La psychopathologie du vieillissement : les démences de type Alzheimer
Qu’est-ce qu’une démence ?
Selon l’Organisation mondiale de la santé, la démence se définit comme «une altération progressive de la mémoire et de l’idéation, suffisamment marquée pour handicaper les activités de la vie de tous les jours, apparue depuis au moins six mois et associée à un trouble d’au moins une des
fonctions suivantes : langage, calcul, jugement, altération de la pensée abstraite, praxie, gnosie ou modification de la personnalité».
Selon l’Association américaine de psychiatrie, le terme de démence regroupe un ensemble hétéroclite de tableaux cliniques qui ont comme point commun la présence de troubles comportementaux et cognitifs sévères liés à des lésions permanentes du cerveau. On parle à cet égard de troubles mentaux organiques qui doivent être clairement différenciés de troubles mentaux temporaires provoqués par une consommation de substance toxique ou par une intoxication.
Diverses classifications des démences sont utilisées. L’une des plus classiques distingue les démences pré-séniles apparaissant avant 60 ans des démences séniles apparaissant après 60 ans. La maladie d’Alzheimer, telle qu’elle fut décrite au début du siècle, est l’archétype de la démence pré-sénile. Cette approche a pour inconvénient de prendre comme critère l’âge en laissant de côté la symptomatologie. Une typologie de plus en plus utilisée actuellement prend comme critère la nature des symptômes. On peut alors distinguer les démences réversibles et les démences irréversibles. Les premières cèdent au traitement, et l’on peut parler alors d’épisodes démentiels, alors que les secondes sont incurables à ce jour.
Dans la catégorie des démences réversibles, on peut citer les pseudo-démences et le delirium. Ce dernier se caractérise par des troubles de la conscience de soi, de l’attention, par une tendance hallucinatoire, une perte d’orientation et parfois des troubles mnésiques. La sévérité des symptômes varie dans le temps et le tableau d’ensemble est instable. Les causes habituelles du delirium sont une interruption du métabolisme cérébral, dont la fréquence augmente significativement après 60 ans, et la consommation de certains cocktails médicamenteux.
Dans la catégorie des démences irréversibles et dégénératives, les plus courantes sont la maladie de Parkinson, la maladie de Pick, la maladie de Creutzfeld-Jacob, la maladie de Huntington et bien évidemment la maladie d’Alzheimer qui est la seule que nous présenterons.
La maladie d’Alzheimer
Le nom de cette maladie prend son origine dans le nom du médecin Alzheimer qui décrivit le premier le tableau clinique dans un article publié en 1907 et intitulé «Une maladie caractéristique grave du cortex cérébral». Cette description repose sur le cas d’une patiente, Auguste D., âgée de 51 ans au commencement de sa démence. Elle est présentée comme extrêmement jalouse envers son mari, paranoïaque, souffrant d’un déficit mnésique important, désorientée sur le plan spatio-temporel et déplaçant des objets dans son appartement pour les cacher sans raison apparente. Elle mourut quatre ans et demi après son hospitalisation. Les recherches et les observations d’Alzheimer l’amèneront à conclure qu’il s’agit d’une forme particulièrement grave de démence sénile qui peut apparaître avant 50 ans. Si la maladie d’Alzheimer est à l’origine décrite comme une démence présénile (survenant avant 60 ans), on s’accorde maintenant à regrouper ses formes pré-séniles et séniles sous la terminologie générale de «démences de type Alzheimer» (DTA).
La maladie d’Alzheimer est la démence la plus fréquente. Elle représente 45 % des syndromes démentiels et 75 % des démences irréversibles. Aux États-Unis, on dénombre entre deux millions et demi à trois millions de malades, en France ce nombre s’établit à environ trois cent cinquante mille cas. Mais il est impossible de réaliser, malgré les progrès dans l’établissement du diagnostic, une statistique rigoureuse.
La fréquence est proportionnelle au degré de vieillissement de la population du pays. Ainsi en Chine, pays encore jeune, 0,6 % seulement d’individus de plus de 65 ans en sont victimes, alors que dans l’État américain du Massachusetts le taux grimpe à 10,3 %. Au niveau européen, l’Eurodem a rassemblé les statistiques entre 1980 et 1990 sur douze sites de recueil. Sur la figure 9.1, on peut observer l’augmentation quasi exponentielle du nombre de cas à partir de 65 ans.
Les femmes semblent plus touchées que les hommes mais cela est probablement dû à leur plus grande longévité. L’espérance de vie d’un patient est à ce jour comprise entre cinq et dix ans.