Plan des canaux
Capteurs labyrinthiques
Orientation spatiale des ampoules et des macules
Il est nécessaire de la connaître pour comprendre la séméiolo- gie ainsi qu’interpréter les examens complémentaires.
Orientation des canaux semi-circulaires
En pratique, il faut retenir que:
- le plan des canaux externes se repère par les droites joignant le tragus au canthus externe, ampoules vers le canthus
- le plan des canaux postérieurs s’estime plus grossièrement par les faces latérales de la pyramide nasale, considérées perpendiculaires, ampoules vers les narines
- le plan des canaux supérieurs peut s’estimer par celui des mains en porte-voix, ampoules vers l’extrémité des doigts.
Si le plan des canaux est bien connu, nous avons en fait peu d’informations sur l’orientation anatomique exacte des plans cupulaires, ainsi que sur leurs variations inter-individuelles. Cela s’expli¬que non seulement par le fait que nous atteignons la frontière entre l’anatomie et l’histologie, mais encore parce que la connaissance du rayon occupé par la cupule sur le cercle canalaire est de peu d’intérêt dans le fonctionnement physiologique normal, où seules les forces d’inertie du liquide endolymphatique interviennent, et donc seule compte l’orientation du plan du canal.
On sait cependant que dans chaque ampoule le plan cupulaire est perpendiculaire à l’axe du canal. Nous pouvons donc estimer que, tête droite :
- les plans cupulaires des canaux externes sont sensiblement verticaux parallèles
- les plans cupulaires des canaux supérieurs sont sensiblement dans un même plan horizontal
- et ceux des canaux postérieurs sont obliques mais plutôt horizontaux, puisque l’extrémité ampullaire de ces canaux rejoint l’utricule dans sa région postéro-inférieure.
Le schéma simplifié suivant est obtenu après quelques translations qui respectent l’orientation des plans canalaires. On notera que les plans des canaux sont orthogonaux entre eux. Le plan du canal postérieur gauche est parallèle à celui du canal supérieur droit. De même, le canal postérieur droit est dans un plan parallèle à celui du canal antérieur gauche. Les canaux externes sont, eux, dans un même plan qui fait avec le plan horizontal de Francfort un angle de 30° ouvert vers l’avant.
Orientation des macules utriculaire et sacculaire
L’orientation des plans des canaux semi-circulaires étant maintenant connue, il est commode de les prendre comme référence pour orienter le plan des macules otolithiques. C’est ainsi que la macule utriculaire est dans un plan parallèle à celui des canaux semi-circulaires latéraux, tandis que le plan de la macule sacculaire est disposé parallèlement au plan du canal supérieur ipsilatéral. On peut repérer de l’extérieur l’orientation du plan utriculaire grâce à une ligne qui va du tragus de l’oreille au canthus externe de l’œil, tandis que le plan des saccules peut s’estimer en considérant le plan des mains disposées en porte-voix. Cependant les macules ne sont pas parfaitement planes, et, en particulier, la partie antérieure de la macule utriculaire se courbe vers le haut. On peut alors assimiler l’orientation du plan de la macule utriculaire à celui d’une main qui mendie, paume horizontale tournée vers le haut et doigts en flexion.
Orientation respective des muscles oculomoteurs et des cinq capteurs labyrinthiques
Les plans des muscles extra-oculaires sont alignés avec les plans des canaux semi-circulaires. Cela revient à dire que les entrées vestibulaires, qui permettent de détecter le mouvement, ont les mêmes coordonnées que les effecteurs oculomoteurs. Il y a par conséquent dans les centres un référentiel dynamique de base déterminé par la direction des canaux semi-circulaires, ainsi que par l’utricule et le saccule puisque ces derniers occupent eux-mêmes des plans correspondant respectivement au canal latéral et au canal supérieur ipsilatéral.
Grâce à cet alignement des plans des canaux semi-circulaires avec les plans des muscles extra-oculaires, les transformations entre une entrée sensorielle labyrinthique et une sortie motrice oculaire sont grandement facilitées. Et ceci est essentiel, s’agissant d’un système destiné à réagir le cas échéant avec le minimum de latence possible.
Les transformations sensori-motrices que nous venons d’envisager pour les yeux apparaissent plus complexes au niveau du cou, du fait que ce dernier est formé, de 30 muscles qui sont autant d’axes de coordonnées. Les transformations, qui vont permettre de passer d’un référentiel déterminé par les 3 axes qui sont ceux des canaux, à un référentiel composé de 30 axes de coordonnées qui sont ceux des muscles du cou, sont réalisées grâce aux réseaux de neurones du système nerveux central.
Ainsi, quand la tête subit un déplacement impromptu, l’entrée sensorielle vestibulaire permet aux réseaux neuronaux du système nerveux central de calculer immédiatement un vecteur de déplacement et, dans des délais réduits au minimum, de commander des réactions oculomotrices et posturales clans la direction et avec une force appropriées.
Anatomie microscopique et physiologique des macules et des crêtes ampullaires
Cellules ciliées
Les cinq récepteurs sont constitués de cellules de soutien, solidement amarrées à la membrane basale de l’épithélium, et de cellules sensorielles. Ces cellules sensorielles réceptrices, connectées aux fibres nerveuses à leur pôle basai, sont des cellules ciliées : elles possèdent toutes à leur apex une garniture ciliaire implantée dans la plaque cuticulaire. Chaque touffe ciliaire est composée d’un grand cil, le kinocil, situé en bordure de la cellule, et de stéréocils, au nombre d’une centaine, disposés en rangées de taille décroissante à partir du kinocil. Le kinocil est d’une très grande souplesse et la fréquence de décharge de la cellule à laquelle il appartient est directement proportionnelle à son inclinaison par rapport à l’axe apico-basal de la cellule. L’organisation géométrique en rangées des stéréocils est telle que les mouvements du kinocil sont privilégiés dans le plan de symétrie des stéréoeils. Selon la direction de la flexion vers le kinocil on non, l’effet sera respectivement « excitateur » on au contraire «inhibiteur».
Morphologiquement, on distingue deux types de cellules ciliées :
- les cellules de type 1 sont piriformes et prennent contact avec le nerf par un vaste calice qui vient épouser la partie évasée de la cellule ;
- les cellules de type II sont cylindriques et ne prennent contact avec le nerf que par de petites synapses en bouton.
Fonctionnellement, elles se distinguent nettement :
- les cellules de type I ont, au repos, une fréquence de décharge irrégulière ou nulle. Elles ne peuvent donc coder que pour des inclinaisons de leur kinocil dans le sens excitateur. Ces cellules, dites phasiques, sont spécialisées dans la détection de mouvements brusques, c’est-à-dire de haute fréquence ;
- les cellules de type II ont une fréquence de décharge régulière au repos. Elles sont dès lors capables de coder pour une accélération soit dans le sens excitateur en augmentant la fréquence, soit dans le sens inhibiteur en diminuant la fréquence. Ces cellules, qui sont dites toniques, sont spécialisées dans la détection des mouvements de basses fréquences.
Anatomie microscopique et physiologique des ampoules des canaux semi-circulaires
La cupule est en réalité amarrée à la crête ampullaire, tel un bat
eau à quai, grâce aux touffes ciliaires des cellules sensorielles. La crête ampullaire est elle-même très solidement couplée à l’endoste du labyrinthe osseux, ce qui permet à l’assise cellulaire de suivre très exactement les mouvements de la tête.
Les cellules sensorielles de types I et II sont inégalement réparties sur la surface de la crête ampullaire : en allant du sommet de la crête ampullaire vers la base il existe un continuum qui fait progressivement passer du type I, cellule piriforme enchâssée dans un calice nerveux, au type II, cylindrique contactée par un bouton. Les fibres afférentes qui proviennent du sommet des crêtes sont de gros diamètre. Il s’agit de fibres rapides richement myélinisées, et qui prennent contact avec les cellules de type I les mieux placées pour la détection des mouvements rapides de la tête. L’ensemble, avec sa boucle courte de rétrocontrôle, est particulièrement adapté à la commande de mouvements oculaires compensatoires en réponse à des mouvements de tête de haute fréquence, c’est-à-dire les mouvements brusques. Par opposition, les fibres qui proviennent de la base des crêtes sont fines, et se terminent par plusieurs dizaines de boutons venant contacter plusieurs cellules. Il s’agit de fibres lentes qui prennent contact avec des cellules de type II codant pour une fréquence de décharge régulière au repos. L’ensemble est particulièrement adapté à la détection de mouve¬ments de la tête de basse fréquence, y compris l’immobilité. Entre ces deux extrêmes, représentés par les fibres épaisses dédiées au type 1 et les minces liées au type II, il existe tout un continuum de fibres intermédiaires qui prennent contact avec des unités fonctionnelles associant des cellules en calice et d’autres en bouton, la proportion de cellules en calice diminuant progressivement en allant du sommet des crêtes vers la base. Ainsi les unités fonctionnelles de la crête ampullaire sont organisées selon un gradient de spécialisation. Ce dernier est tel que le sommet des crêtes est spécialisé dans la détection des hautes fréquences, tandis que la base l’est dans le continu et les basses fréquences. On trouve également un tel gradient au niveau du comportement d’ensemble du canal semi-circulaire en fonction de la fréquence. En effet chaque canal se comporte, en raison de ses caractéristiques dynamiques, comme un capteur de position, de vitesse ou d’accélération, selon que la fréquence de stimulation est respectivement élevée, moyenne ou basse.
Enfin, si l’on observe la situation cle la cellule de type I, au sommet de la crête ampullaire, on constate que son kinocil bien droit est parfaitement couplé à la cupule tandis que les stéréocils, couplés au kinocil, ne sont pas arrimés à cette cupule. À l’inverse, vers la base des crêtes la touffe ciliaire des cellules de type il plonge totalement dans la cupule. L’axe des cils forme, par rapport à l’axe de la cellule, un angle de cisaillement responsable cl’une fréquence de décharge permanente, qui dépend de la pression entre la périlymphe et l’endolymphe, pression dite « radiale » par référence aux rayons du disque cupulaire.
Ainsi, la souplesse de la cupule, c’est-à-dire sa capacité à se déformer, dépend de la « pression de gonflage » du labyrinthe membraneux, elle-même déterminée par les pressions respectives de l’endolymphe et de la périlymphe. L’élévation ou la réduction de cette pression de gonflage, en modifiant la traction exercée par l’ampoule sur la cupule dans le sens radiaire, augmente ou dimi¬nue la raideur du diaphragme. Les variations de pression radiale peuvent ainsi modifier l’angle de cisaillement des cils des cellules toniques de la base des crêtes, ce qui génère un nystagmus spontané.
De façon physiologique, la cupule est soumise à une « pression axiale », perpendiculaire à sa surface qui survient lors des rotations de la tête dans le plan du canal. La cupule se déforme alors, en raison de son élasticité, et l’amplitude de la déformation est maximale dans la région de la crête ampuliaire, en raison de l’absence d’encastrement à ce niveau. C’est grâce à la masse inertielle du liquide endolymphatique contenu dans le canal que les mouvements de rotation de la tête provoquent les déformations cupulai- res qui vont stimuler les cellules sensorielles.
Anatomie microscopique et physiologie des macules
Très intimement liée à l’endoste du vestibule osseux et donc mécaniquement bien couplée aux mouvements de la tête, on trouve l’assise cellulaire de l’épithélium vestibulaire différencié en cellules sensorielles de type I, II et de soutien. La membrane otoconiale gélatineuse est arrimée par des filaments à la fois aux cils des cellules ciliées et aux cellules de soutien. Elle est surmontée de ses otoconies ou otholithes, constituant la masse inertielle de la macule, l’ensemble formant la membrane otoconiale. À la surface, une réduction locale de la taille des otoconies permet de distinguer une zone étroite formant une ligne sinueuse, la striola. Cette striola affecte la forme générale d’un U pour l’utricule, et d’un S inversé pour le saccule.
Les cellules de type I, phasiques, se trouvent au voisinage de la striola. Les cellules de type II, toniques, se trouvent surtout en périphérie de la macule. Ainsi, en allant de la striola vers le bord de la macule, on trouve tout un continuum de spécialisation fréquentielle formé de la combinaison entre des cellules de types I et II : plus on est proche de la striola, mieux la macule est adaptée à la réponse aux hautes fréquences, et inversement plus on est proche des bords, mieux la macule répond aux basses fréquences.
La structure de la membrane otoconiale est telle qu’elle ne se déforme pas si une force est appliquée perpendiculairement à sa surface, alors que cette déformation est maximale quand une force est appliquée parallèlement à celle-ci. Ainsi, lorsque la tête subit une accélération, la couche des cellules sensorielles suit très fidèlement ces mouvements d’accélération alors que la masse otoconiale sus-jacente, du fait de son inertie, tend à garder sa position initiale. Cela veut dire que si la direction de l’accélération de la tête est parallèle au plan de la macule, alors la couche otoconiale tend à glisser en sens inverse du mouvement de l’assise cellulaire. Comme la couche otoconiale est couplée à l’assise par l’intermédiaire de la couche gélatineuse, l’amplitude du glissement est limitée par l’élasticité de cette couche gélatineuse.
Ainsi, quand la tête est immobile et penchée de 30° vers l’avant, la force de gravité ne déforme pas la membrane otoconiale de l’utricule qui se trouve alors dans Lin plan horizontal. Par opposition la déformation est maximale au niveau du sácenle. C’est pourquoi lors des mouvements de translation, et en faisant toujours référence à la position téte droite, on assimile l’utricule à un capteur d’accélérations horizontales et le sácenle à un capteur d’accélérations verticales. De telles assimilations restent cependant grossières car la surface des macules n’est pas rigoureusement plane. En particulier la macule utriculaire se recourbe vers le haut dans sa partie antérieure. Mais la direction des kinocils est telle que quelle que soit l’orientation de la téte par rapport à la verticale terrestre, et quelle que soit la direction d’une éventuelle accélération linéaire concomitante, ii y aura toujours un olí plusieurs groLipes de cellules ciliées qui seront stimulées. Et ceci est aussi vrai pour l’utricule que pour le saccule. Le système est donc bien capable de réagir à une accélération linéaire quelle que soit sa direction.
On peut donc considérer que le vestibule, c’est-à-dire l’ensemble de l’utricule et du saccule, représente un accéléromètre linéaire tridimensionnel capable d’informer :
– soit de l’orientati
on de la téte par rapport à la verticale terrestre quand la tête est immobile
– soit des mouvements d’accélérations linéaires, y compris si ces derniers sont brusques, c’est-à-dire contenant des fréquences poLivant dépasser 10 Hz.
Connexion entre les capteurs labyrinthiques et les centres
Les fibres nerveuses qui quittent les celhiles sensorielles otolithiques et canalaires appartiennent aux neurones vestibulaires primaires, dont les corps cellulaires se trouvent dans le ganglion ele Scarpa, situé dans le conduit auditif interne. L’ensemble de ces fibres forme le contingent vestibulaire du nerf VIII. Il est accompagné du contingent cochléaire du nerf VIII, du nerf facial et du nerf intermédiaire de Wrisberg, l’ensemble formant le paquet acoustico-facial. Ce dernier sort du porus pour traverser la citerne pontocérébelleuse et se diriger vers le sillon bulboprotubérantiel. Les fibres du nerf vestibulaire pénètrent là le tronc et gagnent les noyaux vestibulaires situés au plancher du IVL’ ventricule. Ces noyaux vestibulaires renferment les corps cellulaires des deuxièmes neurones, dits neurones vestibulaires secondaires. À partir du noyau vestibulaire, les neurones vestibulaires secondaires peuvent s’adresser :
- aux motoneurones des noyaux oculomoteLirs : c’est la voie vestibulo-oculaire ;
- aux motoneurones qui commandent les muscles de la posture, c’est la voie vetibulo-spinale
- au cortex vestibulaire : ce sont les voies ascendantes vestibulo-corticales :
- aux neurones du système végétatif, ce sont les voies réflexes vestibulo-végétatives