Traumatismes et corps étrangers
Abrasions et lacérations du conduit auditif externe
Ce type de traumatisme du conduit auditif externe est le plus souvent infligé par le patient lui-même, avec un coton-tige ou une épingle à cheveux lors d’une tentative d’ablation du cérumen. Le patient peut sentir une douleur ou voit du sang couler et, par conséquent, se présente au cabinet. L’examen montre une oreille pleine de sang et la question se pose immédiatement : « y a-t-il perforation du tympan ? ». L’aspiration du sang est la seule façon de bien voir, mais souvent il est trop abondant et trop coagulé même pour le spécialiste bien équipé. Dans ces cas, il vaut mieux ne pas insister et prescrire des gouttes auriculaires antibiotiques pendant 8 jours pour prévenir la surinfection et décoller le sang. Il faut déconseiller l’eau dans l’oreille.
Un examen ultérieur, au terme du traitement, permettra de recueillir plus de données. La plupart du temps, il n’y a qu’une abrasion ou une lacération du conduit, qui saignent très facilement mais guérissent habituellement sans complication. Il est cependant important de suivre le patient jusqu’à ce que la guérison soit acquise. Le bout du coton-tige a pu blesser un petit carcinome à l’origine du saignement ! Si une perforation a été faite, il faut continuer à éviter l’eau dans l’oreille. Nous reviendrons aux perforations plus en détail au Chapitre 5.
Incidemment, cela soulève la question de savoir si des gouttes contenant de la néomycine et de la polymixine peuvent être utilisées en cas de perforation tympanique. On a beaucoup discuté ces dernières années leur ototoxicité. Il faut savoir que la plupart des ORL ont utilisé ces gouttes de façon courante pendant des années, y compris en otochirurgie. À peine quelques cas d’ototoxicité (supposant la pénétration des gouttes dans l’oreille interne par une brèche de la fenêtre ovale ou de la fenêtre ronde) ont été rapportés dans la littérature. Cependant, maintenant que des gouttes anti-Pseudomonas, non toxiques, telles que l’Oflocet, ont été mises sur le marché, elles peuvent être utilisées pour ne pas courir de risques en gardant à l’esprit qu’elles coûtent beaucoup plus cher.
Un conduit plein de sang peut être examiné et traité avec des gouttes a ml culaires par le généraliste, mais le suivi par un ORL quelques jours plus tard est souhaitable.
Corps étrangers
Le problème du corps coincé dans le conduit auditif survient le plus souvent chez le jeune enfant, l’adulte handicapé mental ou l’adulte aux facultés mentales temporairement altérées. Si le corps étranger est mou, tel que boule de coton ou rembourrage d’ameublement, son ablation à la pince crocodile n’est en général pas difficile. Le plus souvent, cependant, ce sont des objets durs et ronds ou ovales tels que des perles ! Ceux-ci présentent plus de difficultés. Ne tentez pas d’ablation instrumentale si vous n’êtes pas certain de pouvoir contourner l’objet pour le tirer vers l’extérieur . Bien souvenl une tentative bien intentionnée avec le bout d’un aspirateur ou une pince va aboutir à pousser l’objet plus profond, au-delà de la bosse osseuse de la paroi antérieure du conduit. Une anesthésie générale peut alors être nécessaire pour l’ôter, en particulier s’il s’agit d’un petit enfant qui ne coopère pas. Avec les patients coopérants, le meilleur instrument pour l’ablation des objets durs est le crochet, une tige métallique droite et fine coudée à 90° à environ 2 mm de son extrémité. Celle-ci est insérée juste au-delà de l’objet, à plat contre lui, puis tournée à 90° pour l’accrocher et le retirer. Les lavages, selon le même procédé que pour les bouchons de cérumen, peuvent aussi réussir dans certains cas.
Une mention spéciale s’impose à propos des insectes. Vivants dans l’oreille, ils peuvent être terrifiants pour le patient parce que le battement des ailes et le mouvement des pattes y font beaucoup de bruit et parce que la peau du conduit est très sensible à l’effleurement. De l’huile minérale, un cérulytique ou un liquide vaisselle étant à la fois doux pour la peau et toxique pour l’ insecte peuvent être instillés dans le conduit. Dès lors l’ablation peut se faire i la pince crocodile ou éventuellement par lavage. Ensuite, quelques jours de licitement par gouttes antibiotiques sont bienvenus.
Le généraliste et l’urgentiste doivent faire preuve d’une grande prudence quand ils retirent un corps étranger. S’ils ont le moindre doute sur leur capillarité à l’extraire, il faut consulter un ORL. Les corps étrangers inertes peuvent .attendre un jour ou deux. Les insectes vivants doivent être tués tout de suite comme décrit plus haut.
Traumatisme du pavillon
Les traumatismes par objets tranchants ou contondants du pavillon peuvent entraîner des contusions, des hématomes, des lacérations, voire des ruptures de l’armature cartilagineuse. Un geste chirurgical adapté est indiscutablement indiqué et une antibiothérapie couvrant Pseudomonas et le staphylocoque est recommandée pour prévenir la périchondrite. Hématome et périchondrite ont été traités précédemment dans ce chapitre.
Fracture de l’os temporal
Appelé aussi fracture de la base du crâne, cette blessure survient lors de violents traumatismes crâniens et se révèle typiquement par la présence de sang dans le conduit, ou otorrhagie. Une perte de l’audition, des vertiges et une paralysie faciale peuvent exister. Les patients porteurs de ce type de lésion sont habituellement polytraumatisés et admis en neurochirurgie après examen aux urgences. Occasionnellement, cependant, un patient stoïque peut ne pas consulter en urgence. Parfois, une fuite de liquide céphalorachidien (LCR) existe avec un écoulement goutte à goutte persistant de liquide clair par l’oreille.
Le traitement initial est le repos au lit, avec tête surélevée et mise en observation. Une antibiothérapie prophylactique est mise en route même en l’absence de fuite évidente de LCR. Le scanner va objectiver la fracture. Il en existe deux types – longitudinale et transverse -, chacun s’accompagnant de dommages propres (le lecteur pourra se référer à des ouvrages spécialisés pour approfondir ses connaissances). Des lésions définitives de l’audition et du vestibule peuvent en découler. La paralysie faciale, si elle est immédiate au lieu d’être d’apparition progressive et retardée, doit faire l’objet d’une exploration chirurgicale avec décompression et/ou réparation.
Engelure du pavillon
Ce type de dommage lié à l’exposition prolongée au froid est susceptible d’affecter le pavillon en premier. Celui-ci est en effet très vulnérable en raison de sa situation exposée, de son réseau vasculaire superficiel et de sa sensibilité peu développée. Au début, la peau est pâle et engourdie. Au réchauffement, les zones affectées deviennent hyperhémiées et douloureuses et peuvent même donner des phlyetènes.
Le traitement doit comporter un réchauffement progressif dans une pièce fraîche. La chaleur directe, le massage ou l’application de neige ne sont pas recommandés dans la mesure ou ils ne feraient qu’aggraver le traumatisme. L’observation « sans toucher » est la règle, quoiqu’une antibiothérapie prophylactique anti-Pseudomonas soit indiquée dans les cas sévères. Nécrose et perte de substance peuvent survenir, mais même à ce stade, la délimitation spontanée des lésions par chute des escarres donne de meilleurs résultats qu’une chirurgie prématurée, à moins qu’existe une surinfection patente.
À l’égard des trois dernières catégories de traumatisme, la spécialisation du praticien impliqué va dépendre de la sévérité de l’atteinte. À l’évidence, la fracture du temporal et l’engelure sévère exigent le recours sans délais à l’ORL alors que le petit traumatisme du pavillon peut être pris en charge par un médecin de famille compétent pourvu qu’il prenne soin de prescrire un antibiotique pour prévenir la périchondrite.
Vidéo : Traumatismes et corps étrangers
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