Principaux syndromes (vertige) : Maladie de Ménière
Maladie de Ménière
Définition et physiopathologie
Décrite par Prosper Ménière en 1861, elle répond à une définition clinique très précise regroupant la triade symptomatique : surdité neuro-sensorielle fluctuante, acouphènes ipsilatéraux et crise vertigineuse évoluant sur le mode paroxystique.
Rare dans la population mais non exceptionnelle, elle touche environ 10 % de l’ensemble des patients consultant en ORL pour un vertige. Si elle peut survenir à tout âge, il s’agit le plus souvent d’un adulte d’âge moyen, indifféremment homme ou femme. Habituellement unilatérale, elle peut se bilatéraliser dans 10 à 30 % des cas environ, ces chiffres étant encore discutés. Sa cause est encore inconnue alors que, depuis plus de 70 ans, nous savons que la distension du labyrinthe membraneux encore appelé «hydrops endolymphatique» constitue son substratum histopathologique. Aussi, l’on comprendra que cette étrange mais séduisante pathologie excite la curiosité de nombreux praticiens et chercheurs. Mais, jusqu’à ce jour, elle a su fermement garder le secret de sa réelle étiologie malgré l’impressionnante quantité de travaux qui lui ont été et sont toujours consacrés.
Clinique : Forme typique
Nous la décrirons ici de façon volontairement caricaturale afin de fixer l’attention du lecteur sur une maladie qui, si elle livre facilement son diagnostic sous réserve d’un interrogatoire bien conduit, a trop souvent endossé la responsabilité d’un très grand nombre de vertiges !
L’aura de crise : acouphènes, sensation de plénitude de l’oreille, céphalées :
Le patient est un adulte jeune, habituellement débordant d’intenses activités professionnelles. Ce sujet pressé, toujours « entre deux avions », va d’abord percevoir une gêne dans une seule de ses oreilles. Cette oreille se met à « siffler » en même temps qu’elle lui donne l’impression d’être bouchée, occasionnant des manoeuvres de Valsalva pour tenter de mettre fin à cet inconfort. Ces manœuvres sont sans effet ; au contraire, au fil des heures, la gêne va augmenter : l’acouphène s’intensifie progressivement et continûment, pouvant devenir intolérable en même temps que la sensation d’oreille bouchée s’intensifie au point que le malade décrit le souhait « de la voir percée pour dégonfler cette oreille pleine ». L’inquiétude du patient devient extrême en même temps qu’il s’agite, ne trouvant aucune parade pour faire cesser cette « chamade qui bat dans son oreille ». Certains patients allèguent à ce stade des céphalées et il est vrai que la proportion de migraineux chez ces malades est supérieure à celle d’une population normale.
Le grand vertige :
Au terme de cette aura de crise, apparaît un syndrome neurovégétatif plus ou moins marqué : nausées, diarrhée, sueurs, voire vomissements, sans jamais perte de connaissance. Puis survient le grand vertige, rotatoire, très violent, inconfortable, continu et persistant puisqu’il dure d’une demi-heure à plusieurs heures, obligeant le décubitus, mais n’entraînant jamais de chutes. Le malade allongé va sentir peu à peu la crise vertigineuse s’amender. Dans l’obscurité, les yeux clos, il est couché sur le côté de son oreille atteinte et va s’endormir, épuisé, au bout de quelques heures.
Surdité :
Elle est constante pendant la crise mais elle est mal rapportée, au début en tout cas, parce qu’elle est noyée par la puissance des acouphènes et la sensation de plénitude de l’oreille. Elle s’accompagne typiquement d’une distorsion des sons, avec diplacousie et souvent hyperacousie douloureuse. Ces signes seront plus distinctement perçus dans les heures qui suivent la disparition du grand vertige.
Évolution à court et moyen terme :
Le caractère fluctuant fait partie de la définition de la maladie. Aussi, est-ce l’observation dans le temps qui seule va définir ce caractère fluctuant.
Dans les heures qui suivent, surviennent souvent de nouvelles crises, aussi typiques que la première mais de moindre intensité, et les éventuelles suivantes le seront de moins en moins encore. Puis la surdité va s’estomper lentement, les acouphènes deviennent moins gênants et vont cesser, en même temps que le patient retrouvera un équilibre de qualité, l’instabilité n’ayant été que passagère.
À moyen terme, et de façon imprévisible, angoissant le patient dans l’attente d’un nouvel épisode, les crises peuvent se répéter à un rythme de quelques-unes par an à plusieurs par mois. Malheureusement, à chaque crise, la récupération se fera moins nette et, devenant incomplète au fil des crises, laissera des séquelles définitives :
– l’instabilité persistera longtemps ;
– l’acouphène deviendra permanent ;
– la surdité sera de plus en plus sévère.
Évolution à long terme:
Le plus souvent, on guérit spontanément de ces terribles « attaques » de vertige au prix de quelques-unes des séquelles énoncées plus haut et la maladie ne deviendra plus qu’un lointain mais bien mauvais souvenir.
Ailleurs, après un intervalle libre plus ou moins long et là encore imprévisible, certains patients subiront sans cesse ces « attaques de vertige » : leur maladie deviendra « invalidante » au point de les empêcher de mener une vie sociale et professionnelle acceptable compliquée des graves séquelles cochléaires à type de vertiges et acouphènes.
Formes cliniques
Elles sont très nombreuses et présentent peu d’intérêt à être décrites ici. Elles sont simplement signalées :
– les formes dissociées sont fréquentes au début, la maladie n’exprimant que les signes cochléaires ou vestibulaires. Elles égarent le diagnostic, mais l’évolution à moyen et long terme le redresse. On peut dire la même chose des formes frustes du fait de la faible intensité des signes cochléo-vestibulaires ;
– les formes bilatérales ne sont pas rares, seule leur fréquence est discutée. Leur gravité réside dans la surdité bilatérale sévère qu’elles engendrent ;
– la crise dite de Lermoyez est une crise de Ménière typique si ce n’est que l’audition s’améliore au cours de la crise vertigineuse : « c’est une crise qui fait entendre ! » ;
– la crise de Tumarkin est une crise brève, sans aucun signe prodromique, marquée par un affaissement brutal du malade qui souvent se sent poussé violemment dans une direction. La chute est fréquente, dangereuse et elle ne s’accompagne jamais d’une perte de connaissance. Ces crises surviennent le plus souvent après des années d’évolution d’une maladie de Ménière typique ;
– ces crises sont rares chez l’adolescent mais non exceptionnelles. Leur existence est toutefois discutée chez le jeune enfant ;
– les formes invalidantes le sont avant tout par la répétition des crises vertigineuses. Le caractère invalidant est apprécié par le retentissement sur la vie sociale et professionnelle de l’individu. Elles sont intéressantes à bien connaître car la neurotomie vestibulaire fait disparaître dans tous les cas et définitivement ces crises de vertige invalidantes.
Diagnostic
Il est habituellement facile car il s’agit de l’un des très rares vertiges où le malade sait dire que l’oreille est responsable de son trouble et, mieux, il est capable de désigner le côté atteint ! Aussi faut-il fortement se méfier du diagnostic de maladie de Ménière sans que le malade ne puisse spontanément percevoir l’organe malade et le côté en cause.
Le diagnostic est clinique et anamnestique. À partir du moment où les éléments de la triade sont présents et associés de la façon décrite plus haut, il ne persiste aucun doute. Théoriquement, étant donné le caractère fluctuant des symptômes, nécessitant l’observation de l’évolution dans le temps, le diagnostic est impossible à la première crise. Ceci est d’autant plus vrai que la forme au départ est fruste ou dissociée. Aussi, c’est bien la répétition des crises et leur évolution qui viendront conforter le bien-fondé du diagnostic pressenti à la première crise.
Vidéo : Principaux syndromes (vertige) : Maladie de Ménière
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