qui est obtenu avec la cigarette lorsqu’on inhale la fumée. Il faut seulement 7 secondes pour que la nicotine présente dans la fumée passe dans le sang et vienne stimuler les récepteurs cérébraux. Ainsi, chaque bouffée de cigarette apporte un véritable « shoot» de nicotine; les fumeurs le savent et recherchent ces effets: en cas de stress par exemple, quelques inspirations de fumée, quelques bouffées, suffisent pour obtenir l’effet tranquillisant et la relaxation.
Lors de l’exposition a la nicotine, les récepteurs nicotiniques du cerveau subissent des modifications: leur nombre augmente, ce qui est un fait très inhabituel en matière de biologie des neurotransmetteurs, et leur affinité pour la nicotine devient plus importante. Mais parallèlement, ils se « désensibilisent», c’est-a-dire deviennent insensibles a la présence de nicotine. Ceci est vraisemblablement une des explications possibles du syndrome de manque, qui se produit lorsqu’un fumeur est prive brusquement de nicotine; tout se passe comme si, au fil des mois et des années, la nicotine avait pris progressivement la place de l’acetylcholine et indirectement des autres neurotransmetteurs essentiels au fonctionnement quotidien de notre cerveau, et qui regèlent les activités intellectuelles, les émotions, la faim, la soif… La brusque privation de l’apport de nicotine entraîne des troubles divers, qui ne se corrigeront qu’en plusieurs semaines, le temps nécessaire pour que les neurotransmetteurs normaux aient été de nouveau fabriques et aient pu reprendre leurs fonctions normales.
La biologie moderne redécouvre et explique ainsi toutes les propriétés psychologiques induites par la nicotine, déjà connues des Indiens d’Amerique et rapportées dans les écrits anciens des les xvne et xvnr siècles et dont nous avons cite plusieurs exemples .