Le traitement des rechutes
L’approche est différente suivant les circonstances ou elles se produisent.
Rechute pour troubles du comportement alimentaire
Si vous avez recommence a fumer en raison de troubles du comportement alimentaire et d’une prise de poids, vous devez dans un premier temps vous motiver de nouveau a l’arrêt; mais avant de recommencer, il est indispensable de mettre en place des changements concevant votre mode de vie par une alimentation équilibrée et par la pratique de l’exercice physique, associés éventuellement a des thérapies comporte- mentales et cognitives, de façon a éviter les conséquences de la suppression du tabac sur le métabolisme et l’appetit.
Rechutes par« accidents»
Si la reprise des cigarettes est accidentelle, fortuite, a la suite de circonstances pénibles ou au contraire agréables, la situation est différente et plus facile a maîtriser. Vous devez alors réagir immédiatement pour que ces quelques cigarettes d’un jour ou d’un soir ne se transforme pas rapidement en une consommation importante et durable; le danger consiste a se dire: « deux ou trois cigarettes, ce n’est pas grave et je vais pouvoir maîtriser la situation et en rester la: c’est facile et sans danger »; c’est helas une illusion: un « gros »fumeur ne peut pas devenir un « petit» fumeur, pour toutes les raisons biologiques et génétiques que nous avons vues. Celui qui a ete fumeur a forte consommation et dépendant, a obligatoirement des structures neurobiologiques qui conduisent a la dépendance nicotinique; une seule cigarette peut relancer le processus. Meme le tabagisme passif peut être responsable, comme nous avons pu l’observer dans certaines circonstances exceptionnelles.
Une femme de 30 ans fumait 30 cigarettes par jour et avait arrête, d’ailleurs difficilement, avec le timbre-nicotine. Quelques mois plus tard, au cours d’une sortie en camping, a la suite d’une intemperie, elle a ete obligée de passer une longue soirée dans une seule tente avec tout un groupe d’amis et plusieurs humeurs qui «bombardaient» abondamment. Cela lui a ete plutôt désagréable, mais ne lui a donne aucune envie de fumer; pourtant le lendemain matin des le réveil, elle a ressenti un besoin de fumer, comparable a celui qu’elle eprouvait avant son sevrage et qui avec le temps avait totalement disparu.
En effet cela est prouve, un tabagisme passif important peut apporter des quantités de nicotine équivalentes a trois ou quatre cigarettes! Cette observation, qui n’est pas unique dans notre expérience personnelle, confirme que les processus neurobiologiques de la dépendance peuvent être réveilles par un apport de nicotine des mois et parfois des années après l’arret du tabac.
Une personne sevrée de son tabagisme, qui reprend malencontreusement une cigarette, va ineluctable- ment augmenter sa consommation de jour en jour, de semaine en semaine et revenir plus ou moins rapidement au niveau antérieur, malgré toutes les tentatives de restriction. Souvent le fumeur peut croire avoir partiellement gagne: « Je fumais trente cigarettes, je n’en fume plus que quinze », c’est vrai en nombre absolu, mais lorsque la mesure des marqueurs est pratiquée, les taux de CO dans l’air expire et ceux de la cotinine dans les urines sont très proches, sinon identiques a ce qu’ils etaient avant la tentative d’arret.
Ceci s’explique fort bien: pour satisfaire le besoin de nicotine dont l’orga- nisme a besoin, le sujet inhale beaucoup plus fortement et plus profondément la fumée et fume ses cigarettes tout a fait jusqu’au bout: la diminution est donc plus apparente que réelle et les risques restent identiques.
Pour éviter cette évolution, vous devez le plus vite pos-sible considerer que cette reprise ne constitue ni un échec, ni une faute, mais est un simple accident de parcours, un faux-pas; les anglais appellent cela un «slip», e’est-a-dire une glissade, un dérapage.
Il n’est pas rare que certains, dans cette situation, nous tele- phonent pour décommander leur rendez-vous et lorsque nous leur demandons la raison, la réponse est toujours la même: « J’ai honte, j ’ai refume, ce n’est plus la peine que je revienne » ou encore: « Vous allez m’attraper car j’ai fume…»
Nous expliquons alors que nous ne reprimandons jamais personne; l’arret du tabac est toujours une démarche difficile et nous faisons tout pour aider a rétablir la situation:
• la reprise ou l’intensification du traitementraitement nicotinique est souvent nécessaire;
• la stratégie de modifications cognitives est utilisée. Les pensées négatives ont envahi l’esprit:
• j’ai « craque », je suis nul;
• c’est fini, je vais reprendre comme avant;
•je ne reussirai jamais.
Elle doivent être remplacées par des pensées positives: j’ai «craque», mais ce n’est pas de ma faute, les circonstances étaient difficiles; je vais tout de suite reprendre la situation en main; cet accident m’a appris beaucoup de choses et je saurai résister la prochaine fois.
Il est donc très important de conforter le fumeur, de le déculpabiliser et bien entendu de lui donner les moyens d’arrêter de nouveau. Cette stratégie est tout a fait comparable a celle utilisée par les alcoologues en cas de « violation d’abstinence ».
Rechutes liées a un état anxieux et dépressif
La récidive peut enfin être liée a la survenue ou a l’aggravation d’un trouble anxieux et dépressif, qui existait antérieurement. L’ éventualité d’un traitement psychotrope par les antidépresseurs doit alors être discutée, car cela s’avere etre le seul moyen d’obtenir un sevrage durable et d’eviter la survenue d’un episode dépressif a l’arret de la cigarette. A notre consultation, devant la fréquence et l’importance de ce problème, nous avons dans cette situation pris la décision d’associer au traitement de substitution nicotinique, un anti- depresseur, principalement un inhibiteur de recapture de la sérotonine ou IRS, avec des résultats très favorables. Le traitement nicotinique devient alors efficace, le sevrage étant obtenu dans des conditions faciles et durables, sans que sur-vienne d’etat depressif comme cela s’etait produit précédemment lors des tentatives d’arret. il est évidemment nécessaire de poursuivre le traitement antidépresseur un temps suffisant.parallèlement, chez les fumeurs présentant un tableau de dépression mineure chronique, le fait le plus remarquable est l’amelioration generate de l’equilibre psychologique: la tristesse habituelle, la perte de l’aptitude a prendre plaisir aux choses de la vie, le repli sur soi, l’irritabilite, le pessimisme, ainsi que les troubles prémenstruel chez la femme s’attenuent nettement. Les syndromes anxieux, presque toujours associés, s’effacent également progressivement. il y a parfois une transformation tout a fait spectaculaire et inattendue de la person- nalite et des traits de caractère qui existaient souvent depuis l’adolescence; en même temps, une meilleure résistance aux difficultés personnelles, sociales et familiales est observée. Certains de ces cas avaient ete pris en charge antérieurement en psychotherapie de type analytique, parfois pendant des années… et sans résultats.
Tous ont bien note l’aspect positif du changement de leur comportement et l’ont apprecie. Une de nos patientes nous a dit: «C’est rudement agréable de se sentir enfin bien.» L’entourage remarque évidemment ces transformations: la disparition de l’irritabilite permanente et des sauts d’humeur est considérée comme un élément très positif.
Ces faits sont en accord avec ceux décrits par P. Kramer ; mais ils posent évidemment le problème de la durée de ce type de traitement a la fois pour le trouble psychologique et pour la prévention des récidives du tabagisme , les deux étant lies dans la majorité des cas.
Les liens bien établis entre états anxiodepressifs et dépendance tabagique ainsi que les résultats ponctuels observes chez plusieurs fumeurs ont conduit certains a proposer l’utilisation systematique des antidepresseurs pour le sevrage tabagique ! Une telle indication parait tout a fait illogique, excessive et bien évidemment ethiquement tres discutable. Chez un sujet dont l’état psychologique ne le justifie pas, ce type de traitement n’est certainement pas denue de risques! Cela fait partie des indications abusives signalées par E. Zarifian . Toutefois, comme nous l’avons vu au chapitre «Les moyens», un certain type d’antidépresseurs semble avoir une action sur le syndrome de sevrage, en dehors même de tout etat anxiodepressif préexistant. C’est le Bupropion, bientôt disponible en pharmacie dans notre pays.