Prévention et lutte contre les cancers par l’alimentation: Les épices
Le thé vert
Le facteur au sein du thé vert qui bloque l’angiogénèse a pu être isolé : il s’agit d’un polyphénol abondant dans le thé vert, l’EGCG (épigallocaté-chine 3 gallate). Cette molécule bloque efficacement l’urokinase, une enzyme produite par les cellules cancéreuses et elle empêche la formation de néovaisseaux, en inhibant un récepteur clé, le facteur de croissance endothélial. Le thé vert japonais est plus riche en EGCG que le thé vert chinois.
Cela permet de ralentir la croissance des cellules de plusieurs cancers: poumon, pancréas, vessie, rein, sein, prostate et cancer du tube digestif. De même, la caféine, les saponines et bioflavonoïdes contenues éga¬lement dans le thé vert ont aussi une action anti-cancer.
Par ailleurs, l’étude de Rotterdam, réalisée sur 4807 hommes et femmes suivis pendant 7 ans, a permis de montrer qu’une consommation de thé vert (une à deux tasses par jour) et de flavonoïdes (quercétine, Kaempferol, myricétine) pouvait contribuer à la prévention primaire de l’infarctus du myocarde.
Toutefois, cette action anti-cancer du thé vert, surtout observée chez l’animal, n’a pu être pleinement confirmée par la majorité des études épidémiologiques chez l’homme. Il faudrait en effet consommer des quantités considérables de thé vert pour que les molécules actives soient en quantité suffisante dans le sang et les tissus, et qu’elles ne soient pas métabolisées et éliminées de l’organisme. A ces niveaux-là, on risquerait d’observer des effets secondaires indésirables comme des nausées, des vomissements, des douleurs abdominales et de la diarrhée, voire de l’agi¬tation et de l’insomnie.
Cependant, des doses modérées de thé vert ont pu être associées à de nettes améliorations cliniques chez l’homme, dans des cas de leucémies lymphocytaires chroniques.
La dose recommandée par le Dr Béliveau est de 3 à 6 fois un bol de 250 ml par jour.
Le soja
Le soja, à doses modérées, comporte également des phytoestrogènes anti-cancers, les isoflavones, et il augmente ainsi nettement l’action pro¬tectrice du thé vert lorsqu’il lui est associé, notamment vis-à-vis des can¬cers du sein et de la prostate. Ainsi, dans une étude américaine avec groupe contrôle, les hommes qui consommaient régulièrement du soja avaient 38 % moins de risques de développer un cancer que ceux qui n’en consommaient pas. De plus, une autre étude, réalisée sur 6 ans, sur une population de 12000 personnes, a montré que les hommes qui buvaient du lait de soja plus d’une fois par jour avaient 70 % moins de risques d’avoir un cancer de la prostate que ceux qui ne buvaient jamais de lait de soja. Chez la femme, une autre étude japonaise sur plus de 21000 femmes montra que du soja consommé dans une soupe au miso avait entraîné une réduction significative du risque de cancer du sein. Mais il faut se méfier des extraits concentrés de soja prescrits en capsules aux femmes ménopausées, qui peuvent, au contraire, favoriser certains cancers. Comme le soja, les haricots secs, les petits pois et les lentilles comportent des molécules actives, les isoflavones, capables de réduire potentiellement le risque de cancer de la prostate. De plus, ces légumes sont une excellente source de fibres, de protéines et de glucides à faible index glycémique.
Le curcuma
Parmi les aliments recommandés par le Dr Beliveau, on retrouve éga¬lement le curcuma, une épice indienne de couleur jaune, de la famille du gingembre, utilisée depuis plusieurs centaines d’années en médecine ayurvédique. Le curcuma a des propriétés anti-inflammatoires, anti¬oxydantes et anticancer très puissantes, en empêchant les radicaux libres d’endommager l’ADN, en inhibant l’activité d’enzymes inflammatoires et/ ou en augmentant la synthèse de glutathion, un important anti-oxydant intracellulaire jouant un rôle très important dans l’adaptation cellulaire au stress. Le curcuma permet, en laboratoire, d’induire l’apoptose, c’est-à-dire la mort cellulaire de certaines variétés de cellules cancéreu¬ses en culture: notamment les celulle de cancers de la bouche, de l’estomac, du foie et du colon. La curcumine, agent actif du curcuma, qui lui donne sa couleur jaune, réduit considérablement l’expression de la cyclo-oxygénase 2, ou COX2, enzyme produite par le corps lors de l’in-flammation, et, en voie de conséquence, bloque l’activité du facteur NF KappaB. De même, après l’administration de curcuma chez l’hom¬me, on retrouve une diminution du taux sanguin de prostaglandine PGE2, témoignant encore de son action anti-inflammatoire.
Le curcuma inhibe l’invasion tumorale en enrayant l’activité de certai¬nes enzymes procancérigènes et il inhibe la formation de néo-vaisseaux autour de la tumeur (angiogénèse). Enfin, il a une action préventive par rapport à certains cancers d’origine chimique, ce qui explique¬rait une moindre fréquence de certains cancers en Inde, où le curcuma est très consommé, par rapport à leur plus grande fréquence en Occident. Une étude clinique réalisée à Taiwan, avec une supplémentation de plus de 8 grammes par jour pendant 3 mois, sur des patients présentant des lésions précancéreuses de la bouche, du col de l’utérus, de la peau, et de l’estomac a permis d’observer des améliorations histologiques chez une partie des patients. Cependant, son absorption au niveau de l’intes¬tin n’est pas idéale et de grandes quantités de curcuma doivent être ab¬sorbées pour pouvoir passer dans le sang, d’où l’intérêt d’une absorption conjointe de curcuma et de poivre, car ce dernier permettrait de multi¬plier par 2 000 le passage du curcuma au travers de la barrière intestinale, et donc d’utiliser de moindres doses pour être efficace. La pipérine du poivre augmenterait ainsi la biodisponibilité du curcuma.
De plus, le curcuma permettrait d’inhiber la formation in vitro de la pro¬téine B amyloïde, qui s’accumule sous formes de dépôts de plaques amyloïdes dans le cerveau des patients atteints de maladie d’Alzheimer. On pense que le curcuma pourrait ainsi inhiber la progression de cette maladie chez l’homme. Enfin, le curcuma serait également utile dans la polyarthrite rhumatoïde et dans la polykystose. Des essais cliniques sont en cours pour confirmer l’utilité du curcuma dans ces maladies.
La dose utile recommandée est entre 0,5 et 3,6 g par jour.
Le gingembre
De la même famille que le curcuma, il est surtout connu pour ses proprié¬tés digestives, contre les nausées et les flatulences, anti-migraineuses et anti-inflammatoires, supprimant la formation de cytokines. Il serait aussi anti-oxydant et efficace contre l’angiogénèse, permettant de limiter la croissance de tumeurs cancéreuses. Il peut être consommé en gélules, râpé, ou en infusion dans de l’eau bouillante.
On peut également citer l’utilité des huiles essentielles de la famille des terpènes, contenues dans les herbes de Provence comme l’origan, le romarin, le basilic, le thym, la sauge et la menthe, tant pour leurs propriétés anti-oxydantes et anti-inflammatoires que pour leur action anti¬cancéreuse, favorisant l’apoptose cellulaire et inhibant la formation de néo-vaisseaux autour des tumeurs (notamment l’apigénine du persil et du céleri). Certaines ingrédients, comme le carnosol du romarin, peuvent même potentialiser l’action de la chimiothérapie contre les cellules can¬céreuses du sein, en augmentant l’accumulation de ces drogues, vinblatine et doxorubicine, dans les cellules.