Le traitement de l'insomnie
« Holà ! Qu’on le saisisse, qu’on l’emmène : je le ferai dormir là cette nuit et sans air. Pardieu, reprit le jeune homme, Votre Grâce me fera dormir dans la prison tout comme elle me fera roi. Et pourquoi ne te ferais-je pas dormir dans la prison ?, demanda Sancho : est-ce que je n’ai pas le pouvoir de te prendre et de te lâcher autant de fois qu’il me plaira ? Quel que soit le pouvoir qu’ait Votre Grâce, dit le jeune homme, il ne sera pas suffisant pour me faire dormir dans la prison. Comment non ?, répliqua Sancho (…). Maintenant, Seigneur Gouverneur, répondit le jeune homme d’un air dégagé, soyons raisonnables et venons au fait. Supposons que Votre Grâce m’envoie en prison, qu’on m’y mette des fers et des chaînes, qu’on me jette dans un cachot, que vous imposiez des peines sévères au geôlier s’il me laisse sortir et qu’il se soumette à vos ordres : avec tout cela, si je ne veux pas dormir, si je veux rester éveillé toute la nuit sans fermer l’œil, Votre Grâce pourra-t-elle avec tout son pouvoir, me faire dormir contre mon gré ? » Ce dialogue entre l’écuyer de Don Quichotte, Sancho Pança, qui a été fait gouverneur de Baratterai par le Duc, et le jeune homme
qui a été arrêté pour vagabondage et qui se révèle être à la fois sage et plein d’esprit, résume le problème central du traitement de l’insomnie. Il est impossible de forcer les gens à dormir sans leur consentement. Le sommeil doit nous venir de lui-même. Tels des surfeurs qui doivent se mettre soigneusement en position pour attendre une vague plus haute, nous ne pouvons que nous préparer le mieux possible afin de permettre au sommeil de faire son apparition. La difficulté à s’endormir atteste que quelque chose ne va pas dans le processus de préparation au sommeil. L’objectif de tous les traitements est donc d’écarter les obstacles et de permettre au patient de se préparer à dormir, de telle sorte que la transition de la veille au sommeil soit douce et progressive. Quand le niveau d’excitation est haut et se manifeste par la tension musculaire, les « palpitations », des pensées incontrôlables et anxieuses, le processus d’endormissement est empêché. Aussi toute technique qui diminue l’excitation est-elle susceptible d’être utile pour le traitement de l’insomnie. Ces techniques comprennent les prescriptions de médicaments, la relaxation, le biofeedback, l’autohypnose, et même des mesures qui améliorent l’hygiène du sommeil. Je commencerai mon exposé par les techniques non médicales.
Il existe de nombreuses techniques de relaxation, dont certaines utilisent la contraction et le relâchement de muscles situés en différents endroits du corps, et d’autres font appel à l’attention pour la concentrer sur certaines parties du corps, accompagnée d’autosuggestion afin de provoquer des sensations de chaleur, de pesanteur, et un sentiment de sérénité. Différentes techniques de méditation et de biofeedback peuvent aussi favoriser la relaxation musculaire. Il est certain, cependant, que le facteur le plus important dans les cas de carences pathologiques de sommeil n’est pas lié aux muscles, mais aux pensées des patients. En dehors de la relaxation musculaire, la méthode commune à tous les traitements consiste à détourner l’attention des pensées qui nous préoccupe ni vers des sentiments intérieurs plus plaisants et monotones. « Pouvoirs miséricordieux, bornez-moi aux fluides pensées auxquelles la nature donne naissance dans le repos », demande Banquo dans Macbeth. La modification du cours des pensées est très certainement la clé qui ouvre la porte du sommeil. Cette idée est à la base de la méthode la plus ancienne de toutes : compter les moutons. D ne fait pas de doute que l’excitation cérébrale est un des symptômes les plus courants de l’insomnie. Il est bien difficile de s’endormir
quand on remue constamment des pensées telles que la cause des problèmes que l’on a avec son collègue de travail, s’il faut ou non acheter des stocks, ou les raisons pour lesquelles on a manqué un examen important. Il est tout aussi difficile de s’endormir lorsqu’on est allongé dans son lit dans la crainte d’une « nouvelle nuit sans sommeil ».
Puisque tous les insomniaques ne sont pas nécessairement tendus, les différentes techniques de relaxation doivent être adaptées chaque fois aux besoins du sujet. L’état d’insomniaques qui vont se coucher détendus et sereins peut être aggravé par l’utilisation de techniques de relaxation. Pour obtenir le meilleur effet des différentes techniques, trente minutes de pratique quotidienne sont nécessaires. Il faut commencer pendant la journée ; ce n’est que quand le niveau d’amélioration requis est atteint que l’on peut pratiquer ces techniques avant d’aller se coucher.