Le traitement de la dépendance tabagique
Existe-t-il une « méthode » pour arrêter de fumer ?
On voit encore trop souvent des brochures, des articles énumérant les diverses « methodes » auxquelles on pourrait recourir pour arrêter de fumer; il y a la un mythe sur lequel des explications sont nécessaires
Il n’y a pas, et il ne peut pas y avoir de «methode » unique, de panacée universelle pour l’arret du tabac. Il n’est que de se rappeler la complexité du mécanisme des depen- dances pour comprendre facilement qu’il s’agit la d’une illusion; si l’une quelconque de ces « methodes » etait efficace, il y a longtemps que le problème du tabagisme serait résolu;
il faut remarquer qu’elles ne sont jamais proposées pour les autres dépendances comme l’alcool, l’heroine ou la cocaïne…
Pendant de nombreuses années, les fumeurs qui cherchaient une aide ont ete reçus dans des consultations « anti-tabac», principalement dans le cadre d’hopitaux ou de dispensaires; chacune avait sa « methode » appliquee syste- matiquement a tous les consultants, sans que soient evalues ni les dépendances, ni les résultats. Et l’on proposait pour traiter le tabagisme surtout l’acupuncture et l’auriculotherapie, le « fil dans l’oreille », qui, pour des raisons mystérieuses, étaient des spécialistes françaises; il y avait aussi l’homeopathie, la radiothérapie, l’hypnose, les extraits dilués de tabac pour réaliser un vaccin reposant sur des idées totalement utopiques. Bien entendu, des « succès » ont ete obtenus, car nombre de fumeurs réussissent a arrêter seuls; ce sont ces résultats qui entretien- nent la fallacieuse, mais également parfois profitable, notoriété de toutes ces techniques. il y a pire, et tous les fumeurs doi- vent en être avertis, ce sont les publicités faites dans de nombreux journaux et magazines a grand tirage, sur tel ou tel nouveau procède pour arrêter de fumer, invente par le docteur ou le professeur X…, avec 99 % de succes; le créneau est très intéressant pour les marchands d’illusions, comme c’est ega¬lement le cas pour les différentes pratiques «miraculeuses» permettant de perdre dix kilos en trois jours!
On voit ainsi se multiplier toutes sortes de « methodes », souvent très onéreuses, les extraits de plantes, le laser, les rayons faisant sécréter des endorphines* (?), le tout assorti d’un jargon pseudo-scientifique: «desintoxiquer l’orga- nisme, renforcer les défenses naturelles, stimuler l’énergie ». L’une de ces entreprises, Stop-Smoking, a ete très heureuse- ment interdite par le ministère de la Sante.
Ce processus est actuellement très répandu, il repose sur la crédulité et la détresse humaines. Tout cet attrait pour la pensée magique, pour l’irrationnel a été remarquablement analyse dans plusieurs ouvrages , tels ceux de C. Got, de M. Tubiana et de J. Hamburger.
Ces temps devraient maintenant être révolus; les pro- gres scientifiques actuels nous ont permis de connaître les causes et les mécanismes de la dépendance tabagique et d’evaluer les différents moyens thérapeutiques. L’aide a l’ arrêt du tabac est maintenant sortie de l’empirisme; mais en ce domaine encore plus qu’en d’autres champs de la médecine, la relation humaine et le dialogue psychologique restent indispensables. Ces deux aspects sont complémentaires, l’irrationnel et le charlatanisme se nourrissent de cette fréquente lacune : « Science sans conscience n’est que mine de l’âme », disait Rabelais. Pour l’arret du tabac, comme en bien d’autres branches de la médecine, en association avec des approches scientifiques éprouvées, l’empathie du médecin et le soutien psychologique qu’il peut apporter constituent le meilleur effet placebo qui puisse exister.
La tabacologie est maintenant une spécialité a part entière; elle est enseignée officiellement dans plusieurs universités, avec délivrance d’un diplome, le diplôme Inter Universitaire de Tabacologie (DIUT). Cette activité ne doit cependant pas être réservée aux seuls spécialistes; les médecins généralistes peuvent très bien prendre en charge l’aide a l’arret du tabac de leurs patients, comme ils ont appris a le faire au fil des années pour d’autres facteurs de risque, telles l’hypertension arterielle, l’hypercholesterolemie… Les centres spécialises de tabacolo¬gie devront dans l’avenir avoir un rôle parallèle, intervenant et conseillant pour les formes graves et difficiles, assurant la formation et animant avec les médecins généralistes les recherches epidemiologiques et thérapeutiques indispensables.