Le mental anticancer : La méditation au laboratoire
Dans le laboratoire du docteur Richard Davidson, à l’université du Wisconsin, le jeune normalien français Antoine Lutz étudie les changements qui affectent le cerveau des personnes qui se sont entraînées à la méditation pendant des années. Plusieurs moines tibétains ont participé à l’expérience – dont Matthieu Ricard, qui a contribué à la mettre sur pied. Pendant la méditation, leurs rythmes cérébraux enregistrent une forte augmentation de l’amplitude des oscillations habituelles. Sur les tracés, on voit aussi que les différentes régions du cerveau se mettent à osciller en harmonie quand les moines entrent dans cet état intérieur particulier – on dit qu’elles se « synchronisent ». C’est un phénomène comparable, à l’échelle du cerveau, à l’établissement de la cohérence dans la biologie du corps. Mieux encore, Lutz et Davidson ont découvert que cette synchronisation se prolonge pendant de longs moments entre les périodes de méditation.
Heureusement, il n’est pas nécessaire d’être, comme ces moines, un athlète de la méditation pour en tirer des bénéfices concrets pour la santé. Le même laboratoire a mis à l’épreuve des cadres stressés d’une grande entreprise de biotechnologie de la région. Deux groupes étaient étudiés. Les premiers ne changeaient rien à leurs habitudes, les autres apprenaient la méditation dite « de pleine conscience » telle qu’elle est enseignée dans le programme mis en place dans les hôpitaux par Jon Kabat-Zinn. Au bout d’à peine huit semaines, on pouvait voir chez ceux qui avaient intégré la méditation à leur vie courante un rééquilibrage important de l’activité électrique du cerveau. Les régions associées à la bonne humeur et à l’optimisme (régions frontales gauches) étaient nettement plus actives, comparé à leur état antérieur, ou à celui du groupe témoin. Mais cet effet ne s’arrêtait pas au cerveau ou à l’humeur : leur système immunitaire réagissait aussi plus fortement que celui du groupe témoin au vaccin de la grippe .Et cela après seulement deux mois de pratique !
A Calgary, au Canada, l’équipe de recherche du professeur Linda Carlson au centre de cancérologie de l’université a étudié des patients soignés pour un cancer du sein ou un cancer de la prostate qui pratiquaient ce même programme de méditation. Au bout de quelque huit semaines, ils dormaient mieux, se sentaient nettement moins stressés, et avaient le sentiment que leur vie était plus riche. Chez eux aussi, la méditation bénéficiait au système immunitaire : les globules blancs, y compris les cellules NK, retrouvaient un profil normal, beaucoup plus propice à la lutte contre le cancer.
Bob, par exemple, avait 60 ans et travaillait pour le ministère de l’Éducation en 1999 quand il apprit qu’il avait un cancer de la prostate. Après un traitement de radiation local, il se mit au programme de méditation de pleine conscience de l’hôpital de Calgary. Au début, il ne méditait que cinq à dix minutes par jour, puis, au bout de quelques semaines, à force d’expérimenter par lui-même différentes manières de méditer, il trouva comment faire durer l’exercice trente minutes sans difficulté. Et c’est devenu une habitude dont il parle volontiers :
« La méditation me donne une maîtrise sur mon propre esprit et sur mon corps que je n’avais jamais eue avant. Elle me calme suffisamment pour que je puisse prendre du recul et voir ce qui se passe, pas seulement autour de moi mais aussi a l’intérieur de moi. Cela peut paraître fou, mais je dois avouer en toute honnêteté que je suis reconnaissant d’avoir eu un cancer parce que la méditation m’a mis sur un chemin de vie différent. Elle a transformé la façon dont je vis avec ma famille, avec les gens autour de moi. Elle m’a donné une direction que je n’avais pas avant. »
Bob se porte très bien huit ans plus tard. Au cours de l’étude, le professeur Carlson mesura ses paramètres immunitaires avant, pendant et douze mois après son initiation de huit semaines à la pratique de la méditation. Ils s’étaient considérablement améliorés (réduction des cytokines inflammatoires TNF alpha et interféron gamma, et augmentation de l’interleukine 10 qui lutte contre l’inflammation), en même temps que son niveau de cortisol avait baissé. Son corps et son esprit s’étaient calmés ensemble.
Toutes les méditations se rejoignent
D n’y a pas seulement une manière de méditer. La plus ancienne discipline de l’intériorité est la tradition du yoga. En sanskrit, le terme yoga désigne un ensemble de pratiques visant à la fusion du corps et de l’esprit au profit de l’unité et de la paix intérieures. Un chemin vers notre propre « être supérieur » toujours présent à l’intérieur de nous. Mais cette tradition pose comme principe qu’il n’y a pas seulement un chemin. Au contraire, chaque culture, chaque personne doit trouver la voie qui lui convient le mieux. Le point central, commun à ces nombreuses pratiques, consiste à retirer temporairement son attention du monde extérieur et des pensées qui s’y rapportent, puis de la focaliser sur le sujet de méditation choisi. Ce dernier, en revanche, varie au gré des écoles. Il peut s’agir du corps et de ses sensations, comme dans le Hatha yoga qui travaille sur les postures et la respiration. Les traditions du taï chi, ou du qigong, le yoga nidra, la sophrologie ou la méthode de cohérence cardiaque sont des versions différentes de cette forme générale de « méditation » centrée sur le corps. L’hypnose, qui concentre l’attention de façon particulièrement puissante, permet également de mobiliser les forces profondes du corps. On peut aussi se concentrer sur la flamme d’une bougie, une image sacrée, un mot (« Paix » et « Amour » sont souvent utilisés à cet effet), une prière (l’Ave Maria, les mantras bouddhiques, le « dhikr » soufi, le « shéma » hébreu, etc.) ou encore un paysage (l’image d’un lac, d’une montagne, d’un arbre). Dans la pratique enseignée par Jon Kabat-Zinn – la « méditation de pleine conscience » -, l’objet principal est l’attention ramenée simplement et répétitivement sur ce qui se présente à la conscience dans l’instant présent, sans s’y appesantir, et en se contentant d’observer ce qui émerge ensuite spontanément. Si une pensée apparaît, on pose sur elle l’étiquette « pensée », puis on regarde ce qui vient après. S’il et on en détache son attention. Il en va de même pour une « sensation », un sentiment d’inconfort, une envie d’arrêter, etc..
La tradition du yoga reconnaît également comme des formes élevées de pratique l’étude des textes sacrés, ainsi que le travail humanitaire quand il est pratiqué avec la conscience de chaque instant. La clé, dans tous les cas, est le contrôle de l’attention. À travers l’usage rigoureux de celle-ci, chaque voie offre, à sa manière, une possibilité d’entrer dans le même état de cohérence intérieure qui favorise l’intégration de tous les rythmes biologiques et des fonctions d’harmonisation de l’organisme.
Le plus important n’est pas telle technique particulière, ni telle façon de l’appliquer. Il n’y a pas de phrase secrète et magique qui puisse guérir le cancer pourvu qu’elle soit récitée comme il faut et autant de fois qu’il faut. Il n’existe pas de position de yoga tantrique capable d’aligner exactement toute l’énergie du corps pour peu qu’on sache la maîtriser. Ce qui semble essentiel – et utile – à la mobilisation des forces de l’organisme, c’est de renouer chaque jour le contact, dans la sincérité, la bienveillance et le plus grand calme, avec ce qu’il y a de profond et de meilleur en soi. Avec la force de vie qui vibre partout dans notre corps. Et de la saluer avec respect.
Vidéo : Le mental anticancer : La méditation au laboratoire
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Une réponse pour "Le mental anticancer : La méditation au laboratoire"
Article bien écrit.
Trois points méritent d’être soulignés:
– d’une part que le cerveau n’est pas figé (on parle de neuroplasticité) et qu’il est donc possible de le modifier
– d’autre part que la méditation est un entrainement de l’esprit
– enfin, que les nombreux bienfaits associés à la méditation sont observables que si l’on pratique régulièrement