Examen clinique du vertigineux : Interrogatoire
Interrogatoire du vertige
Le praticien ne s’intéresse plus là au malade mais à son seul vertige. Il va lui demander de décrire précisément trois crises :
- la «toute première » et il faudra forcer le patient à y revenir toujours car il aura tendance à décrire sa symptomatologie actuelle ;
- s’il ne s’agit pas de la première crise, « la plus typique » parmi toutes celles qui ont suivi et il essaiera de savoir s’il existe ou non un lien entre toutes ces crises ;
- enfin le patient décrira « la crise actuelle ».
Il s’agit là d’un exercice très difficile car le praticien doit savoir laisser parler et écouter son patient sans l’entendre se perdre dans d’inutiles détails ou passer de la description d’une crise à l’autre. L’exercice, si difficile soit-il, est cependant incontournable car c’est, de lui que va naître l’énoncé du diagnostic.
Description de la « toute première » crise de vertige
La date et le lieu de cette première crise n’ont pas une grande valeur en tant que tels mais que le malade soit capable, à distance, de s’en souvenir exactement signifie que cette première crise est survenue de façon brutale et dans un cortège clinique bruyant : ceci est évocateur d’une origine vestibulaire et ce d’autant plus que la crise est relativement ancienne.
Outre la précision de sa description, le lieu est important à connaître dans la démarche diagnostique : un vertige à la descente d’un avion laisse imaginer tout naturellement un problème pressionnel en rapport avec l’oreille interne, la crise réveillant le malade dans son lit est typique du vertige positionnel paroxystique bénin.
L’aura de crise est à rechercher systématiquement : la maladie de Ménière est connue pour en posséder une et le malade sait décrire cette aura qui se répète avant chaque crise. Le malaise hypoglycémique avertit aussi le malade qui en souffre mais il rapportera une sensation de malaise avec sueurs, sensation de vide dans la tête, acouphènes bilatéraux, bien différents de l’aura de la maladie de Ménière. Par ailleurs, l’existence de l’aura est rassurante quant à l’incidence du vertige sur la vie personnelle et professionnelle, le malade étant prévenu de la survenue de celui-ci.
La brutalité de survenue de la crise est également importante, à préciser : quelques secondes, quelques minutes ou quelques heures.
La perte de connaissance élimine une responsabilité labyrinthique dans la survenue du vertige. Elle doit orienter le malade vers une autre spécialité. « Un vertige labyrinthique ne perd jamais connaissance » et même si le malade rapporte des chutes du fait de son déséquilibre, il ne se blesse jamais lorsque son labyrinthe est seul en cause.
Les circonstances de survenue seront d’autant mieux rapportées qu’elles se répètent avec chaque crise et c’est bien dans ces cas-là qu’elles prennent tout leur intérêt diagnostique : aussi le praticien doit-il s’y attarder s’il perçoit cette constance au cours des crises ; quelques exemples pour s’en persuader : certains patients se plaindront de manifestations vertigineuses au volant ne survenant que dans certaines courbes et à certaine vitesse, le tout évoquant un 45 désordre otolithique. À l’inverse, la « folie du vide », diagnostic différentiel du vertige, ne surviendra que dans des situations très particulières mais encore faut-il les préciser, de même pour l’agoraphobie.
Les liens entre mouvements et survenue du vertige peuvent à eux seuls donner le diagnostic. Ils ont une très forte valeur en faveur d’une cause vestibulaire surtout si le malade signale qu’il se sent mieux « sans bouger ». C’est le cas du classique mouvement qui consiste à « tirer un livre d’une étagère » ou changer une ampoule au plafond, déclenchant le vertige positionnel en rapport avec une atteinte du canal postérieur mis ainsi en situation déclive au sein du labyrinthe. À l’inverse, au cours de la neuronite vestibulaire, la sensation vertigineuse persiste durant l’immobilité mais elle est majorée par les mouvements de la tête. Le diagnostic d’hypotension orthostatique, autre diagnostic différentiel, ne résistera pas à l’énoncé de ces liens entre vertige et mouvement. Le praticien doit bien distinguer dans ce registre ce que sont position, moufemeat et prise de position. Il fera préciser exactement les mouvements du corps, du thorax, de la tête et du cou déclenchant le vertige.
Parmi les signes associés, les auditifs ont l’avantage, lorsqu’ils existent, de désigner l’oreille comme responsable et de préciser le côté de l’atteinte. Bien que rarement présents (chez moins de 15 % des malades examinés pour vertige par un ORL), ils ont un poids considérable dans la démarche diagnostique. Il s’agit d’acouphènes et d’hypoacousie. Ils n’ont de valeur que s’ils sont unilatéraux et si leur survenue ou la modification de leur perception sont synchrones du vertige. La présence de céphalées gst souvent alléguée par les patients vertigineux. Elle doit faire penser en premier lieu à un problème neurologique surtout si elles sont récentes, violentes et postérieures, même si la céphalée est classique dans la maladie de Ménière.
Les signes neurovégétatifs sont fréquents au décours d’une crise de vertige d’origine labyrinthique. Mais ils ont surtout une valeur diagnostique lorsqu’ils sont absents : en effet, ¡1 ne peut pas survenir « d’orage labyrinthique » tel qu’on l’observe dans la neuronite vestibulaire ou la maladie de Ménière sans fortes nausées voire vomissements. Il peut s’agir aussi de pâleur, sueur, sensation de malaise, etc.
La durée de la crise ne doit pas être confondue avec la durée de la période vertigineuse. Il faut demander au patient « pendant combien de temps cela tournait-il ? ». La séparation en secondes, minutes et heures est très pratique car le patient n’hésite pas en général à donner une seule réponse. Une durée de quelques secondes oriente vers un vertige paroxystique positionnel, de quelques heures vers Line maladie de Ménière, mais aussi vers un accident ischémique transitoire, de plusieurs jours vers une neuronite vestibulaire.
L’évolution dans les jours qui ont suivi ce premier épisode renseigne également le praticien et confirme déjà son idée diagnostique : les crises de la maladie de Ménière se répètent mais moins violentes et disparaissent en quelques jours, celles d’une neuronite vestibulaire s’améliorent continûment et rapidement. Le praticien doit faire préciser ici la durée totale de ce premier épisode de vertige et la récupération totale ou incomplète : persiste-t-il une instabilité, des acouphènes, une hypoacousie ?
L’énoncé d’une origine labyrinthique par le malade lui-même est d’une très grande valeur diagnostique en faveur d’une atteinte labyrinthique. À la question classiquement posée par le praticien «pensez-vous que votre oreille soit responsable de vos troubles de l’équilibre ? » le malade répond de deux façons :
- soit il désigne son oreille, sans hésiter sur le côté ; la présomption labyrinthique est très forte ;
- soit il est surpris par la question et le reste, rien n’est sûr dans son orientation vers la spécialité ORL.
L’énoncé du côté responsable est d’un point de vue diagnostique tout aussi puissant que l’énoncé précédent. A la question posée par le médecin «si je vous dis droit ou gauche, que me répondez-vous ?», le malade réagit là encore de deux façons :
- soit il désigne le côté en montrant son oreille ; il est pratiquement certain que son labyrinthe est le responsable de sa pathologie ;
- soit il est très surpris par la question ; l’orientation vers l’ORL n’est pas sûre.
Description de la « plus typique » des crises de vertige
Le praticien va maintenant rechercher, après avoir « décortiqué » les caractéristiques de la « toute première » crise, l’évolution du trouble de l’équilibre. Il doit se placer dans le temps et fait préciser :
- la durée du premier épisode ;
- la durée de l’intervalle libre avant l’apparition du deuxième ;
- l’évolution de la symptomatologie au cours des crises successives ;
- la fréquence et l’intensité des crises ;
- leur caractère invalidant ou non.
Au sein de ces crises il faut demander au patient de retenir la plus typique de toutes et l’écouter la décrire. Aussi, la même démarche que celle utilisée pour étudier la première crise sera retenue.
Les praticiens posent habituellement la question « ces crises sont-elles à vos yeux des cousines germaines ou des sœurs jumelles de la première ? » Le patient n’hésite jamais dans sa réponse car il sait précisément s’il s’agit d’une même pathologie évoluant par crises ou si les épisodes sont totalement indépendants.
Description de la « crise actuelle »
Le praticien termine son interrogatoire par la description de la dernière crise suivant la même démarche que celle utilisée pour la première. C’est le meilleur moment pour en évaluer les retentissements sur sa vie familiale et professionnelle et se donner une idée du caractère éventuellement invalidant du vertige.
Synthèse des données de l’interrogatoire
L’interrogatoire est si précieux qu’à son terme, le praticien est déjà le plus souvent en mesure d’orienter son patient selon trois modalités, et ceci, avant même de l’avoir examiné :
le labyrinthe est sûrement en cause parce que coexistent des signes à la fois cochléaires et vestibulaires en l’absence de tout», signe neurologique, la responsabilité ORL est certaine ;
le labyrinthe n’est pas en cause parce qu’il y a en blessure à chaque crise, ou perte de connaissance, ou qu’existe un syndrome neurologique, ou encore que le tableau oriente vers un autre organe ;
le labyrinthe est peut-être en cause sous forme d’un syndrome labyrinthique aigu ou d’un syndrome labyrinthique chronique.
Vidéo : Examen clinique du vertigineux : Interrogatoire
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