Traitement: Approche familiale
Les relations avec les parents ont une place majeure dans le processus thérapeutique du fait de leur implication dans la maladie et dans son traitement.
L’hôpital est paradoxalement un lieu privilégié d’approche et de travail avec les parents d’anorexiques ; paradoxalement, puisque l’hôpital est à première vue un lieu de séparation entre parents et enfants à tout âge et en toutes circonstances pathologiques. De surcroît, l’hospitalisation pour anorexie mentale implique généralement une séparation complète et durable de la patiente et de sa famille.
Cependant à y voir de plus près, l’hôpital est un observatoire privilégié des parents à travers les entretiens multiples et variés qui leur sont proposés avec divers membres de l’équipe et grâce au travail d’élaboration (d’explication) indispensable au sein même de l’équipe.
Cet enseignement tiré de notre pratique hospitalière semble pertinent pour éclairer la relation du médecin avec les parents d’anorexiques en pratique extrahospitalière, ambulatoire.
Les parents de l’anorexique :
Lors d’une anorexie mentale, les parents sont témoins, victimes et acteurs d’un spectacle injouable dans un décor en trompe-l’œil. Ils sont réduits à l’impuissance par la méconnaissance de ce qui arrive à leur enfant et de ce qui leur arrive.
Leur fille, qui jusque-là « n’a posé aucun problème », exige d’eux simultanément qu’ils s’occupent d’elle intensément et qu’ils la laissent tranquillement mourir d’inanition.
En réponse, leurs efforts alternent vainement dans deux directions opposées. Tantôt ils tentent maladroitement un rapprochement, une complicité extrêmes ; c’est parfois même un contrôle intrusif de ce qu’elle fait, de ce qu’elle mange (ou ne mange pas), de ce qu’elle ressent. Ils pensent, ils ressentent pour elle ce dont elle a besoin.
Tantôt et à l’opposé, la lassitude, l’essoufflement entraînent chez eux des sentiments de rejet (le plus souvent inconscients) mais dont l’expression est ressentie par leur enfant comme la réalisation de ce qu’elle redoute le plus : l’abandon.
Le médecin a des exigences à leur égard non moins contradictoires et incompréhensibles. D’un côté, les parents sont totalement exclus du lieu de soin : les visites, les lettres, le téléphone, la communication avec leur fille ne sont le plus souvent pas autorisés. Dans le même temps, ils sont pourtant inclus dans le traitement et dans le contrat d’hospitalisation (voir plus haut : Rôle pivot du système de contrat et Méthodes thérapeutiques). Ces demandes sont pour eux paradoxales, enchevêtrées, indémêlables, écrasantes.
C’est dire la nécessité du travail de relation avec les familles afin de les mobiliser, de cheminer avec elles vers la compréhension de leur enfant, de ce qui leur arrive, du contenu du projet de soin et de son déroulement. L’existence des relations entretenues avec les familles par l’équipe hospitalière, leur continuité malgré les tensions qui se font jour, sont indispensables : elles permettent d’éviter ou d’apaiser les conflits aigus à l’occasion desquels les parents s’opposent à l’équipe, s’interposent entre cette dernière et l’anorexique, acceptent et transgressent le contrat d’hospitalisation jusqu’à finir parfois par accepter une rupture de soins induite par leur fille.
Par ses relations avec la famille, l’équipe soignante tente de mieux intégrer les parents dans le projet de soins et de faire avec eux une alliance thérapeutique durable. Cette alliance confiante les aidera, par exemple, à ne pas répondre aux manœuvres possibles de leur fille sans en parler préalablement avec le médecin réfèrent.
L’approche familiale pendant l’hospitalisation :
Elle est encouragée par diverses formes de rencontres des parents avec le médecin réfèrent et avec les psychothérapeutes : entretiens individuels, entretiens familiaux, réunions collectives. Ces rencontres seront aménagées de façon assez souple dans le temps pour répondre aux besoins des parents et de l’anorexique.
Le médecin référent de l’anorexique reçoit les parents régulièrement, habituellement tous les quinze jours, d’abord pour leur donner des nouvelles de leur enfant. La demande immédiate des parents s’exprime surtout en terme de poids. Ils attendent un résultat tangible, si possible rapide et stable. C’est leur espoir, voire leur exigence inconsciente en réponse à la confiance faite à une équipe médicale à laquelle ils ont l’impression d’avoir donné les pleins pouvoirs en adhérant au contrat de soins et en se séparant de leur fille gravement malade.
Le médecin aura bien sûr à leur donner ces nouvelles auxquelles ils ont droit. Considéré souvent comme un rival, le médecin aura aussi à leur faire comprendre que personne n’a les pleins pouvoirs, mais que chacun a une place bien spécifique à tenir autour et auprès de l’anorexique. A lui de veiller à rester dans son rôle de médecin somaticien référent, témoin de la réalité, garant des limites de sécurité à respecter, des gestes thérapeutiques indispensables, mais aussi soutien de ce que peuvent vivre les parents au quotidien. Il peut alors valablement remettre les parents à leur place…, ou plutôt les inviter, quitte à les y pousser, à oser chercher cette place à l’occasion de la maladie de leur fille.
Difficultés et obstacles rencontrés :
dans l’approche familiale par les psychothérapeutes Au début de l’hospitalisation, il est rarement possible de susciter une rencontre des parents avec un psychothérapeute, sauf si celle-ci a eu lieu lors de la préparation de l’hospitalisation ou même antérieurement : dans ce cas, les parents sont encouragés à maintenir cette relation ou bien à la reprendre s’ils l’ont interrompue. Dans les autres situations, les plus fréquentes, les parents n’ont pas d’autre demande initiale et préoccupation que la restauration de la santé physique de leur enfant. Ils sont alors, et à juste titre, angoissés jusqu’à l’affolement par son état de maigreur. Désarmés, impuissants, ils ne savent plus quoi penser. L’idée d’une interrogation, d’un retour sur eux-mêmes leur semble totalement déplacée, inopportune.
Il en est de même lorsqu’à l’occasion de l’hospitalisation, les difficultés psychoaffectives de l’anorexique sont au-devant de la scène (dépression, isolement, repli sur soi et dans la famille, désinvestissement du monde extérieur, etc.). Pour les parents, ces troubles sont mis sur le compte de la dénutrition, de la fatigue, et ils s’estomperont avec la réalimentation. Ils incriminent volontiers des facteurs extérieurs tenus pour responsables et sur lesquels ils pourraient agir. Les interactions familiales ne sont pas mises en cause initialement, même lorsqu’à l’évidence la vie familiale est profondément et depuis longtemps perturbée. Il peut s’agir d’une pathologie grave de l’un des parents ou d’un enfant de la fratrie, d’une mésentente profonde ancienne du couple parental : séparation interminable avec ou sans divorce ; du deuil non fait d’un grand¬parent décédé, d’un « secret de famille », d’une anorexie mentale chez la mère, etc. Ces histoires familiales ont depuis longtemps mobilisé la vie affective des parents, ne leur laissant ménager qu’un espace réduit au développement et aux relations psycho-affectives personnelles de celle appelée à devenir anorexique. Ces circonstances sont d’autant plus aggravantes que tout a été tenté par les parents pour maintenir l’enfant à l’abri des événements difficiles, alors qu’elle en connaît des bribes et que les secrets n’en sont pour personne.
Dans les efforts de compréhension de l’anorexie mentale, les parents sont d’abord en panne. Ils n’ont rien senti venir et jusque-là leur fille allait bien : ils s’y sont appliqués, tout comme elle d’ailleurs. Ils ont en général efficacement réglé les problèmes au fur et à mesure qu’ils se présentaient sans en chercher la cause ni les conséquences éventuelles. L’objectif avec cet enfant-là étant qu’il n’y ait pas de problème, leur solution a été d’éviter les conflits, de les fuir ou bien de les méconnaître et de les cacher.
Le médecin pourra les mener patiemment à prendre conscience que tout ne va pas si bien pour eux dans leur propre vie, ni dans leur histoire personnelle.
Entretiens individuels des parents avec un psychothérapeute pendant l’hospitalisation de l’anorexique :
Rôles respectifs des psychothérapeutes et des soignants Le psychothérapeute se situe dans l’équipe hospitalière, ce qui facilite son abord pour les parents. Mais il est décalé sur plusieurs plans et ce décalage encourage l’accès par les parents à leur propre vie psychique. Le psychothérapeute s’occupant des parents n’est pas chargé de réparer ni de surveiller l’état physique de leur enfant, ni son état psychologique : cette anorexique hospitalisée n’est pas sa patiente. A l’opposé, le médecin réfèrent et les soignants infirmiers responsables de sa santé physique ne sont pas, bien au contraire, exclus de la santé psychique de leur patiente ou de ce qu’éprouvent ses parents, et leur rôle est important dans ces domaines également. Les limites dans cette fonction psychothérapeutique entre le médecin ou les soignants, et les psychothérapeutes ne sont pas rectilignes.
Mais il est fondamental de les repérer et de les respecter, sous peine d’égarer un peu plus encore l’anorexique et ses parents. Ces derniers se plaignent souvent que le médecin de leur enfant ne tienne pas compte de leurs propres besoins, ne soit pas aussi leur psychothérapeute. Or dans cette maladie plus que dans toute autre, il convient de distinguer la vie psychique des parents de celle de l’enfant, de la même façon qu’il convient de séparer la vie psychique du père et celle de la mère. C’est l’objectif majeur du travail psychothérapeutique.
En pratique, les parents sont le plus souvent et intentionnellement reçus séparément par un thérapeute différent. Les entretiens sont répétés avec une fréquence variable pour chacun, selon la structure et les défenses psychiques, l’importance de la souffrance morale ou la capacité de parler de soi-même authentiquement.
Visée et contenu des entretiens avec un psychothérapeute :
Ces entretiens visent essentiellement à soutenir les parents lors de l’hospitalisation de leur enfant, et c’est ainsi qu’ils leur sont présentés. Cet appui leur permet d’exprimer leurs sentiments d’impuissance, de culpabilité, voire de honte vis-à-vis de l’entourage familial et social. Ils parlent de la douleur suscitée par la séparation mais aussi du soulagement qu’ils éprouvent en même temps. A l’hôpital, lieu de soins, leur enfant anorexique n’est pas en danger. Ils peuvent tenter de reprendre une vie personnelle, une vie sociale, qui s’étaient amenuisées avec l’aggravation de la maladie anorexique.
Mais l’hospitalisation de leur enfant est surtout pour ces parents l’occasion d’une remise en question d’eux-mêmes, de leur qualité de « bons parents ». Elle renforce leur sentiment d’avoir échoué dans leur tâche éducative, tâche dont ils se sont à tout moment souciés jusqu’à l’apparition de la maladie. Ils redoutent a priori tout effort de réévaluation personnelle comme une intolérable menace d’accusation portée à leur encontre.
Lors des entretiens, ils sont invités à revenir sur le passé de l’anorexique : l’enfance, la petite enfance, la naissance, la grossesse, les conditions de sa conception, les incidents ou les accidents de parcours. Cette histoire, qu’ils ne se sont pas racontée auparavant, s’interpose entre leur fille et eux, met de la distance et du temps. Elle les dégage un peu de l’anorexie mentale. Cette histoire dont le sens et les directions ne leur apparaissent pas en général sera reprise par eux-mêmes, accompagnés par le psychothérapeute lors d’entretiens ultérieurs. Elle sera alors précisée, modifiée et commentée prudemment par le thérapeute. Car dévoiler le sens latent d’une histoire sans l’aménagement d’une relation où des liens positifs et de confiance soient créés ne conduit qu’à l’échec. Loin de favoriser la compréhension, cette manière de faire suscite en effet une forme d’opposition coupable, sans réaménagement intérieur possible ultérieurement.
Lors des entretiens, les parents sont aussi incités à se remémorer leur propre histoire, leur adolescence, leur enfance, leurs parents (les grands-parents de l’anorexique). Dans un premier temps, ces familles ne comprennent pas comment (ni pourquoi) leur propre histoire est impliquée dans celle de leur enfant. Ultérieurement et soutenus par le psychothérapeute, les parents pourront peut-être saisir la répétition des impasses, le chevauchement des histoires mais aussi leurs différences et les ouvertures possibles. A condition bien sûr qu’aucune « interprétation sauvage », reçue comme un affrontement de plein fouet, ne les ait préalablement fait fuir.
Entretiens collectifs:
Les entretiens dits familiaux :
Au cours de l’hospitalisation, cette autre forme de rencontre est initiée par l’équipe. Le nombre, la fréquence, le début des entretiens familiaux sont fixés à la carte, c’est-à-dire selon chaque situation. A la réunion familiale participent l’anorexique, ses parents, le médecin référent et un psychothérapeute.
Généralement, ces entretiens sont proposés (et non pas imposés) à partir d’une amélioration nette et durable de l’état physique et du fonctionnement psycho-affectif de l’anorexique : la sortie se profile à l’horizon et il convient de la préparer dans ses diverses modalités possibles : retour à la maison, séjour dans une institution intermédiaire, médicalisée ou non, etc. Mais ces entretiens sont parfois proposés lorsqu’à l’inverse l’anorexique semble « s’installer » durablement dans le service hospitalier qui lui sert alors d’abri contre les intrusions du monde extérieur. D’une manière générale, on aborde lors de ces entretiens aussi bien les problèmes actuels pratiques que le registre de l’histoire et du sens de celle-ci. Les parents ne sont plus seulement présents de façon fantasmatique ou imaginaire ; l’écart qui s’ébauche ainsi devant tous entre fantasme et réalité prend une valeur correctrice autant pour eux que pour l’anorexique et pour les praticiens. Cet effet de mise à l’épreuve du réel sera renforcé ultérieurement par les permissions précédant la sortie.
Cette rencontre, après des semaines, des mois de séparation, est vivement attendue par les parents. Elle est aussi plus ou moins inquiétante : leur fille aura-t-elle changé, et en quoi ? Que sera-t-il attendu d’eux ? Elle peut enfin être subie comme un « étalage public » de leurs problèmes personnels, pire parfois comme un tribunal. Pour la jeune fille, c’est l’occasion des « retrouvailles ».
Mais c’est aussi une difficile séance de travail dont elle sait les enjeux : pouvoir (ou non) dire à ses parents ce qu’elle a pu appréhender de ses problèmes antérieurs, de ses relations avec sa famille ou son entourage, des revendications qu’elle s’est octroyées éventuellement.
En fait, ces entretiens sont des étapes majeures de l’intégration des parents dans les soins de l’anorexique. Invariablement, ils y mettent en scène ce qui se passe à la maison : physiquement, par la proximité ou l’éloignement recherché entre fille, mère ou père ; verbalement, comme tel père (ou mère) qui coupe la parole de son conjoint ou se tait, ou tel autre qui répond à la place de son enfant. Tel ou tel n’écoute pas, n’entend pas ce qui se dit et reprend sur un autre registre (le sien).
Ces réunions familiales sont aussi des occasions exceptionnelles pour l’anorexique de signifier à ses parents des événements majeurs pour elle alors qu’ils ont été oubliés ou sous- estimés par les parents. Pour ces derniers, c’est aussi l’occasion de découvrir qu’il importe d’écouter leur enfant même si sa version des faits n’est pas conforme à la leur (qu’ils tiennent pour la réalité objective). Ces événements, malentendus, silences, ou surdités éventuels seront repris lors des entretiens individuels qui se poursuivent jusqu’à la sortie de l’hôpital.
Le groupe des parents :
Le groupe des parents d’anorexiques est une réunion collective des pères et mères d’enfants traités par l’équipe (avant, pendant et après leur hospitalisation). Les relations avec l’équipe hospitalière sont abordées sous une forme indirecte, au travers des échanges entre les parents.
Ces réunions se tiennent une fois par mois dans une pièce neutre extérieure au lieu d’hospitalisation. Elles sont animées par deux psychothérapeutes (engagés ou non dans un travail avec l’un des parents ou l’anorexique). Les problèmes relationnels des parents avec leur enfant anorexique y sont librement discutés (à l’exclusion des questions strictement médicales, pour lesquelles les parents sont encouragés à s’adresser au médecin référent qui seul peut y répondre).
Dans l’espace ainsi aménagé, les parents tour à tour racontent l’anorexie mentale de leur enfant dans sa réalité quotidienne et son évolution. Ils font part de leurs idées, de leurs sentiments, des questions qu’ils se posent, des solutions qu’ils envisagent.
C’est entre parents que se font les échanges, ce qui amène les uns et les autres à prendre conscience des similitudes et des différences. Cette anorexie, au départ inouïe, finit par leur apparaître plus banale, moins extraordinaire, par la ressemblance stéréotypée des manifestations alimentaires et psycho- affectives. Dans le même temps, la diversité des histoires familiales et individuelles souligne les différentes personnalités d’une famille à l’autre et à l’intérieur d’une même famille. En outre, la diversité chronologique, le mélange de familles n’ayant pas la même ancienneté, la même « durée de vie » dans cette maladie, les amènent à appréhender diversement l’anorexie mentale de leur enfant et les soins qui s’imposent.
Les « anciens » possèdent un savoir incontesté par les autres parents. Leurs conseils, recommandations ou commentaires sont écoutés, entendus par tous.
Les « nouveaux », alarmés et déconcertés, sont soutenus, encouragés, conseillés avec chaleur par ces aînés. C’est là que l’incompréhension, la méfiance, l’hostilité à l’encontre d’une mesure thérapeutique, d’une équipe ou d’un membre de l’équipe soignante peut être pleinement énoncée. D’autres parents reprennent avec empathie ces sentiments qu’ils ont souvent ressentis et surmontés. Ils témoignent de la nécessité des relations de confiance entre parents et équipe.
Les psychothérapeutes, dans leurs interventions limitées, ont une fonction modératrice : ils atténuent ou canalisent les tensions, les angoisses ou la violence des propos qui peuvent apparaître lors des réunions. Ils ont surtout pour fonction d’assurer la continuité en dégageant, au cours des rencontres successives, les thèmes débattus et la façon dont ils s’enchaînent.
Erreurs à éviter avec les parents:
La « prescription » d’une rencontre avec un psychothérapeute :
Ici comme ailleurs, la rencontre du parent avec un psychothérapeute ne peut se réaliser pour seulement « faire du bien à son enfant » ou « faire plaisir au médecin prescripteur », sous peine de mener à une impasse durable. Le parent arrive alors toutes griffes défensives dehors, agressives, agrippé au schéma explicatif rationnel derrière lequel il se cache, ou bien n’ayant rien à dire. Ce rendez-vous manqué, raté, aura des conséquences négatives. Il confortera ce parent dans l’idée que la psychothérapie n’est vraiment pas son affaire et partant, pas celle de sa fille… Il refusera toute proposition ultérieure du même ordre et se méfiera à la fois du médecin qui lui a fait cette injonction et du psychothérapeute de son enfant.
Par contre, avec patience et sensibilité, le médecin qui propose cette rencontre supporte le refus immédiat et répète cette proposition. Celle-ci, lorsque le moment est venu, sera beaucoup plus opérante. Le moment venu est celui où, grâce à sa confiance dans le médecin de son enfant, le parent peut exprimer sa souffrance, sa culpabilité, sa difficulté de supporter la séparation ou quoi que ce soit qui émane de sa vie psychique. A ce moment-là, le médecin peut dire que toute cette émotion est à énoncer là où elle va pouvoir être vraiment entendue et prendre sens. Il a des chances alors d’être à son tour entendu.
Il peut arriver que le médecin ressente simplement, à un stade ou un autre, la nécessité de l’aide d’un psychothérapeute qui puisse entendre ce que les parents peuvent dire du fonctionnement familial. Sans cette évaluation, il est en difficulté pour gérer les étapes de la prise en charge. Il a besoin qu’un spécialiste de la psyché écoute ce que lui n’arrive pas à entendre. Il peut le demander très simplement aux parents sans les pousser pour autant à aller plus loin s’ils n’y sont pas prêts.
Les psychothérapeutes qui « connaissent l’anorexie mentale » seraient meilleurs que d’autres :
Ils seraient les seuls à même de permettre à ce parent de parler de lui-même dans cette situation. Lorsqu’il arrive qu’un parent ait eu l’occasion de se rendre (ne serait-ce qu’une seule fois) à un rendez-vous chez un psychothérapeute, il convient surtout de l’encourager à retourner chez celui-là. Même si, et même d’autant plus que « ça s’est mal passé », ne serait-ce que pour éclaircir ce qui ne s’est pas bien passé. Sinon, ce parent viendra voir un autre psychothérapeute (si possible de l’équipe qui s’occupe, s’est occupée ou s’occupera de son enfant). Il viendra non seulement avec réticence, mais avec en plus l’espoir d’un rapprochement avec son enfant. Le message doit rester bien clair : l’anorexie mentale est une affection de la famille, mais ne se traite pas en famille.
Autre erreur à éviter avec les parents :
Une autre erreur consiste à encourager les parents dans une recherche de la cause de l’anorexie mentale.
Cette recherche de la cause d’une maladie (d’origine psychique de surcroît) ne peut qu’aggraver leur culpabilité. Ils s’efforcent déjà en vain de chercher une erreur, une faute commise. Ils trouvent un ou des coupables (qui n’en sont pas). Or cette recherche et ces trouvailles ne se situent que dans la vie psychique et relationnelle de l’anorexique. Elles lui appartiennent. C’est à elle d’en faire part (ou non) à sa famille. A eux de l’entendre, de savoir l’entendre, et à nous de les y aider au mieux.