Adapter l'alimentation aux besoins de l'homme : Une attention scientifique salutaire
Il faudra donc à l’avenir disposer des données scientifiques les plus exhaustives possible pour asseoir le discours nutritionnel afin de préciser et de différencier les effets physiologiques et protecteurs des divers produits végétaux. Avec beaucoup d’aliments peu dotés d’intérêt nutritionnel, le secteur industriel parvient néanmoins à promouvoir ses produits par des arguments nutritionnels peu convaincants sur le plan scientifique mais très efficaces auprès des consommateurs. La communication sur les fruits et légumes est demeurée trop générique et n’a pas bénéficié des mêmes moyens de recherche et surtout de publicité que beaucoup de produits transformés.
La maîtrise de la composition des fruits et légumes, en particulier en micronutriments, constitue un champ de recherches d’une très grande actualité mais également d’une très grande portée pour l’avenir. En plus des vitamines, le monde des plantes comestibles comprend plusieurs milliers de microconstituants issus du métabolisme secondaire de la plante et largement spécifiques de chaque espèce ou variété.
Ces molécules n’ont pas toutes un impact avéré au sein de l’organisme ; lorsqu’elles ont une action significative, elles sont considérées comme des micronutriments. L’exploration de la biodisponibilité et des effets cellulaires et moléculaires de ces biomolécules sera longue mais très instructive pour la maîtrise des effets santé des végétaux. Encore faudrait-il connaître précisément leur composition et les facteurs de variation. Le champ d’exploration dans le domaine des produits végétaux est très vaste puisqu’il concerne toutes les étapes de la production jusqu’à la consommation. Il y a une urgence à bien maîtriser la qualité nutritionnelle des produits : sans aucun contrôle de composition, la sélection génétique, les techniques culturales peuvent modifier très fortement la teneur en micronutriments des fruits et légumes et réduire leur valeur santé. Il est facile de se rendre compte que la recherche de certaines caractéristiques (couleur, forme, facilité de production) a abouti à des produits peu savoureux. Il est paradoxal et pourtant si souvent vérifié que des fruits ou même des légumes d’aspect extérieur flatteur se révèlent bien peu goûteux. Pour aboutir à des produits standard, de bonne présentation et de prix compétitifs, on a favorisé des variétés à fort rendement, des pratiques culturales intensives, des conditions de récolte et de conservation peu optimales quant à la densité nutritionnelle. Il y a donc une nécessité d’effectuer des recherches pour maîtriser l’ensemble des facteurs de variation de la qualité nutritionnelle ; créer à cette fin une culture commune entre nutritionnistes, agronomes et généticiens, mettre en commun un outil analytique performant. Certes, l’analyse exhaustive de la composition des fruits et légumes est très complexe et longue à réaliser, mais cela ne peut pas justifier le désert analytique actuel qui laisse les filières de production dans l’ignorance complète des conséquences de leur pratique et les consommateurs sans repères avérés.
La variabilité génétique de la teneur en micronutriments au sein d’une espèce peut être considérable, mais bien souvent seule une faible part de cette variabilité est exprimée dans les variétés cultivées. Ainsi, par exemple, la teneur en caroténoïdes varie du simple au double dans les variétés cultivées de tomates ou de carottes alors que, dans les variétés sauvages, les écarts de concentration sont encore plus élevés. Pour offrir au consommateur des aliments ayant les effets protecteurs attendus, il faut maîtriser cette variabilité de composition en informant tous les acteurs, y compris les consommateurs, des facteurs qui influencent la densité nutritionnelle des fruits et légumes.
L’analyse de la composition de ces aliments ne suffit pas entièrement à prédire leur valeur santé. Cela nécessite en particulier de connaître la biodisponibilité des micronutriments mais également l’action d’autres composés (fibres, acides organiques, minéraux). Le champ de recherche sur la biodisponibilité est très vaste puisqu’il s’agit de comprendre le suivi des molécules ingérées jusqu’a leur cible dans l’organisme. Les facteurs qui influencent ce cheminement physiologique sont de nature très diverse : nature de la matrice alimentaire, perméabilité intestinale, devenir métabolique, possibilité de stockage, efficacité des voies d’élimination. Les réponses les plus difficiles à donner concernent les interactions entre tous les micronutriments, la description de leurs effets physiologiques complémentaires ou synergiques.
En comparaison de beaucoup d’autres domaines de la biologie, l’effort de recherches consenti est bien faible dans ce secteur de la nutrition ; pourtant il serait capital de mieux comprendre la diversité des fruits et légumes qu’il faut consommer pour disposer d’une protection optimale. L’enjeu en termes de santé publique est considérable, nous avons la possibilité d’améliorer durablement la nutrition humaine, tout en valorisant un secteur agricole.