Examens paradiniques : Potentiels évoqués auditifs précoces du tronc cérébral
Principe
Chacun connaît l’électroencéphalographie, qui est l’enregistrement, à la surface du scalp, de l’évolution des potentiels engendrés par l’activité bioélectrique du cerveau. Les potentiels évoqués sont également des signaux bioélectriques liés à l’activité des voies nerveuses et du cerveau, mais ce sont des potentiels qui répondent à Line stimulation spécifique, dont l’instant d’application est connu. Si cette stimulation est d’ordre acoustique, les potentiels évoqués sont dits « auditifs ». L’amplitude des potentiels évoqués auditifs, de l’ordre du microvolt, est particulièrement faible en comparaison des potentiels engendrés par l’activité cérébrale spontanée. C’est pourquoi leur mise en évidence nécessite l’emploi de stimulus qui optimise l’amplitude du signal, ainsi que le recours à une méthode d’extraction automatique du signal dans le bruit :
– le stimulus le plus utilisé est un clic, c’est-à-dire une impulsion brève de 0,1 ms. dont le front montant est suffisamment raide pour que le contenu fréquentiel puisse s’étendre de 500 à 4 000 Hz. Ce clic se répète à un rythme régulier proche de 20 fois par seconde.
– l’extraction du signal dans le bruit fait appel à un moyenneur. Un moyenneur est un dispositif qui permet de synchroniser l’émission de chaque clic avec le début d’une période prédéfinie, par exempie de 15 ms, d’enregistrement de l’évolution des potentiels nerveux. Chaque enregistrement, que l’on nomme aussi « acquisition », ou «passage», est converti en un signal numérique, c’est-à-dire en une succession de valeurs dont chacune code pour l’amplitude. Le moyenneur est équipé d’un microprocesseur qui établit en temps réel la valeur de la moyenne de l’ensemble des acquisitions effectuées. L’ensemble total est habituellement constitué de 1 000 à 2 000 passages ce qui, à une fréquence cle 20 passages par seconde, représente une durée d’acquisition de 50 à 100 s par trace finale affichée. La figure 4.18 permet, en supposant deux passages seulement particulièrement chanceux, de comprendre intuitivement le principe de l’extraction du signal par le moyenneur : les potentiels évoqués (PA) sont synchrones du clic, c’est-à-dire qu’à un instant donné, qui correspond à leur latence d’apparition par rapport au clic, ils ont tous la même polarité, et par conséquent ils vont s’additionner au cours du processus de moyennage. En revanche les potentiels liés à l’activité cérébrale spontanée sont asynchrones du clic, et par conséquent leur pola¬rité à un instant donné sera tantôt positive, tantôt négative. Ainsi la sommation provoque une augmentation de l’amplitude des potentiels auditifs, et simultanément une régression de l’amplitude des potentiels aléatoires perturbateurs. L’opérateur, à mesure qu’il accumule des acquisitions, voit ainsi son signal « s’extraire » peu à peu du bruit de fond dans lequel il était initialement noyé.
périphérie vers les centres :
– le ganglion de Corti, point de départ des influx qui empruntent le nerf auditif. L’activité de la partie proximale cle ce nerf auditif, 128 soit un trajet de 1,5 cm, forme l’onde I ;
– le nerf auditif, dont le trajet total mesure 2,5 cm, pénètre dans le tronc cérébral au niveau du sillon bulhoprotubérantiel, et gagne les noyaux cochléaires. Le segment de f cm intracrânien du nerf auditif, ainsi que l’activité des noyaux cochléaires, forment l’onde II ;
– les noyaux cochléaires envoient des fibres vers le complexe olivaire supérieur controlatéral. Ce faisant, ces fibres croisent la ligne médiane par les corps trapézoïdes, qui seraient les générateurs de l’onde III ;
– les influx nerveux issus des complexes olivaires supérieurs grimpent le long du tronc en suivant le trajet des lemnisques latéraux, dont l’activité nucléaire forme l’onde IV ;
– les lemnisques latéraux conduisent les influx vers le colliculus inférieur, ou tubercule quadrijumeau postérieur. Le colliculus a longtemps été considéré comme à l’origine de l’onde V, mais il semble actuellement que le véritable générateur de l’onde V soit en position plus caudale.
Protocole d’examen
Le patient est confortablement allongé sur le dos, la tête reposant sur un oreiller. Il est important d’obtenir une bonne décon- iraction de façon à minimiser au mieux les activités myogéniques cervico-faciales. En effet, pour les besoins de l’enregistrement des potentiels auditifs, le gain du préamplificateur est réglé pour multiplier par 100 000 les tensions qu’il reçoit sur ses entrées. Or les muscles peuvent générer des potentiels perturbateurs de haut niveau qui, du fait d’un tel gain, sont capables de saturer le préamplificateur.
Les électrodes sont distribuées de la façon suivante :
– électrode négative au vertex ou au front ;
– électrode positive au lobule de l’oreille, ou à la mastoïde, ipsilatérale à la stimulation ;
– électrode de masse au menton, ou au front.
Le casque est disposé sur la tête du patient, à qui l’on donne la consigne de rester détendu, de ne pas parler ni serrer les dents, et encore moins mastiquer, voire de se laisser aller librement au sommeil en cas de tendance à l’assoupissement.
L’opérateur choisit le côté qu’il veut stimuler, et règle l’intensité sonore de la stimulation. Le cas échéant il règle aussi le niveau du bruit de masque qui va empêcher toute stimulation intempestive transcrânienne de l’oreille controlatérale par le clic.
Les fortes intensités, de 90 à 60 dB, sont idéales pour bien identifier les pics de la réponse et en mesurer les latences et la symétrie.
Les intensités plus faibles, inférieures à 60 dB, sont utiles à la détection des seuils objectifs, et accessoirement à l’étude de l’évolution des courbes d’évolution des latences en fonction de l’intensité. Les seuils objectifs seront, dans la mesure du possible, comparés aux seuils relevés en audiométrie tonale dans la zone de 500 à 4 000 Hz.
Les intensités sont diminuées par paliers de 10 dB. Pour un sujet normal, calme, la durée de l’examen complet est de l’ordre de la demi-heure. Les très jeunes enfants devront parfois être prémédiqués.
Indications
En matière de vertiges et troubles de l’équilibre, les PEA ont surtout pour objectif de dépister Line éventuelle pathologie rétro-cochléaire. Ils sont donc fréquemment indiqués, en particulier lorsque l’audiogramme a mis en évidence une surdité de perception asymétrique. Ils peuvent également donner de bonnes indications dans les pathologies clémyélinisantes, à leur stade de début.
Une fois réalisés, ils doivent être confiés au patient afin d’éviter la répétition de cet examen ce qui, à court et moyen terme, n’a aucun intérêt : ce n’est donc pas la pratique de l’examen qu’il faut critiquer mais sa répétition !
Principaux résultats pathologiques
Tumeurs de l’angle pontocérébelleux:
Les PEA permettent le diagnostic des tumeurs de l’angle pontocérébelleux. L’anomalie la plus spécifique est la présence d’un allongement des intervalles interondes III ou IV. L’absence des ondes III et V peut se voir dans les schwannomes du VIII ainsi que clans les méningiomes de l’angle pontocérébelleux.
Syndromes démyélinisants:
Dans la sclérose en plaques, la désynchonisation des influx entraîne, au niveau des structures concernées, un effondrement de l’amplitude des ondes correspondantes.
Aide au pronostic des comas:
Les potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral ne sont pas influencés par le niveau de conscience, ni par les analgésiques ou les sédatifs. F.n cas de coma, la persistance de ces potentiels est un élément de pronostic favorable.