Vieillesse normale, vieillesse pathologique, vieillesse réussie
Le grand philosophe romain Cicéron (106-43 av. J.-C.) est probablement le premier à avoir réalisé un essai sur la question du vieillissement réussi. Son travail s’intitule De scénette (44 av. J.-C). La vieillesse y est présentée comme un phénomène très variable d’un individu à un autre et surtout comme une période qui peut offrir de nombreuses opportunités d’épanouissement personnel.
La définition d’une vieillesse réussie est une chose très difficile car elle pose le problème de ses indicateurs ou de ses critères, qui sont nombreux et parfois fortement corrélés. L’approche « multicritère » est donc la plus fréquente (Bengtson et al., 1985 ; Rowe et Kahn, 1987). Les critères les plus fréquemment évoqués par les chercheurs sont la longévité, la santé biologique, la santé mentale, l’efficacité intellectuelle, la compétence sociale, la productivité, le contrôle personnel ou la conservation de son autonomie et le bien-être subjectif.
Ces critères sont à la fois objectifs et subjectifs. Une maladie mentale telle que la maladie d’Alzheimer peut être objectivée par des symptômes clairement identifiables. Il s’agit alors d’une vieillesse pathologique. En revanche, le bien-être subjectif est une autoévaluation de son propre vécu de la vieillesse. Le lien ou la corrélation entre les aspects objectifs et les aspects subjectifs de la sénescence n’a rien d’automatique. Prenons un exemple : en vieillissant, un nombre grandissant de personnes se plaignent de pertes de mémoire. Une enquête américaine a révélé que 50 % des personnes de plus de 60 ans déclaraient souffrir de déficience mnésique. Ce symptôme, appelé plainte mnésique, représente une évaluation subjective de ses propres activités de mémorisation. Cette plainte dégrade le sentiment de vieillesse réussie de la personne. La question que l’on peut alors se poser est la suivante : existe-t-il une corrélation entre la plainte mnésique et les performances mnésiques objectives de la personne ? Dérouesné et al. (1989) ont réalisé une recherche sur un échantillon de trois cent soixante-sept personnes de plus de 60 ans. Comme d’autres chercheurs, ils ont constaté une absence de corrélation entre la plainte mnésique et les performances objectives.
Le vieillissement est donc un processus différentiel (très variable d’un individu à un autre) qui relève à la fois de données objectives (dégradations physiques, baisse tendancielle des performances perceptives et mnésiques, etc.) mais aussi de données subjectives qui sont en fait la représentation que la personne se fait de son propre vieillissement. Cela signifie que chacun d’entre nous a plusieurs âges.