Physiologie et physiopathologie du système de l'équilibre
Selon que le corps est immobile ou en mouvement, on distinguera :
- l’équilibre statique postural qui concerne la conservation des attitudes ;
- l’équilibre dynamique qui concerne les mouvements et l’orientation.
De façon générale, le corps maintient activement son équilibre par un asservissement de position : l’ensemble des capteurs sensoriels décrits plus haut informent en permanence les centres de l’écart entre la position réelle et de la position désirée. Toute erreur donne lieu à des ordres de correction élaborés dans les centres nerveux et exécutés par les muscles.
Lorsque les informations transmises par les différents capteurs sont homogènes entre elles, les ordres de correction le sont aussi et le patient est en équilibre de façon naturelle. Le trouble de l’équilibre ne survient que lorsque les informations ne sont plus homogènes ou que les effecteurs sont pathologiques au point de ne pouvoir exécuter les ordres dictés par les centres.
Equilibre = homogénéité des informations et réponses adaptées des effecteurs
Nous avons vu les noyaux labyrinthiques recevoir en permanence des informations par quatre voies principales : celles provenant des capteurs situés au niveau de l’œil, du labyrinthe, du système proprio- et extéroceptif et du système neurovégétatif.
Les noyaux labyrinthiques traitent en permanence l’ensemble de ces informations et les mettent « en forme » avant de les adresser aux centres supérieurs.
Lorsque ceux-ci les jugent homogènes et non discordantes, ils maintiennent l’équilibre statique ou dynamique par le biais des effecteurs musculaires en donnant des ordres homogènes et adaptés : l’individu « est et se sent en équilibre ».
Trouble de l’équilibre = inhomogénéité des informations, d’où « vertige »
Lorsque les informations reçues par les noyaux labyrinthiques deviennent discordantes, par exemple lorsqu’un labyrinthe devient pathologique, les centres supérieurs ne peuvent pas gérer l’incohérence de cette situation. Devant ce conflit d’informations :
- d’une part, ils trouvent une solution en « inventant » le vertige, créant ainsi une sensation erronée de déplacement
- d’autre part, ils donnent des ordres aberrants à leurs effecteurs musculaires entraînant déplacements inadaptés voire chutes, créant ainsi le trouble de l’équilibre objectif.
Le nystagmus survient du fait du désordre induit le long de la voie vestibulo-oculaire et celui de la voie vestibulo-végétative explique les nausées, vomissements et autres désordres neurovégétatifs.
Le symptôme « vertige »
Ainsi, les troubles induits au niveau des quatre voies expliquent les quatre syndromes constituant le trouble de l’équilibre.
Chacune des voies est plus ou moins affectée et l’on comprend donc aisément qu’il existe en clinique une infinité de troubles de l’équilibre associant à des degrés divers les quatre syndromes. D’un extrême à l’autre, le « vertige », ainsi que le dit le malade, peut se résumer au seul nystagmus « inconscient », ou à une vague sensation nauséeuse permanente ou encore se présenter sous forme d’un grand syndrome vertigineux chez un malade cloué au lit et vomissant.
L’équilibre dans les conditions extra-physiologiques
Les trois exemples choisis ci-dessous démontrent qu’en dehors de toute pathologie, un trouble de l’équilibre peut être induit par tin conflit entre les diverses afférences aux noyaux vestibulaires, conflit que le patient peut apprendre à gérer par l’entraînement, dans ces situations extra-physiologiques.
En pathologie, il revient au médecin de reconnaître le conflit dû à la défaillance d’un capteur périphérique du conflit quasi physiologique induit par un simple conflit sensoriel.
Exemple de la plongée sous-marine
La plongée représente une situation propice à la survenue de conflits sensoriels entre les informations adressées aux noyaux labyrinthiques :
- la vision n’est pas toujours possible dans les profondeurs ou, si elle l’est, les mouvements des algues induits par la houle pro¬voquent des perturbations visuelles observées au travers d’un masque qui, en outre, déforme l’image du paysage
- les extérocepteurs pressionnels, en particulier ceux des voûtes plantaires, ne participent plus à la perception de la verticalité
- les informations vestibulaires deviennent ainsi et souvent les seules disponibles pour assurer l’équilibre du plongeur.
On comprend donc que dans cette situation déjà difficile du point de vue de la perception de l’équilibre, une défaillance vestibulaire, par exemple un vertige alternobarique, peut entraîner une désorientation telle que le plongeur, qui cherche désespérément à regagner au plus vite la surface, ne fait plus en réalité que tourner en rond.
Exemple de la peur du vide ou « acrophobie »
La particularité de la situation d’un sujet qui s’approche du vide tient à ce qu’il perd de plus en plus ses repères visuels proximaux, et en particulier les repères de verticalité. Ce sujet devient par conséquent de plus en plus dépendant de ses informations vestibulaires et proprioceptives. Si ces dernières sont jugées insuffisantes pour garantir la sécurité d’équilibre, l’importance du danger estimé est rapidement majorée par l’intervention de sentiments d’anxiété ou d’angoisse, qui peuvent confiner à la panique. De telles sensations, en déstructurant un peu plus les mécanismes réflexes qui assuraient encore l’équilibre, justifient que le sujet n’a comme seule solution qu’un recul suffisant pour se mettre définitivement à l’abri.
Exemple de la voltige aérienne
Lors de la voltige aérienne, le vestibule est soumis à des accélérations qui peuvent être :
- linéaires, c’est-à-dire que le mouvement est rectiligne et de direction constante, cette direction pouvant être longitudinale, dans l’axe de l’avion, ou transversale, dans l’axe des ailes, ou encore verticale ;
- radiales, correspondant à la force centripète qui apparaît quand l’avion tourne, même à vitesse constante ;
- angulaires, correspondant à une variation de vitesse au cours d’une rotation ;
- de Coriolis, qui combinent l’accélération radiale et l’accélération angulaire.
Par temps clair, avec une bonne visibilité de l’horizon, un pilote évalue facilement sa position par rapport au sol et son assiette, c’est-à-dire son degré d’horizontalité. En revanche, dans des conditions de mauvaise visibilité, les informations vestibulaires prennent le relais, mais au prix de multiples difficultés liées aux conditions particulières du vol :
- virage réalisant une accélération angulaire initiale, suivie de rotation prolongée à vitesse constante, puis de décélération. Pendant la rotation prolongée, l’activité vestibulaire mise en œuvre par l’accélération initiale s’éteint. Lorsque la décélération intervient, le vestibule est réactivé mais les afférences qu’il adresse aux centres sont ceux d’une rotation en sens inverse, et non pas d’une décélération ;
- virage prolongé à vitesse constante et faible inclinaison. La condition de vitesse constante annule peu à peu la perception de la rotation d’origine canalaire. La condition d’inclinaison constante dirige la résultante entre la gravité et la force centripète perpendiculairement au sol de l’avion. De ce fait le système otolithique informe du fait que l’avion est horizontal. À l’arrêt du virage, le complexe canalo-otolithique génère l’illusion un nouveau virage de sens et d’inclinaison inverses du précédent ;
- virage à axe de rotation vertical et vitesse angulaire constants. En supposant la tête droite, les canaux semi-circulaires latéraux reviennent au repos du fait qu’il n’y a pas d’accélération angulaire. Si, pendant cette période d’inactivité canalaire, le pilote incline sa tête de 90° en avant, alors le plan des canaux latéraux devient vertical, ce qui pour eux est l’équivalent d’une décélération brutale puisqu’ils quittent le plan de rotation, tandis que les canaux verticaux se retrouvent brusquement dans le plan de rotation et sont l’objet d’une stimulation soudaine. Il en résulte une illusion complexe et brutale, qui peut faire perdre le contrôle de l’appareil. La disposition des divers instruments des tableaux de bord modernes tient compte de ce phénomène.