Pourquoi et comment devient-on fumeur ?
La prévention de l’initiation des jeunes a la cigarette est un élément essentiel de la lutte generate contre le tabagisme.
► Le début du tabagisme
il est a l’heure actuelle de plus en plus précoce: il est passe progressivement de 18-20 ans avant 1968 a 13-14 ans actuellement, funeste conséquence du trop célèbre slogan: «I1 est interdit d’interdire.» C’est en effet a partir de 1968 que les interdictions de fumer dans les lycées et collèges sont tombées rapidement en désuétude. parallèlement, le tabagisme féminin s’est rapidement développe et sa fréquence devient égale, sinon parfois supérieure a celle des garçons, surtout dans les tranches d’age les plus jeunes. Le pourcentage de fumeurs atteint 60% vers 18 ans, dont 90% de fumeurs réguliers, c’est-a-dire un chiffre supérieur a celui de la population globale adulte.
Par ailleurs, le nombre de cigarettes fumées par jour en moyenne par chaque adolescent augmente rapidement avec l’age. A 18 ans, plus de la moitie des jeunes sont deja des fumeurs réguliers de cigarettes et 20 % d’entre eux consomment deja plus de 20 cigarettes par jour; ceci traduit l’installation rapide de la dépendance.
L’entree dans le tabagisme se fait pratiquement toujours avant vingt ans. Le pourcentage d’adolescents fumeurs ne
régresse que très lentement, malgré les efforts importants d’education sanitaire de ces quinze derniers années. Cette situation est très grave pour l’avenir, car plus le tabagisme débute tôt, plus précoces et plus évolutives sont les compli-cations : on voit apparaître actuellement des cancers du poumon, des morts subites par infarctus du myocarde avant 40 ans, ce qui est dramatique pour la cellule familiale.
En cas de début précoce, avant 15 ans, la dépendance s’installe plus rapidement et est ensuite plus importante et plus difficile a traiter. Cette évolution est liée aux diverses pro- prietes de la cigarette industrielle qui est actuellement la modalité quasi exclusive de consommation du tabac chez les jeunes.
L’installation et le développement du tabagisme chez l’adolescent se font schematiquement en trois phases :
La première phase dite d’initiation est très brève. Les réactions de l’organisme vis-a-vis de la nicotine sont variables d’un sujet a l’autre: les premiers cigarettes sont plutôt mauvaises, sinon aversives, s’accompagnant de nausées, de malaises, de maux de tête. Chez certains adolescents, cette réaction est intense et ne s’attenue pas aux cigarettes suivantes: ils n’iront pas plus loin; ils rejoignent les non-fumeurs de toujours. Par contre, pour les autres, ce trouble disparaît très vite et les cigarettes suivantes sont mieux tolérées et deviennent vite agréables, surtout s’il s’y associe la pression du groupe et la consommation dans une ambiance de détente et de convivialité.
La phase d’initiation et d’apprentissage est liée essentiellement a un processus d’imitation de modèles, a la référence a un système de valeurs censé représenter la norme et un environnement attrayant; le rôle du milieu familial, scolaire et social est essentiel; le cote alléchant de la cigarette conduit l’enfant a essayer, car elle est le symbole de l’initia- tion a l’univers des adultes; elle est aussi associée aux images de plaisir, de vacances, d’exploits sportifs, de voyages, d’aventure, de sexualité. Telles sont les méthodes
de publicité diaboliquement et habilement utilisées par les industriels du tabac pour conditionner 1’adolescent a 1’ usage de la cigarette, en présentant celle-ci sous un aspect valorisant et comme un emblème normal de la vie en société.
Contre cette manipulation, les éléments les plus efficaces sont l’education sanitaire, surtout provenant des parents et des éducateurs, le conditionnement de l’ enfant au rejet du tabagisme a l’ecole et dans les groupes d’amis, les restrictions de la publicité et les interdictions de fumer: il est indispensable que le fait de ne pas fumer devienne la norme, afin d’eviter la contagion. En ce domaine, les images négatives, comme la peur de la maladie sont pratiquement sans influence; il faut au contraire insister sur les bienfaits du refus de la cigarette, le souffle, l’odeur, l’ecologie… et ce méfait majeur a court terme, la rapidité de 1’ installation de la dépendance, c’est-a-dire de l’esclavage. Le rôle des clubs d’enfants non fumeurs est certainement très important.
Ce comportement est ensuite maintenu et amplifie par la pression sociale de l’environnement et par des facteurs internes, biologiques. Si le fumeur inhale la fumée, la nicotine est absorbée très rapidement et se fixe en quelques secondes sur des structures cérébrales ou elle est source de plaisir, de détente, de réduction de l’appetit. Ce mécanisme induit la poursuite et 1’augmentation de la consommation; ainsi s’installe la dépendance psychique. C’est la phase ou 1’adolescent fumeur ressent tous les agréments et avantages de la cigarette; il pense être encore libre d’arreter lorsqu’il le souhaitera, mais, en fait, le piège s’est deja referme sur lui: Russel a bien montre que le seuil ou apparaît la depen¬dance est très bas, de l’ordre de 5 a 6 cigarettes par jour!
Puis le nombre de cigarettes fumées va s’elever progressi- vement; la nicotine étant une drogue, pour retrouver les mêmes sensations, le frimeur va augmenter plus ou moins rapidement sa consommation.
Ainsi en quelques années, chez certains fumeurs, va s’installer la dépendance physique, c’est-a-dire la sensation de manque, le besoin irrésistible de reprendre une cigarette; c’est la le drame, car cette dépendance va conduire a l’aug- mentation progressive de la consommation; elle va atteindre vingt cigarettes par jour et plus. Le «gros» fumeur est un sujet a très haut risque pour les maladies vasculaires, les cancers… et surtout en raison de sa dépendance, il aura le plus grand mal a arrêter de fumer, plus tard, lorsqu’il aura pris progressivement conscience de tous les méfaits du tabac, en particulier les risques et surtout l’esclavage du manque.
► Le développement du tabagisme
Le développement ultérieur du tabagisme est donc lie a la conjonction de plusieurs facteurs:
— la pression sociale avec le rôle de l’environnement, de la publicité, de 1’image de la cigarette;
— le caractère « addictif» du tabac et singulièrement de la cigarette par 1’intermediate de la nicotine;
— l’existence d’une vulnerability psychologique chez de nombreux adolescents fumeurs: elle a ete très bien étudiée aux Etats-Unis . Des enfants ont ete suivis a 10 ans, puis a
16-17 ans; chez ceux qui sont devenus fumeurs, certains traits de personnalité étaient présents des l’age de 10 ans et constituaient des éléments prédictifs de l’installation d’un tabagisme ultérieur:
• un neuroticisme, c’est-a-dire une fragilité psycholo- gique, avec une tendance névrotique,
• une nervosité excessive, un pessimisme. Ces jeunes étaient soucieux, angoisses, avec troubles du sommeil et fatigabilité anormale, présente surtout le matin et se dissipant ensuite dans la jouée,
•une difficulte d’afflrmation de soi, un manque de confiance, tout particulièrement dans les situations sociales,
• une personnalité agressives, impulsive pour les garçons,
• une préoccupation du poids, de 1’image corporelle pour les filles,
• des fonctions cognitives parfois moins bonnes, expliquant peut-etre les mauvais résultats scolaires ultérieurs.
Ces différentes anomalies sont a rapprocher de la fréquence des tendances dépressives chez les fumeurs adultes dépendants et des liens très étroits existent entre la depen- dance tabagique et les diverses formes d’etats depressifs et anxieux.
Comme en bien d’autres domaines, il existe une inégalité biologique devant le risque «tabagisme »; dans le deve- loppement de celui-ci, il y a toujours un mélange plus ou moins complexe d’inne et d’acquis.
Les stades évolutifs successifs de la consommation de cigarettes
Comme toute addiction, le tabagisme évolue en plusieurs stades successifs, selon un processus commun a toutes les drogues.
► Le premier stade
Apres la phase d’initiation survient le premier stade, celui du fumeur satisfait, « heureux », qui trouve plaisir, détente et sensations agréables dans la cigarette. il n’a encore que peu ou pas de dépendance physique; pendant de nombreuses
années, 10, 20 ans et parfois plus, ce sujet n’a aucune envie d’arreter et reste totalement réfractaire a toutes les actions generates d’information et d’education sur la santé.
Nous connaissons très mal les moyens de modifier ce comporte- ment; toutes les stratégies jusqu’alors employees en éducation sanitaire se sont revelees insuffisantes pour le modifier.
► Le deuxième stade
Le deuxième stade est celui du fumeur indécis : les campagnes d’information, un accident lie au tabac chez un proche, le mariage, les enfants, autant d’evenements qui peuvent amener le fumeur a envisager d’arreter. Il pesé alors le pour et le contre, les bienfaits et les méfaits, comme les deux plateaux d’une balance. II y a pendant toute cette période une maturation progressive qui va durer un a trois ans, jusqu’au jour ou les inconvénients paraissent l’emporter sur les avantages: le fumeur décide alors une tentative d’arret; souvent il y a un « declic » qui se produit un jour pour tel ou tel fait intercurrente: «J’ai encore eu une bronchite; j’ai eu du mal a monter trois étages car l’ascenseur etait en panne; mon fils a fait a nouveau une crise d’asthme… » En fait, c’est toujours l’aboutissement d’un long processus progressif, lorsque le poids des inconvénients commence a peser plus lourd que celui des avantages.
► Le troisième stade
Le troisième stade est celui de la préparation qui dure plusieurs semaines, faite d’hesitations, puis du choix de la date.
► Le quatrième stade
Le quatrième stade est faction qui se prolonge sur trois a six mois. C’est la phase de l’arret du tabac. Tout fumeur, s’il est bien motive, peut arrêter de fumer un jour, deux jours, quelques jours… Ce qui est difficile, c’est la durée. Cette possibilité d’arret a court terme est la base même de toutes les «methodes» empiriques, dont elle entretient la falla- cieuse mais profitable notoriété.
Sur la courbe représentant le pourcentage de sujets restes abstinents après une tentative d’arret, sans aide réelle, ou avec telle ou telle méthode a « effet placebo », on voit que 80 % de sujets ne forment plus pendant les 3 a 7 premiers jours; mais ils ne sont plus que 5 a 10% d’abstinents au bout d’un an, selon l’intensite de la dépendance; la courbe est exponentielle, le nombre de sujets abstinents diminuant rapidement pendant les trois premiers mois, puis plus lentement ensuite.
► Le stade de maintenance Les rechutes sur le long terme sont fréquentes et pour les fumeurs dépendants, il est rare que l’arret du tabac soit
obtenu a la première tentative; mais ces reprises de la cigarette ne doivent pas être considérées comme un échec; il y a eu pendant quelques jours ou quelques semaines un apprentissage de la vie sans tabac, ce qui a permis de mettre en place de nouveaux comportements. Chaque tentative d’arret rapproche du succès final: le pourcentage de réussite est plus important lors des tentatives ultérieures.
il est donc essentiel de savoir a quel stade le fumeur en est de son évolution et combien il a deja fait d’essais. Les stratégies d’aide a l’arret du tabac, tant a l’echelon general qu’a l’echelon individuel, doivent être adaptées a chacune de ces étapes obligatoires.
Ainsi dans la majorité des cas, révolution spontanée des addictions et cela est vrai pour toutes les drogues, se fait vers la guérison, ou tout au moins vers une tardive tentative de libération, a partir du moment ou les inconvénients l’emportent sur les avantages et ou survient le «ras-le-bol» de ce comportement.
Toute dépendance est un trouble chronique, a poussées successives, fait de remissions et de rechutes, dont révolution a long terme devrait être favorable; mais, malheureusement, il y a souvent eu auparavant toutes les complications a moyen et a long terme liées a l’utilisation de la substance.