Les drogues : Est-ce que lorsqu'on commence, on ne peut plus arrêter ?
C’est un risque plus ou moins fort selon les substances, leur capacité « addictogène », et la sensibilité et les attentes de leurs utilisateurs. En fait, on a mis en évidence deux mécanismes en cause dans l’installation d’une dépendance : la tolérance et la sensibilisation.
La tolérance est une notion purement pharmacologique qui explique la notion de dépendance physique : il s’agit d’une adaptation de l’organisme à une drogue, qui repose sur la désensibilisation des récepteurs à celle-ci, et qui conduit à devoir augmenter les doses ou rapprocher les prises pour continuer à percevoir les effets du produit. La tolérance augmente avec la consommation, elle diminue lors du sevrage, les récepteurs retrouvant leur sensibilité normale lorsqu’ils ne sont plus saturés par les drogues. Il existe aussi des tolérances croisées, lorsque différentes drogues agissent sur les mêmes systèmes.
La sensibilisation explique la dépendance psychique : lorsque l’activité des neurones dopaminergiques signale au cerveau que son activité générale tend à atteindre le seuil de satisfaction, le cerveau enregistre, mémorise le contexte environnemental qui permet ce ressenti positif, lié à l’émission de dopamine (un neuromédiateur impliqué au niveau du cerveau dans le « système de récompense ») et donc de plaisir.
De ce fait, un contexte environnemental qui a déjà produit une émission de dopamine, donc du plaisir, provoquera à nouveau une émission de cette même dopamine. On dit qu’il y a eu « sensibilisation » au contexte environnemental. On a mis en évidence ainsi que pour ce qui concerne le tabac, l’odeur, le goût et les sensations de chaleur de la fumée participent à cette expérience mémorisée.
Pour d’autres drogues, leur consommation est parfois liée à des ambiances, des musiques… Les personnes qui consomment des stimulants sont encore plus sensibles à l’environnement : certains usagers de crack rapportent qu’il suffit de croiser dans la rue quelqu’un qu’ils ont aperçu sur le lieu de consommation habituel pour qu’immédiatement l’envie de consommer revienne. En effet, pour un toxicomane, le fait de retrouver le contexte dans lequel il a pris des drogues avec des sensations de plaisir intense va provoquer un début d’émission de dopamine, mais qui va le laisser frustré, car cette émission est insuffisante et ne peut rivaliser avec celle que provoque l’usage de sa drogue.
Cela explique aussi pourquoi il est plus facile d’arrêter en changeant de cadre, pendant les vacances par exemple, et pourquoi on rechute, en reprenant le travail… Cela montre aussi la nécessité de proposer aux usagers de drogues, qui ne parviennent pas à arrêter, un éloignement de leurs lieux habituels de consommation.