Typologie des fumeurs : Personnalité des fumeurs
Très heureusement, de nombreuses études psycholo- giques ont apporte des faits sérieux et précis; a l’oppose du fatras psychanalytique, elles sont basées sur des tests valides et scientifiques. Hans Eysenck , célèbre psychologue londonien, pionnier des thérapies comportementales et pourfendeur des théories analytiques a ete l’un des tout premiers a aborder rationnellement ce problème des les années 1960. Il décrit un questionnaire de personnalité qui évalue deux composantes importantes:
• le neuroticisme ou tendance névrotique;
•l’intro version, l’extraversion.
Le neuroticisme ou tendance névrotique se caractérise par une fragilité émotionnelle avec hypersensibilite, anxiété, tendance dépressive.
L’extraversion est définie par un degré élève de sociabilité, une bonne confiance en soi et parfois de l’audace et la recherche de sensation.
L’introversion est le repli sur soi, l’inhibition de l’action.
D’une fagon generate, comme nous l’avons mis en évidence dans notre centre de tabacologie , confirmant les travaux de Eysenck, sur l’ensemble d’une population de fumeurs venant a une consultation d’aide a l’arret du tabac, il y a une faible tendance a l’extraversion et un neuroticisme net, ce dernier étant proportionnel au degré de dépendance physique a la nicotine. Ces éléments ont une certaine valeur pronostique pour l’arret du tabac: un score élevé de neuroticisme est un facteur de difficultés ou d’echec.
Le test de personnalité du Minnesota est également un questionnaire intemationalement valide (MMPI-Multiphasic Minnesota Personality Inventory ); nous l’avons utilise systématiquement dans sa forme abrégée (Minimult) en étudiant tout particulièrement les items concemant «Anxiete» et « Depression ». Sur 100 fumeurs étudies successivement, près de la moitie d’entre eux avaient des scores intermediaires, mais au-dessus de la normale, tout particulièrement pour l’item « personnalite depressive», qui était corrèle a l’intensite de la dépendance tabagique. Cet élément est bien entendu a rapprocher du « neuroticisme »; il a une grande valeur pour le pronostic : chez ces sujets, le pourcentage d’arret du taba- gisme est plus faible et les recidives sont fréquentes.
Certains travaux ont pu mettre en évidence d’autres traits de personnalité comme facteurs favorisants du tabagisme; ce sont en particulier ceux utilisant le test de Recherche de Sensations de Zuckermann (SSS-Sensation Seeking Searchers). Ce questionnaire comporte des items traduisant le goût du risque, par exemple:
• Je reve souvent que je pourrais faire de Falpinisme.
• J’aimerais bien essayer de fumer de l’herbe, de faire du surf, du saut en parachute, du plongeon de haut vol.
• J’aime me stimuler en buvant de l’alcool…
La recherche de sensation peut ainsi constituer un trait marquant de personnalité favorisant les conduites a risques, telle la vitesse en voiture et en moto; les comportements addictifs, drogues, jeux, obsession du jogging, sexualité débridée ou excessive, apparaissent plus fréquents lorsque ce type de caractère est présent. Ce sont surtout les drogues stimulantes la cocaine, l’alcool, les amphétamines tel l’ec- tasy, le tabac qui sont utilisées. Les chercheurs de sensations seraient ainsi particulièrement sensibles aux propriétés stimulantes de la nicotine et prédisposés a devenir de « gros » fumeurs a forte dépendance. II est possible que, par suite d’une anomalie biologique, ces sujets aient besoin de cer- taines activités ou drogues pour obtenir la sécrétion des neu- romediateurs du système de récompense.
Une autre classification des personnalités a ete proposée par Cloninger et elle semble très bien appropriée a l’etude des dépendances. Elle décrit quatre caractéristiques principales et indépendantes:
•la recherche de la nouveaute, a rapprocher de la recherche de sensation;
• l’evitement des situations a risque, même si celui-ci est modéré (personnalité évitant, craintive):
• la recherche de récompense, c’est-a-dire le besoin de l’approbation des autres, de leur accord;
• la persévérance, se manifestant par la tendance a pour-suivre un comportement malgré les difficultés.
Ces caractères sont génétiquement déterminer, apparaissent très tôt dans la vie et influencent la création des habitudes. A ces quatre types hereditaires de personnalite, Cloninger ajoute trois types de caractère qui apparaissent chez l’adulte et influencent l’adaptation sociale:
• la possibilité d’autocontrole ;
•l’aptitude a coopérer, c’est-a-dire l’emphatie, l’altruisme, la tolérance ;
• l’autotranscendance, se manifestant par une vision spiritualiste plutôt que materialiste.
Les approches psychologiques des fumeurs voulant arre- ter de fumer sont bien évidemment différentes dans chacune de ces situations.
Lorsqu’on utilise les critères du DSM, des anomalies de la personnalité apparaissent fréquemment surtout sous forme d’anxiete sociale, dont les limites sont parfois floues avec la phobie sociale; le fait de fumer, par le geste et aussi par l’action de la nicotine, permet de calmer l’angoisse sus- citee par la situation que le sujet doit affronter, en particulier dans les réunions. La cigarette permet de donner une contenance et apaise l’anxiete.
Une notion generate se dégage de tous ces travaux: sur l’ensemble des résultats, grâce aux études statistiques sur un grand nombre de sujets, il est possible de dégager certaines tendances récurrentes: neuroticisme et tendance dépressive, l’extraversion, recherche de sensations, anxiété sociale et impulsivité. En fait cette approche, indispensable dans un premier temps, doit être examinée avec beaucoup d’esprit critique. La population des fumeurs est très hétérogène et il est peut-etre illusoire sur le plan scientifique, de vouloir, par des calculs statistiques, établir des régies generates; c’est le mythe du « p » ; il traduit un fait établi a l’etat general, mais souvent pris en défaut a l’echelon de Findividu, surtout quand le groupe étudie n’est pas homogène. Plus que le profil moyen, c’est le résultat obtenu pour chaque fumeur qui est le fait important.
Il est donc essentiel de savoir utiliser ces tests et questionnaires de personnalité a l’echelon indi- viduel, afin de déterminer si tel ou tel fumeur a un profil psy- chologique dans la « zone » normale, ou si au contraire il se présente comme un sujet avec des traits « nevrotiques », ou comme un chercheur de sensations, un hyperanxieux avec une tendance dépressive, une anxiété sociale, une impulsivité excessive; ces données constitueront un élément très important pour le choix des aides pharmacologiques et psychologiques a lui apporter.
Chez certains sujets, une vulnérabilité psychique constitue un facteur favorisant pour le développement d’un tabagisme important, avec forte dépendance. Fumer serait alors une automédication instinctive et la nicotine, un véritable antidépresseur, un régulateur émotionnel, tout particulièrement pour les affects négatifs.
Chez les fumeurs a forte dépendance nicotinique, le dépistage des troubles psychiques associés et des autres conduites addictives éventuelles est un élément essentiel pour le pronostic et les indications thérapeutiques.