Valoriser les légumes secs pour leur effet santé
Les légumes secs sont les parents pauvres de notre alimentation ; ils sont pourtant parés des meilleurs atouts nutritionnels. Leur faible consommation est l’un des exemples d’une exploitation insuffisante des ressources alimentaires végétales. Ces graines produites par des légumineuses ne sont guère mises en valeur par la chaîne alimentaire comme par la recherche en nutrition. Pourtant leur qualité et leur intérêt nutritionnels sont reconnus, que ce soit pour la couverture des besoins en protéines, en fibres, mais aussi en minéraux et micronutriments. Ce sont les aliments qui ont le meilleur index glycémique et les effets hypocholestérolémiants les plus puissants ; ils pourraient ainsi jouer un rôle clé dans la prévention du diabète ou des maladies cardio-vasculaires.
La connaissance de leurs atouts nutritionnels est très insuffisante, et cette exploration pourrait favoriser la réhabilitation de ces aliments. A l’ère de la vogue des aliments fonctionnels, il est intéressant de souligner que les légumes secs présentent une multifonctionnalité remarquable par leurs effets digestifs pour stimuler fortement l’élimination du cholestérol, par leur effet de régularisation du métabolisme énergétique en assurant, après un repas, un apport étalé de glucose et d’acides aminés à l’organisme.
La richesse en minéraux des légumes secs est bien réelle, en magnésium, en calcium, en oligo-éléments, en fer (on trouve effectivement beaucoup de fer dans les lentilles), et la biodisponibilité de ces minéraux est satisfaisante lorsque la consommation des légumes secs est associée à d’autres fruits et légumes, et aux viandes.
Il importe d’identifier la nature des facteurs qui freinent leur consommation. En fait, pour augmenter leur utilisation, pour que celle-ci atteigne une part raisonnable de 5 % des besoins énergétiques (10 % serait un niveau maximal), il faudrait améliorer grandement leur facilité d’usage par la recherche de variétés ou de préparations faciles d’emploi. Cependant c’est le manque de culture en matière de préparations culinaires qui freine le plus leur utilisation. Pour sortir de cette situation, le savoir-faire des peuples à travers le monde gagnerait à être recueilli, analysé, expliqué, vulgarisé, soutenu au titre d’une politique de santé publique. Un grand bénéfice pourrait être atteint avec un investissement bien modeste. Une énergie considérable est déployée en vue de persuader nos concitoyens de consommer trois produits laitiers par jour ; or les arguments en faveur des légumes secs sont tout aussi convaincants et pourtant si peu mis en valeur.
Il ne faut pas oublier qu’en dehors des pays riches la maîtrise de l’utilisation des légumes secs est le moyen le plus sûr et le moins onéreux d’assurer un approvisionnement en protéines pour nourrir l’humanité. Dans nos sociétés d’abondance, on a cru pouvoir se passer de cet aliment si facile à produire ; l’homme se prive ainsi de ses atouts santé remarquables, par exemple pour faire face à l’épidémie naissante de diabète.
Comme la lentille, le haricot, les divers pois, la fève ou le lupin, le soja appartient également à la famille des légumineuses, des plantes intéressantes par leur capacité à puiser leur source d’azote à partir de l’air grâce à une symbiose bactérienne au niveau des racines. À la différence des légumes secs traditionnels, le soja originaire d’Asie a connu un développement extraordinaire comme source de protéines pour l’alimentation animale mais aussi pour son utilisation en nutrition humaine. Les populations asiatiques consommaient principalement les produits du soja après fermentation, par exemple sous forme de tofu, une sorte de coagulat protéique d’aspect similaire à du fromage. Dans les pays occidentaux, les transformations du soja se sont extrêmement diversifiées, et ce produit, sous forme de lait, de yaourt, de biscuits ou d’ingrédients divers, entre dans la composition d’une multitude de produits transformés (favorisant ainsi la survenue de certaines allergies). Comme elles bénéficient d’un lobby puissant, nul ne peut ignorer que les préparations à base de protéines de soja ont des effets hypocholestérolémiants ou bien que cette graine contient des isoflavones, donc des phyto-œstrogènes intéressants pour la prévention du cancer du sein, de la prostate et de l’ostéoporose. Les populations asiatiques semblent en effet mieux protégées de ces pathologies que les populations occidentales ; cependant en Asie, d’autres facteurs environnementaux interviennent sans doute dans cette meilleure prévention. En France, comme dans bien d’autres pays, un espoir est né de pouvoir intervenir efficacement dans la prévention de ce type de pathologies par des préparations à base de phyto-œstrogènes, surtout depuis que l’on sait que les traitements hormonaux substitutifs ne sont pas sans risques pour les femmes. À l’évidence, les effets protecteurs du mode alimentaire asiatique ne pourront être reproduits par un micronutriment isolé, pas plus que la seule utilisation d’huile d’olive ne peut reproduire les vertus du régime méditerranéen. Il pourrait même exister un risque de perturbation du métabolisme hormonal chez des jeunes ou des femmes non ménopausées exposés à des teneurs anormalement élevées de ces phyto-œstrogènes. Consommé à la mode asiatique, le soja peut être un bon aliment pour l’homme, mais il serait logique de développer beaucoup mieux l’utilisation des autres légumes secs qui ont souvent un bien meilleur intérêt culinaire et des effets santé tout aussi remarquables que les produits actuels dérivés du soja.