Les stimulants
Est-ce que La cocaïne est aux drogues ce que le champagne est à l’alcool ?
C’est oublier que l’alcool contenu dans le champagne est aussi toxique que l’alcool contenu dans toute autre boisson ! Pour ce qui concerne la cocaïne, elle jouit à tort d’une réputation flatteuse. D’abord parce que c’est une drogue qui se « sniffe » (se prise) plus qu’elle ne s’injecte, et qu’elle est associée à la fête, la performance, la réussite. Freud en consommait dans ses débuts et en écrivait encore le plus grand bien quand nombre de ses confrères en constataient les méfaits. Plus près de nous, dans les années 1990, elle était l’apanage de certains milieux aisés (elle était alors rare et chère), tel le monde des médias, de la finance, du spectacle. Un célèbre chanteur a ainsi pu évoquer sa consommation de cocaïne dans une interview donnée à un grand quotidien du soir, des traces de cette drogue ont été trouvées dans les toilettes de parlements européens, de même que sur des billets de banque ayant, une fois roulés serrés, servi de paille.
Mais la cocaïne est une redoutable traîtresse, elle conduit pratiquement toujours à l’excès : tant qu’il y en a, il faut en prendre, et les consommations « récréatives » du début virent vite à l’abus, voire à la dépendance, avec ses manifestations de craving.
La cocaïne s’est considérablement démocratisée ces dernières années : son prix a baissé et elle est apparue sous une forme particulière, le crack, c’est-à-dire de la cocaïne à fumer, davantage associé dans l’imaginaire du public à l’exclusion et à la violence qu’au luxe et à la fête. Il faut préciser que le free base (mélange de cocaïne, de bicarbonate et d’ammoniaque), que certains fument dans les milieux « favorisés », est exactement la même chose. C’est sous sa forme fumée que les effets de la cocaïne sont les plus puissants, mais aussi les plus brefs (quelques minutes), d’où la nécessité de consommer à nouveau pour retrouver les mêmes effets, et éviter le vécu dépressif de la descente (moment où l’effet des drogues s’estompe). Le contexte festif dans lequel on rencontre le plus souvent la cocaïne ne doit pas faire oublier sa réelle dangerosité !
La cocaïne permet de se surpasser
La cocaïne a un effet désinhibiteur quasi immédiat : on peut parler à tout le monde, on se sent brillant (l’être vraiment est parfois une tout autre histoire), capable de tous les exploits, de séduction, d’esprit, le travail paraît plus facile. D’ailleurs, on peut travailler davantage, avec le sentiment de réussir à gérer les situations les plus complexes ou faire plus souvent la fête puisqu’on ne ressent plus la fatigue, un « petit sniff » permettant de retrouver la forme. D’où la séduction qu’exerce cette drogue qui, dans un premier temps, ne paraît apporter que des bénéfices à son usager. Or, cet accroissement des performances va très vite se payer. Pour cela, il faut comprendre le mécanisme d’action de la cocaïne sur le cerveau : elle vide certaines cellules nerveuses de leur stock de dopamine, un neuromédiateur impliqué dans la façon dont le cerveau traite les informations qu’il reçoit. Brutalement libérée, la dopamine va provoquer la stimulation attendue : quel que soit l’environnement extérieur et la réalité de la personne, la seule information que reçoit désormais le cerveau est que tout va bien. Une fois libéré, ce stock de dopamine va mettre un certain temps à se reconstituer. D’où des prises réitérées de drogue, sans que la personne ne parvienne pour autant à retrouver l’excitation initiale, quelle que soit la dose consommée. Alors viennent d’autres substances, en particulier l’alcool, avec lequel on va chercher, mais toujours sans succès, à retrouver le sentiment d’exaltation initial. À l’euphorie des premières prises succède la fuite des idées, à la séduction succède l’agressivité, à l’épanouissement succède la dépression, et à la communication succède l’isolement, d’autant que, souvent, la consommation a conduit à s’éloigner de tous les amis qui ne consommaient pas…
Le surcroît de capacité ressenti lorsqu’on prend de la cocaïne est donc trompeur, c’est de l’énergie à crédit : comme un compte en banque que l’on vide en une fois et qui conduit ensuite à vivre en permanence à crédit.
La fatigue et la douleur sont là pour nous rappeler les limites de notre corps, et lui permettre de durer. La cocaïne recule ses limites immédiates, mais au prix de l’accélération de sa déchéance.
On ne peut pas devenir dépendant du crack en une prise
Aucune drogue ne rend dépendant en une prise, pas plus le crack qu’une autre. La dépendance résulte de l’intrication de différents facteurs, le produit en est un, mais l’environnement, les attentes de la personne, son « assise » personnelle, comptent également.
En revanche, on constate que certaines drogues « sensibilisent » très vite l’organisme, c’est-à-dire que ce dernier va mémoriser au plus intime de son système nerveux toutes les données de l’expérience vécue sous drogue, les sensations, l’environnement, etc. Le crack, par la puissance et la nature de ses effets, comme l’hypersensibilité à l’environnement au moment de la prise, et la répétition rapprochée des prises liée à la brièveté de son action (pas plus de quelques minutes), va rapidement et fortement sensibiliser le système nerveux central de celui qui le consomme. Si une dépendance sur le mode du craving ne s’installe pas en une prise, il est clair néanmoins qu’elle peut s’installer rapidement, en quelques prises rapprochées.
L’ecstasy est un produit danger
C’est une croyance tenace, qui commence néanmoins à régresser, à force de prévention et d’information. Comme beaucoup de drogues modernes, l’ecstasy possède à la fois une fonction amphétaminique stimulante et une fonction hallucinogène, modifiant la perception du monde environnant. Découvert au début du siècle, le méthylène- dioxymétamphétamine (MDMA), le principe actif de l’ecstasy, a surtout été utilisé dans les années 1970 aux États-Unis, afin de faciliter les psychothérapies : il permettait de libérer les inhibitions du patient, l’aidait à se confier à son thérapeute. C’est aussi à cette époque que ce produit s’est répandu outre-Atlantique hors du champ de la médecine, pour investir les lieux « branchés » et pour se développer plus tard en Europe dans le sillage de la musique techno et des « raves », avec cette réputation d’être une drogue festive, sans danger, voire une « drogue de l’amour », comme l’a titré un hebdomadaire de l’époque. En France, le MDMA est inscrit au tableau des stupéfiants depuis 1986, ce qui n’a pas empêché le développement de sa consommation.
Deux types de risques ont été mis en évidence.
Le premier est lié à des pathologies graves mais rares, surgissant dans les heures qui suivent la consommation d’ecstasy : ce sont des troubles du rythme cardiaque, des troubles vasculaires, rénaux, Phyperthermie, la rhabdomyolise (destruction des cellules musculaires, potentiellement mortelle), etc. Ces troubles répertoriés étant rares, la plupart des usagers d’ecstasy ne connaissent pas dans leur entourage de personnes ayant été touchées par ces accidents potentiellement gravissimes, et ne se sentent que peu concernés.
En revanche, les troubles psychiques sont plus fréquents : états confusionnels, anxiété, difficultés de concentration, difficulté de régulation de l’humeur, durant parfois plusieurs semaines, même après une dose unique. Cela conduit souvent à une inflation de prise de médicaments ou d’autres drogues pour tenter de retrouver une humeur satisfaisante.
Il semble de plus que le MDMA présente une toxicité pour le système nerveux central, conduisant à la diminution de production d’un neuromédiateur, la sérotonine, impliquée entre autres dans la régulation de l’humeur et les processus d’apprentissage. La discussion actuelle porte sur l’irréversibilité ou non des conséquences de la consommation d’ecstasy sur certains neurones.
Il est donc prudent de s’abstenir de consommer de l’ecstasy.