Tabac et alcool
Alcool et tabac sont les deux principales drogues licites, en vente libre dans notre pays, responsables a eux deux, de plus de 100000 morts par an, soit 20% de la mortalité globale.
il y a cependant des différences importantes entre ces deux produits. Pour l’alcool, a cote des non-utilisateurs per-manents, plusieurs types de consommateurs existent.
Une consommation régulière mais faible de l’ordre de un a deux verres par jour est certainement sans danger et serait peut-etre meme bénéfique, en particulier sous forme de vin, mais a la condition impérative de ne pas dépasser cette quantité!
il faut savoir que:
1 verre de vin = 1 biere de 250 ml = 1 aperitif = 1 petit verre d’alcool
— Mais c’est la le maximum tolérable: au-dela et des trois verres, la consommation est dite excessive et comporte de nombreux risques, directement lies a la quantité absorbée.
— L’intoxication aigue est différente; elle résulte d’une ingestion très importante, mais ponctuelle: c’est l’ivresse potentiellement grave par ses conséquences, surtout si elle est renouvelée et devient habituelle.
— Enfin, le dernier stade de 1’evolution conduit a l’alcoolo-dépendance. Un test en 4 questions permet de savoir si le consommateur est arrive ou non au stade de dependance alcoolique défini par un score supérieur ou égal a 3.
A une différence essentielle entre la vitesse de progression des deux dépendances alcoolique et tabagique. La dépendance tabagique survient précocement et rapidement et peut apparaître pour des consommations apparemment très faibles de l’ordre de cinq a six cigarettes par jour; elle est présente chez plus de 80 % des fumeurs, avec ses deux étapes de dépendance psychologique et ensuite de dépendance mixte a la fois physique et psychique.
La situation est tout autre pour l’alcool: la dépendance ne s’installe que très lentement et progressivement, après de longues années de consommation et elle n’atteint pas tous les consommateurs, très heureusement. Mais quand elles existent, les dépendances au tabac et a l’alcool evoluent de façon comparable:
— Les courbes d’abstinence sont quasiment superposables.
— il y a toujours plusieurs cycles « arret-rechute » avant que la maturité soit suffisante pour une abstinence durable.
— Le sevrage aigu est finalement plus simple et plus rapide pour l’alcool, bien qu’il n’y ait pas de traitement de substi¬tution.
Les liens entre les deux consommations ont ete bien eta- blis par les enquêtes epidemiologiques: la consommation d’alcool des « gros » fumeurs est plus importante que celle des «petits» fumeurs. Inversement, les «gros» buveurs fument plus que les « petits » buveurs. Dans la population des sujets alcoolodependants, le tabagisme est présent et important dans 80 a 90 % des cas.
Les causes de l’association tabac-alcool sont multiples:
•Alcool et nicotine agissent tous deux en synergie sur le système dopaminergique mésolithique, dit système de récompense.
•Les facteurs culturels, sociaux, environnementaux et psychologiques de ces deux « drogues licites » sont souvent communs.
Une relation existe entre les deux consommations dans l’utilisation quotidienne:
— Boire de l’alcool, surtout épisodiquement, peut être a l’origine d’une augmentation du nombre des cigarettes et même de leur reprise après interruption; mais 1’inverse ne semble pas vrai.
— L’influence de 1’arret du tabac sur la consommation d’alcool est variable suivant les cas:
•si les quantités d’alcool absorbees sont faibles ou nulles, elles ne sont pas modifiées lors du sevrage tabagique;
• si par contre, la consommation est excessive, il est très fréquent de la voir augmenter après l’arret des cigarettes et cette éventualité est très préoccupante.
Le problème est le même en cas d’alcoolodependance; la situation est alors très complexe et nécessite une prise en charge dans des structures spécialises. Actuellement, les alcoologues ont bien pris conscience de 1’ importance du tabagisme associe et de la nécessaire prise en charge de ce problème.
Nous avons suivi personnellement de nombreux fumeurs, autrefois dépendants a l’alcool, qui souhaitaient, des mois ou des années plus tard, se débarrasser également de leur dépendance tabagique. Les constatations sont les sui- vantes:
— malgré une très bonne motivation a l’arret, le sevrage est toujours difficile et ces fumeurs ont souvent fait plusieurs tentatives infructueuses; ils déclarent presque tous que se priver de cigarettes est bien plus dûr que d’arreter de boire de l’alcool.
— Les difficultés sont liées a l’intensite de la dépendance et a l’association très fréquente d’etats depressifs avec un syndrome d’anxiete se manifestant en particulier par une phobie sociale. Un traitement psychotrope antidépresseur par les médications serotoninergiques, administre simultanément au traitement de substitution nicotinique est indispensable pour obtenir l’arret du tabac et éviter une récidive ou aggravation de l’etat depressif.
par contre, chez ces sujets ex-alcoolodependants, nous
n’avons jamais observe de reprise de la consommation alcoolique après un sevrage tabagique.
Ainsi l’association «tabac-alcool» est fréquente, pour des raisons a la fois culturelles, sociologiques, politiques et biologiques. Les problèmes poses sont très variables d’un cas a l’autre, mais les progrès actuels ont permis de mieux résoudre les difficultés résultant de la consommation simultanée de ces deux « drogues licites ».