les rayonnements
En particulier, la discussion sur les dangers de la radioactivité ne prend tout son sens que si les valeurs prises en considération sont comparées aux valeurs de radioactivité naturelle subie par l’homme clans son quotidien. Nous commencerons par donner quelques éléments de vocabulaire, avant de parler des unités de mesure et d’aborder leurs effets sur les individus.
Un radio-isotope est un atome instable se transformant dans le temps en une autre entité, stable ou instable, et en émettant de l’énergie sous forme de particules ou de rayonnements. L’origine de cette émission d’énergie est appelée source radioactive. La radioactivité s’accompagne donc du phénomène de décroissance, qui correspond à la réduction dans le temps de la quantité de rayonnement émis. La période (ou demi-vie) détermine le temps au bout duquel la moitié de la quantité de cette matière est transformée en un autre isotope. La période est une constante pour un radio-isotope déterminé, pouvant s’étaler entre une fraction de seconde et plusieurs milliards d’années. La décroissance étant une fonction exponentielle inverse, il en résulte que l’activité d’une source est réduite au dixième de sa valeur initiale après 3,3 périodes et au millième (210 = 1024) de cette même valeur après 10 périodes. Le terme radio-isotope ne devrait en principe s’appliquer qu’aux éléments d’une même entité chimique (Iode 123, Iode 124, Iode 131, …), alors que le mot pluriel radionucléides s’applique à l’ensemble des éléments radioactifs du tableau périodique. Par commodité, certains utilisent le terme substance ou isotope «chaud», donc radioactif, par opposition à l’isotope stable, «froid».
Les types de rayonnements
Le rayonnement gamma
correspond à l’émission de photons de courte longueur d’onde et d’énergie très variable. Il traduit la perte d’un excès d’énergie au niveau du noyau et le retour vers une entité plus stable, au contraire des rayons X qui sont produits par excitation et ionisation des électrons de l’atome. Ce rayonnement semble présenter les meilleurs avantages au niveau diagnostic. Ces rayons sont très pénétrants et peuvent traverser de fortes épaisseurs de matière, et en particulier, peuvent parcourir des centaines de mètres dans l’air. Des matériaux denses tels que le plomb, le tungstène ou l’uranium ou de grandes épaisseurs de béton ou d’eau permettent de les arrêter ou du moins de les atténuer fortement.
L’énergie du rayonnement émis par chaque isotope est différente, ce qui permet de bien caractériser l’isotope d’origine.
Le rayonnement bêta plus
Est constitué par des électrons chargés positivement appelés positons (en anglais positrons). Le positon résulte de la transformation d’un proton surnuméraire en neutron, neutrino et positon, ce dernier n’étant qu’un anti-électron. Le neutrino, sans masse, ne joue pas de rôle en médecine nucléaire.
L’isotope résultant possède un nombre de masse inchangé, mais un nombre atomique réduit d’une unité. Les électrons positifs émis par le radio-isotope dans un spectre d’énergie continu vont rencontrer dans leurs trajectoires d’éjection un électron négatif et la collision conduira à une annihilation de la matière, accompagnée d’une émission d’énergie sous la forme de deux photons de 511 keV qui ont la particularité de se diriger exactement à l’opposé l’un de l’autre. Deux détecteurs placés de part et d’autre de la source d’émission permettent de déduire la localisation précise de la collision. La méthode pourrait être extrêmement précise si ce n’est qui’ l’image obtenue est celle du point de collision et non celle de l’origine de l’émission du positon. Certains positons de forte énergie peuvent parcourir plusieurs millimètres avant de rencontrer un électron et n’émettre qu’à cet instant leurs deux photons. L’analyse du parcours de ce rayonnement est à la base de la technologie d’imagerie nommée Tomographie par Emission de Positons (TEP).
Le rayonnement bêta moins
Est constitué d’électrons, donc de particules de masse identique à celle d’un positon et de vitesse élevée. Il résulte de la transformation d’un neutron surnuméraire en proton, électron et antineutrino. L’antineutrino, comme le neutrino, sans masse, ne joue pas de rôle en médecine nucléaire. Le proton participe à la réorganisation du noyau et à la transformation du radionucléide initial en un nouvel élément ayant un nombre atomique augmenté d’une unité. Seuls les électrons sont éjectés dans un spectre d’énergie continu fonction du radio-isotope. Ceux-ci peuvent traverser quelques dizaines de centimètres de matière voire quelques mètres dans l’air, mais d’une façon générale ils sont assez rapidement absorbés par la matière où ils donnent éventuellement naissance à des rayons X et leur excédent d’énergie est transformé en chaleur. Ils génèrent également des radicaux libres conduisant à des réarrangements moléculaires. Ils présentent donc un potentiel destructeur assez important et certains isotopes sélectionnés pour leur énergie et leur demi-vie peuvent servir à la désagrégation localisée de cellules. Les émetteurs bêta moins sont donc utilisés à des fins thérapeutiques, en particulier en oncologie.
Le pouvoir ionisant d’un isotope à visée thérapeutique est évalué en distance moyenne de pénétration, valeur directement liée à son énergie. Ces valeurs comprises entre quelques millimètres et quelques centimètres permettent de choisir l’isotope idéal en fonction de la zone à traiter ou de la tumeur à détruire.
Il est évident que plus l’énergie est élevée, donc plus la distance de pénétration est grande, plus le risque pour les cellules saines est grand. En même temps, le risque d’irradiation pour l’environnement est grand.
Un noyau qui décroît en émission bêta laisse le radio-isotope résultant dans un état excité qui pour revenir à l’équilibre émettra immédiatement un rayonnement gamma. Dans certains cas, cet état excité et lui-même stable pour une période bien définie et mesurable. On parle d’un état métastable noté au niveau du nombre de masse par la lettre «m». Le meilleur exemple est celui du Technétium 99m, de période 6,01 heures, émetteur gamma pur, formé par décroissance et émission (bêta moins du Molybdène 99 (période 8,04 jours).
Le rayonnement alpha
Correspond à la production spontanée d’une particule lourde constituée d’un noyau atomique nu formé de deux protons et de deux neutrons et qui est en fait un noyau d’hélium. Cette entité étant 7 000 fois plus lourde que l’électron émis par un rayonnement bêta moins, elle est arrêtée par une très faible épaisseur de matière. Quelques centimètres d’air les absorbent et une simple feuille de papier suffit à se protéger des rayonnements d’un émetteur alpha.
La particule alpha est arrêtée par la matière organique en l’ionisant et donc indirectement en coupant cette molécule ou en lui permettant de se transformer chimiquement. Si la molécule touchée est vitale dans le mécanisme de la reproduction (ADN ou ARN par exemple), cette interaction se traduira le plus souvent par la mort cellulaire.
Les rayons X (RX)
Correspondent à l’émission de photons d’un type particulier consécutif à l’excitation des électrons d’un atome. C’est le premier rayonnement identifié et produit artificiellement et il est surtout connu pour ses applications en imagerie à partir d’une source externe. Il a donné lieu au développement dé la radiologie qui a évolué considérablement grâce aux progrès technologiques des détecteurs et de l’informatique. Le rayonnement X peut résulter aussi en tant que rayonnement secondaire de l’interaction d’un rayonnement à haute énergie de type bêta moins et du matériau par lequel il est absorbé. Ce rayonnement secondaire, dit de freinage (Bremsstrahlung), prend sa source au point d’impact entre le rayonnement bêta et le matériau, c’est-à-dire dans la masse. Si ce phénomène se produit dans les éléments utilisés pour la protection, il se peut que l’épaisseur résiduelle au niveau de la génération de rayons X ne soit plus suffisante pour stopper le rayonnement résultant, générant des problèmes de protection supplémentaires.
Un rayonnement X ou y peut être émis par le phénomène de capture d’électron. Si le noyau n’a pas l’énergie suffisante pour i mettre un positon, le proton excédentaire peut se transformer en neutron en capturant un électron gravitant autour du noyau. Le vide laissé dans la première orbitale va se combler en prélevant un électron de l’orbitale supérieure et en émettant concomitamment et ni van t le niveau d’énergie soit un rayonnement X soit un rayonnement gamma.
Si l’énergie d’une radio transformation ou conversion interne est transférée à une orbitale électronique externe plutôt que sous forme île rayonnement gamma, il peut se produire une éjection d’électron. Ces électrons appelés électrons Auger, sont moins énergétiques que les bêta moins. Ils présentent pourtant un potentiel d’application thérapeutique analogue à celui des émetteurs de type alpha, car leur champ d’action est très faible, de l’ordre de quelques dixièmes de millimètres et donc utile pour la destruction de quelques épaisseurs de cellules uniquement.
Les neutrons (n) et les protons (p)
Sont également utilisés dans le cadre de techniques de radiothérapie externe. Ces particules sont générées par des outils spécifiques et leur utilisation fait partie des techniques de radiothérapie externe, hors du champ de la médecine nucléaire.
Enfin, rappelons que nous sommes soumis quotidiennement à des rayons cosmiques en provenance de l’espace (muons en particuliers, mais aussi gamma, n et RX) qui ne pourraient être arrêtés, si cela était nécessaire, que derrière quelques dizaines de centimètres de plomb.
Dans la pratique, peu d’isotopes sont des émetteurs purs d’un seul type. Le Technétium 99m est un émetteur y quasiment pur, le Fluor 18 est un émetteur bêta plus pur, et l’Yttrium 90 est un émetteur bêta moins pur. La plupart des autres radionucléides sont au moins émetteurs de deux types de radiations, fréquemment bêta moins et gamma ou RX. Si la composante y n’est pas trop forte, le radionucléide pourra servir à la fois pour la thérapie et l’imagerie. Si la composante bêta moins associée avec le rayonnement X est suffisamment faible, cet isotope sera pris en considération pour son utilisation en imagerie. Les autres propriétés physico-chimiques de cet élément décideront de son intérêt réel.
Parmi les quelques milliers de radionucléides connus, plus d’une centaine ont potentiellement un intérêt en médecine. Compte tenu des contraintes de coûts de production et d’approvisionnement, de la période du radio-isotope, mais aussi de la chimie liée à ces éléments, quelques dizaines d’isotopes émergent du lot. Nous allons dans la suite nous concentrer sur ces quelques radionucléides et démontrer par des exemples leur intérêt.