Les inconvénients d’un marché en pleine expansion
Les compléments alimentaires à visée esthétique constituent un marché en pleine expansion. Le fait que la pharmacie reste le lieu privilégié de l’achat montre bien que les consommateurs recherchent une caution médicale.
Face à cette demande croissante, les fabricants ont recours à des discours et des procédés qu’il faut savoir décrypter. Apprenez à vous méfier des allégations trop belles pour être vraies.
Le discours pseudo-scientifique
Certains laboratoires avancent, par exemple, que certaines eaux seraient inadaptées à vos cellules car elles les hydrateraient mal ! Plus grave : vous risqueriez une perte de vitalité. Vous qui buviez l’eau du robinet, vous étiez loin de vous douter des risques que prenaient vos cellules. D’autres marques d’eaux prétendent même vous permettre d’arrêter de fumer, grâce à une eau enrichie en oxygène, la seule capable de vous détoxifier. Quand on sait que l’oxygène est le producteur de radicaux libres par excellence, on reste songeur.
Pour asseoir leur discours, les fabricants se réfèrent de plus en plus à des études cliniques, toutes remarquables par leur grande efficacité. « Efficacité testée cliniquement », « Scientifiquement prouvé » sont des formules souvent retrouvées sur les packagings : les produits affichent tous des résultats d’efficacité étonnants. En fait, il s’agit, dans la plupart des cas, de résultats de questionnaires de satisfaction des utilisateurs ou d’autoévaluation. Ils ne reflètent en rien une réalité scientifique.
Ainsi, on n’hésite pas à vous proposer des études de satisfaction faites chez des femmes slovaques et coréennes pour un complément alimentaire censé augmenter votre tour de poitrine. Le produit, qui contient un acide aminé (la L ornithine), est censé stimuler le développement des glandes mammaires de façon naturelle. D’autres fabricants utilisent de vraies données scientifiques, comme la chronobiologie, mais souvent pour les utiliser à des fins marketing.
La réalité scientifique, c’est que les cellules de votre organisme effectuent de très nombreuses activités selon des rythmes très particuliers. Les cellules sont ainsi programmées dans le temps selon un rythme précis pour chaque tâche. Les cellules de la peau n’effectuent pas les mêmes fonctions le jour et la nuit. En pratique, le jour, les cellules de la peau effectuent plutôt des fonctions de protection contre les agents extérieurs ; la nuit, plutôt des fonctions de régénération et de renouvellement. Bien sûr, les fabricants en profitent et proposent deux produits : un pour le matin et l’autre pour le soir car, par exemple, on ne mincit pas de la même façon le jour et la nuit !
La tentation de l’industrie agroalimentaire d’avoir des revendications « santé »
Les compléments alimentaires ayant pour but de pallier les déficiences, ou du moins les insuffisances, de notre alimentation en vitamines et minéraux, les industriels de l’agroalimentaire sont tentés de mettre en valeur les qualités nutritionnelles de leurs produits et multiplient les tentatives d’allégations « santé ». L’idée est de se soigner ou de prévenir les maladies en mangeant.
Ainsi, on voit fleurir des yaourts au bifidus actif, des jus de fruits multivitaminés, des céréales aux fibres de betterave. Il existe même des lardons à teneur garantie en oméga-3 (issus de porcs dont l’alimentation était enrichie en oméga-3). Cela ferait presque oublier que les lardons sont une source incontestable de graisses saturées, donc non indispensables.
L’AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), qui veille, a contraint certains indus-triels de revoir à la baisse leurs allégations « santé ». Pour l’instant, en Europe, il est interdit aux fabri-cants d’alicaments de présenter leurs produits avec des allégations faisant état de prévention, de traitement ou de guérison des maladies humaines. Ce n’est pas le cas aux États-Unis ou au Japon.
Le bio et le naturel sont à la mode, dans les compléments alimentaires aussi !
L’alimentation a, ces dernières années, été source de méfiances après les scandales de la « vache folle », de la « tremblante du mouton » et de la grippe aviaire. Les compléments alimentaires, qui sont soumis à une réglementation alimentaire, doivent donc jouer sur la transparence. Ainsi, ils se revendiquent « bio », « 100 % végétal », « actif naturel », « marin, source incomparable pour les oméga-3 et oméga-6 ».
Mais les plantes contiennent aussi des substances toxiques ou allergisantes. Le kava-kava, racine consom-mée en Polynésie contre l’anxiété et l’insomnie, a été ainsi interdit en France depuis 2003 à cause de problèmes hépatiques graves ayant nécessité une greffe.
Les fabricants n’hésitent pas non plus à mettre en avant une recette ancestrale : avec fermentation de la plante, par exemple ce qui suppose un savoir-faire des populations, transmis de génération en génération. On a cependant parfois l’impression que l’on réinvente la phytothérapie, comme c’est le cas dans les compléments « minceurs » à base de queue de cerise.
Des compléments alimentaires sous toutes les formes
L’expansion du marché des compléments alimentaires stimule l’adaptation et l’imagination des fabricants. En voici quelques exemples parmi les plus fantaisistes :
— Désormais, la mode est à boire les compléments alimentaires. Des cocktails de plantes et de vitamines, tels quels ou dilués dans de l’eau, sont proposés, afin de « détoxifier ou réhydrater votre peau… en profondeur ».
— Vous avez aussi la possibilité de les mâcher, car les antioxydants arrivent dans les chewing-gums, ou d’en saupoudrer vos aliments.
A éviter : les produits en vente sur Internet
En tant que membre de l’Union européenne, la France a une législation beaucoup plus stricte que les Etats-Unis : par exemple, en ce qui concerne les compléments alimentaires. Ainsi, leur achat sur Internet est à éviter car leur origine peut être douteuse ; il n’y a pas toujours de transparence en ce qui concerne la composition réelle des compléments. Au mieux, le produit est sans intérêt ; au pire, il peut être dangereux. En plus, cela évite les arnaques en tout genre.
Il y a quelques années, des femmes qui avaient utilisé une tisane à base d’herbes et de racines chinoises s’étaient retrouvées en insuffisance rénale définitive à cause d’une bactérie contenue dans ces fameuses racines. Il y a quelques années encore, le professeur Baulieu, à qui l’on doit l’étude DHE age, avait ramené des États-Unis différents compléments alimentaires à base de DHEA et avait fait analyser leur composition dans son laboratoire : peu contenaient réellement de la DHEA et pas forcément au dosage indiqué sur l’emballage.