Atteintes de l'oreille moyenne:Perforations de la membrane tympanique
Perforations traumatiques
La membrane tympanique peut être blessée de plusieurs manières. Le scénario mettant en scène une personne qui se nettoie l’oreille avec un coton-tige ou une épingle à cheveux que nous avons décrit dans le chapitre précédent est la première de ces manières – une blessure pénétrante directe. Souvent, un tiers heurte par inadvertance le coude de notre spécialiste de l’hygiène de l’oreille et provoque la blessure. Une autre manière de perforer le tympan est l’implosion de la membrane par un choc brutal tel qu’une gifle ou un coup de poing sur l’oreille. Ce type de perforation est habituellement antéro-inférieur. Un membre de la famille, abusif, peut être responsable et parfois, de manière pathétique, la victime tentera de cacher les circonstances de l’incident lors de la consultation au cabinet. Des accidents de plongée ou de ski nautique peuvent aussi faire imploser le tympan. Rarement, une puissante explosion près de l’oreille peut aussi faire imploser le tympan, entraînant habituellement aussi une atteinte de l’oreille interne. Enfin, une particule métallique incandescente comme dans la soudure à l’arc peut pénétrer jusqu’au tympan, cautérisant les bords de la perforation qu’elle provoque en pénétrant dans l’oreille moyenne. Dans ce dernier cas, la guérison spontanée est moins vraisemblable et infections à répétition avec otorrhée peuvent s’ensuivre.
Les perforations traumatiques sont de taille et de siège variables. Certaines peuvent être difficiles à voir à l’examen. Elles peuvent être petites ou cachées par un exsudât ou des caillots de sang ou peuvent aussi être masquées par la saillie de la convexité de la paroi antérieure du conduit. Si l’examinateur arrive à voir une partie du tympan, l’otoscope pneumatique avec une bonne étan- chéité du conduit est la clé du diagnostic. En cas de perforation, quelle qu’elle soit, le tympan sera immobile (comme en cas de rétraction totale ou de tympan très cicatriciel). À l’inverse, si le tympan est mobile, il n’y a pas de perforation.
Dans toutes les perforations traumatiques, des lésions ossiculaires, avec parfois aussi atteinte de la fenêtre ovale ou ronde, peuvent survenir. Il faut savoir rechercher une perte auditive exagérément importante ou l’existence de vertiges, comme indices. Les tests de Weber et de Rinne sont utiles ici. La plupart des perforations traumatiques (probablement 90 p. 100) guérissent spontanément. L’interdiction de l’eau dans l’oreille et la surveillance sont les deux seules mesures initiales à prendre. Les gouttes auriculaires antibiotiques sont indiquées en cas d’otorrhée ou d’infection. Les perforations très étendues et celles dues à des particules incandescentes sont les moins susceptibles de guérir. C’est pour elles que l’on aura recours à la chirurgie si elles ne montrent aucune tendance à la fermeture après une surveillance de quelques mois.
Perforations par infection aiguë
Les perforations qui surviennent le plus souvent sont heureusement celles qui persistent le moins souvent. Ce sont celles qui résultent d’une otite moyenne aiguë. Ici la membrane tympanique est si rouge, si humide et si modifiée que la petite perforation n’est pas toujours visible. Presque toutes ces perforations se referment en l’espace de quelques jours pourvu que des antibiotiques aient été prescrits. Il y a une exception, la rare et agressive otite moyenne aiguë nécrosante. Elle est habituellement due à un streptocoque bêta en conjonction avec une infection virale sévère telle que les oreillons. Dans d’autres pays, la rougeole reste une cause de perforation. Dans ces cas une large perforation durable se produit. La nécrose de la partie centrale du tympan laisse une large perforation en fer à cheval cernant le manche du marteau. À l’ère pré-antibiotiques, c’était une des causes principales de perforation chronique.
Perforations chroniques
Des perforations persistantes peuvent se voir chez des patients qui ont subi des problèmes tubotympaniques pendant des années avec infections itératives. Il a pu y avoir plusieurs poses d’aérateurs transtympaniques ; les restes tympaniques sont souvent épais et cicatriciels. Les sujets qui en sont porteurs ont une hypoacousie de transmission et peuvent être atteints d’écoulements à répétition par la perforation. Ces épisodes d’écoulement (otorrhée) sont souvent provoqués par de l’eau qui a pénétré dans l’oreille ou par des infections respiratoires hautes.
L’examen bactériologique des écoulements met souvent en évidence les mêmes germes que dans les otites externes, à savoir, Pseudomonas, Staphylo- coccus, Proteus et Enterobacter. Incidemment l’otorrhée de n’importe quelle infection de l’oreille moyenne peut induire une otite externe, faisant ainsi exception à notre affirmation que la plupart des problèmes d’oreille ne concernent qu’un « compartiment ».
L’otorrhée persistante ou récurrente par une perforation est une otite moyenne chronique purulente. Les antibio-corticoïdes en gouttes locales peuvent assécher l’écoulement. La tympanoplastie, reconstruction chirurgicale de la membrane tympanique (et des osselets lysés si nécessaire), peut être réalisée si et quand il n’y a pas d’infection patente. Il y a souvent une mastoïdite chronique dans la cavité adjacente à la caisse et la mastoïdectomie peut être associée à la tympanoplastie.
Avec l’apparition du SIDA dans ces dernières décades, l’otite moyenne tuberculeuse mérite d’être évoquée. Cette atteinte très rare commence habituellement par un épaississement indolore de la membrane tympanique suivie par la survenue de perforations multiples avec otorrhée claire. La perte auditive est considérable en raison de l’atteinte de l’oreille interne par le bacille. De telles constatations doivent éveiller les soupçons et amener à demander des cultures sur Lôwenstein qui confirmeront le diagnostic.
Résumé
En ce qui concerne les perforations en général, la cause, telle que l’on peut la déduire des antécédents du patient, détermine le traitement et le pronostic. Celles qui sont dues à une otite moyenne aiguë, hormis la forme nécrosante à streptocoque, vont guérir et ce d’autant plus que l’infection aura été traitée par les antibiotiques oraux. En fait, un traitement antibiotique précoce peut aider à guérir les formes nécrosantes. Les perforations traumatiques vont aussi guérir la plupart du temps. La surveillance avec abstention thérapeutique et interdiction de l’eau dans l’oreille constitue le traitement initial habituel. En cas de suintement ou d’écoulement purulent de quelle que perforation que ce soit, les gouttes antibio-corticoïdes, de préférence choisies après antibiogramme, sont utiles. Les perforations étendues ou persistantes et celles dues à une particule métallique incandescente vont probablement nécessiter une réparation chirurgicale. N’oubliez pas d’évaluer l’audition, une hypoacousie substantielle, supérieure à 35 dB HL, peut révéler une atteinte ossiculaire traumatique qui peut aussi exiger un traitement chirurgical. Enfin, des perforations multiples peuvent révéler une tuberculose, en particulier dans un contexte de SIDA.
Le généraliste peut mettre en route le traitement de toutes les perforations évoquées jusqu’ici bien qu’un recours facultatif à l’ORL pour le suivi soit recommandé pour toutes excepté l’otite moyenne aiguë répondant au traitement. Il faut noter que les perforations évoquées jusqu’à présent se situent dans les zones « rassurantes » centrales et antéro-inférieure du tympan. Il y a en effet une zone « dangereuse » pour les perforations, à la marge postérieure et supérieure du tympan. À cet endroit il y a une prédisposition au développement d’un cholestéatome (que nous traiterons plus loin dans ce chapitre) et un recours à l’ORL dans un délai d’une semaine s’impose dans ce cas-là.
Vidéo : Atteintes de l’oreille moyenne:Perforations de la membrane tympanique
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