Que ressent-on l'orsqu'on mord dans une feuille d'aluminium ?
Cette sensation électrique n’affecte que les personnes pourvues de dents plombées. Au contact d’une feuille d’aluminium, la bouche réagit comme une pile. Bien connu des propriétaires de bateaux à coque métallique, ce phénomène porte un nom:l’électrolyse.
Mais, dira-t-on, les plombages ne comportent pas de plomb! C’est leur aspect grisâtre qui les a fait baptiser ainsi. Qu’y trouve-t-on? Beaucoup de mercure liquide (50 % en masse) – lequel embarrasse les médecins de santé publique -, une poudre chargée de solidifier les métaux, un peu de zinc, du cuivre (jusqu’à 6 %), de l’étain (25-27 %) et surtout de l’argent (67-74 %). Ce sont ces métaux que le dentiste place dans les cavités nettoyées de nos dents cariées. Ils baignent dans une bouche constamment humidifiée par une salive salée. Or, l’aluminium est un autre métal. Un métal ici, des métaux là, et un milieu salé : voici réinventée la pile du chimiste Volta, premier générateur électrique de l’histoire.
L’aluminium constitue un pôle; les plombages, un autre. La salive sert d’« électrolyte », de fluide conducteur delectrons entre les deux pôles. Au contact de l’eau de la bouche, l’aluminium s’oxyde. Chaque atome perd trois électrons. Ainsi, la feuille d’aluminium diffuse des électrons: elle est le pôle négatif. Les plombages les récupèrent. Leurs métaux sont « réduits » par ces électrons : ils forment le pôle positif de la pile.
Pour corser le tout, au sein de chaque plombage, le microcourant créé par l’aluminium augmente les courants naturels entre les différents métaux, chaque plombage fonctionnant lui-même comme une pile. En effet, l’étain s’oxyde au contact de l’argent. Le courant est toutefois d’intensité trop faible pour qu’on le ressente, mais il augmente si le plombage est mal constitué et, avec l’âge, à mesure que les amalgames installés dans la bouche se font plus nombreux. L’électrolyse naturelle est alors maximale et induit dans l’organisme une libération de mercure, à des doses fort heureusement non pathogènes. Le risque de contamination au mercure, en revanche, est réel dans les cabinets dentaires, et peuvent mettre en péril la santé des dentistes qui s’y exposent à doses répétées.
Le courant généré par la pile aluminium/plombage est responsable de cette étrange et très désagréable sensation de chaleur et de picotement sous les dents. En maintenant le courant au sein de la bouche, l’aluminium libère toujours plus d’électrons qui entretiennent le courant, lequel stimule l’électrolyse, laquelle use les plombages… Mais avouons qu’il faut être masochiste pour mâchouiller de bon cœur une feuille d’aluminium! D’autres métaux sont susceptibles de déclencher des sensations identiques. Il suffit que leur potentiel électrique soit inférieur à celui de l’argent ou de l’étain; autrement dit, qu’ils soient des donneurs d’électrons.