Mieux gérer la santé par l'alimentation
Mais que dois-je manger: Le concept de nutrition préventive
Jamais la nutrition humaine n’a suscité un tel intérêt, cependant l’approche qui en est faite est trop centrée sur la éponse aux inquiétudes des consommateurs. Il est vrai qu’il :xiste un malaise sociétal provoqué par la forte modification du »aysage alimentaire. L’extrême diversité de l’offre, la découverte le pratiques choquantes, la peur d’être empoisonné, la modifi- ation du goût de certains produits, la perte du savoir-faire culi- laire ou de repères culturels se traduisent par un question- ement égocentrique sur le « que dois-je manger ? », ou bien ar un désintéressement désabusé. L’information concernant la utrition est encore trop souvent contradictoire. Or le public a esoin d’être éclairé sur un sujet dont il commence à sentir importance dans la prévention des maladies. Il est sans cesse illicité par des produits nouveaux, et les explications qu’il :çoit sont souvent partielles et confuses. Il est important entreprendre un effort de clarification et de vulgarisation pour ie les consommateurs puissent s’appuyer sur des recommandions sûres.
Compte tenu de la valeur inestimable que représente la santé dans la vie humaine, l’exploration des relations entre alimentation et santé constitue un des positionnements clés les plus mobilisateurs au niveau de la recherche et le plus soutenu par la société. Cette démarche est l’objet d’une nouvelle discipline, la nutrition préventive. Celle-ci décrit les modes alimentaires qui permettent de satisfaire tous les besoins nutritionnels dans leur très grande diversité, d’assurer le bon fonctionnement de l’organisme et de prévenir ou de retarder un très grand nombre de pathologies. Le domaine de la nutrition préventive ne s’est pas encore suffisamment développé, parce qu’il est difficile d’expliquer l’influence de la nutrition sur des processus pathologiques de long terme. Par ailleurs, le rôle des facteurs génétiques, souvent déterminants, rend très complexe l’interprétation des relations entre alimentation et santé. Puisque nous ne savons pas quelles sont nos imperfections génétiques, quels organes ou quels tissus vont nous trahir, pourquoi donc se préoccuper de prévention nutritionnelle ? Une première réponse à cette question apparaît dans le fait que la prévention nutritionnelle est, dans la majorité des cas, efficace face à un grand nombre de pathologies. Bien que nous soyons largement inégaux devant les risques de la maladie, nous avons sensiblement les mêmes caractéristiques énergétiques et nous sommes susceptibles de bénéficier des mêmes facteurs de protection. Il est clair que la qualité des nutriments et des micronutriments que reçoivent nos cellules a des répercussions non seulement sur le bon fonctionnement de notre organisme, mais aussi sur son éventuel dérèglement au cours du vieillissement.
Alors que la nutrition préventive doit trouver une place majeure dans l’élaboration d’une société moderne, sa genèse, sa mise en place, son application se sont révélées très difficiles. Une opinion commune est de considérer que le management de la santé est somme toute l’affaire du monde médical et que les autres acteurs en amont n’ont pas à s’investir de cette mission. Cela pouvait se concevoir tant que les aliments ou les régimes étaient relativement peu investis d’une valeur santé, tant qu’il n’était pas parfaitement prouvé que l’ensemble de l’alimentation
avait une influence sur la prévalence des maladies cardio-vascu- laires, des cancers et des autres pathologies. Il netait pas nécessaire de s’occuper de la qualité nutritionnelle de tous les aliments consommés puisque l’on attribuait l’efficacité préventive à des facteurs nutritionnels relativement simples. Il fallait seulement réduire le cholestérol et les acides gras saturés pour lutter contre les maladies cardio-vasculaires et, dans un passé pas si lointain, réduire les glucides pour lutter contre le diabète.
Compte tenu de l’implication de l’ensemble des aliments dans le développement d’un bon statut nutritionnel et dans les mécanismes de prévention, il n’est plus possible de déconnecter la gestion de la santé de celle de la chaîne alimentaire. Cette gestion dépasse les attributs du corps médical qui d’ailleurs ne la revendique pas. Le suivi de la chaîne alimentaire dans le but d’assurer le bien-être et la santé de la population ne bénéficie guère de l’appui d’un corps de nutritionnistes bien trop éloigné des réalités de terrain. D’un côté, les acteurs de la santé ont une connaissance très imparfaite de la complexité des aliments, de leurs mécanismes d’action et surtout de leurs modes de production. Ainsi, ils sont bien mal placés pour exercer une influence sur l’élaboration de la qualité nutritionnelle, par exemple en matière de pain. D’un autre côté, le large secteur agricole et alimentaire ne dispose pas d’une culture suffisante en nutrition humaine. Pourtant ce secteur pourrait être fortement amélioré s’il disposait de directives claires de la part des nutritionnistes. Il y a donc une réelle difficulté, en l’absence d’un corps suffisamment organisé et compétent de nutritionnistes, d’établir les passerelles nécessaires pour concevoir la production alimentaire en fonction des besoins nutritionnels de l’homme.
Ces besoins ont en effet été difficiles à établir. Finalement, on n’a jamais réellement pu évaluer à quel point l’alimentation pourrait exercer des effets protecteurs, prévenir très fortement les cancers, l’ostéoporose. Ces incertitudes concernant l’efficacité de la prévention nutritionnelle sont un frein pour la mise en place d’une alimentation protectrice. Au niveau du terrain, il est vraiment difficile de montrer les bienfaits de l’alimentation lorsqu’une large majorité de la population consomme du pain blanc, trop de sucre, de matières grasses ou de sel. Dans ce
contexte peu favorable, les enquêtes épidémiologiques ont malgré tout mis en évidence l’intérêt de la consommation de fruits et de légumes pour se protéger des cancers et d’autres pathologies, le rôle de l’équilibre entre acides gras polyinsaturés dans la protection cardio-vasculaire, les risques liés aux excès de sel dans la survenue de l’hypertension. Pour la majorité des populations, il est compréhensible qu’avec une alimentation approximative et beaucoup d’erreurs commises tout au long d’une vie il soit très difficile d’affirmer les potentialités de la nutrition préventive. Ainsi, les bénéfices possibles d’une alimentation qui serait adaptée aux besoins de l’homme sont assez systématiquement sous- estimés. Heureusement quelques peuples, tels que les Crétois, ont pu bénéficier d’un environnement alimentaire favorable contre certaines pathologies, et cela a permis d’asseoir le discours des nutritionnistes. Cette population est maintenant influencée par les facilités du système agroalimentaire dominant avec son cortège de surcharge pondérale et de pathologies dégénératives.
Ainsi, faute d’un trop petit nombre de populations exemplaires par l’équilibre de leur environnement et de leur savoir- faire, le rôle des facteurs environnementaux et nutritionnels a souvent été marginalisé. Sans incitations claires, des populations entières n’empruntent pas un cercle vertueux de gestion intéressante de la santé par l’alimentation et cèdent à un cercle vicieux d’ignorances et de dévalorisation alimentaire, avec des retombées évidentes fort négatives sur de nombreux plans. Difficile dans ces conditions, pour les épidémiologistes, de tirer des conclusions claires à partir du passé nutritionnel peu cohérent des cohortes étudiées.
Il est donc nécessaire maintenant de ne pas ressasser indéfiniment le passé, de construire l’avenir nutritionnel de nos enfants parce que, malgré les difficultés et grâce au recoupement d’une multitude d’approches scientifiques, on a acquis aujourd’hui un degré de certitude suffisamment fort sur la façon de bien s’alimenter. Malheureusement, cette bonne nouvelle est étouffée par un bruit de fond pénible d’avis incompétents. Cependant, il existe toujours un danger à présenter des informations, comme certaines qui s’avèrent ensuite assez inexactes. Il ne s’agit donc pas d edicter des règles de conduites strictes, d’uniformiser les com-
portements nutritionnels, mais bien de situer les limites raisonnables à respecter dans les variations de la qualité nutritionnelle des aliments et des pratiques alimentaires. En fait, les erreurs des nutritionnistes ou des professionnels de l’agroalimentaire ont été de délivrer ou de s’appuyer sur des analyses trop réductrices qui ne tiennent pas compte de la complexité des aliments et des régimes. En effet, les aliments ne sont pas seulement la somme de leurs composés nutritionnels, de même les régimes sont plus que la somme des aliments qui les composent. L’impact de ces ensembles dépend de leur complexité, de la complémentarité et de la synergie d’action de leurs composés ; les défauts majeurs à éviter étant un fort déséquilibre dans les nutriments énergétiques et un apport indigent de minéraux et micronutriments.
Vu l’abondance des aliments disponibles, il y a, et c’est heureux, une très grande diversité possible dans l’art de bien s’alimenter, et donc une palette de menus quasi infinie ; ce qui est un des arguments essentiels qu’il convient d’opposer à une critique récurrente de la nutrition préventive, source imaginaire de monotonie et antinomique au plaisir.
Des recommandations nutrionnelles plus sures
Les bases théoriques de la nutrition préventive ont pu être définies en analysant nos besoins dans les différentes classes de glucides, protéines, lipides, et surtout en comprenant mieux la nature et l’importance de la fraction non énergétique qui doit accompagner les composés caloriques. Il a fallu étudier par des approches complexes les besoins en chaque nutriment et micronutriment et s’assurer que la couverture de ces apports nutritionnels corresponde à des modes alimentaires protecteurs à l’instar du modèle méditerranéen. Les régimes les plus efficaces sur le plan du bien-être et de la santé sont tous caractérisés par un apport élevé de produits végétaux, et une utilisation modérée d’ingrédients purifiés et de produits animaux riches en acides gras saturés. Du point de vue énergétique, la proportion des glucides, protéines et lipides doit être de l’ordre de 55 %, 15 % et 30 % respectivement. En termes un peu plus concrets, cela représente une consommation quotidienne d’équivalents glucose de 4 à 5 g par kilo de poids corporel, et de protéines et de lipides de 1 g par kilo. Actuellement, la majorité de la population française, comme d’autres populations occidentales, dispose d’un apport énergétique du type 45 % pour les glucides, 15 % pour les protéines et 40 % pour les lipides. Pour les nutritionnistes qui observent le comportement des populations, ces pourcentages caloriques sont révélateurs de typologies alimentaires peu équilibrées. Des mesures plus complexes sur l’apport spécifique de certains nutriments ou micronutriments indiquent également que, dans l’ensemble, le statut nutritionnel d’une frange importante de la population n’est pas optimal.
Un effort évident doit donc être fait pour favoriser la consommation de glucides sous forme de produits végétaux complexes et pour modérer les apports lipidiques. Le problème pour le consommateur est de traduire dans la pratique quotidienne ces recommandations sachant qu’il est difficile d’estimer la répartition de l’énergie dans ses repas. Des repères plus clairs devraient être mis à la disposition du public, non seulement pour la description des aliments, mais aussi pour les diverses préparations culinaires. Cependant, la possibilité d’établir une comptabilité des apports énergétiques alimentaires est assez théorique et finalement peu utile, il convient plutôt d’apprendre à bien manger en ayant toutefois des repères qualitatifs sur le profil nutritionnel des aliments, sur la présence de sucres ou de matières grasses ajoutées, sur l’intérêt physiologique des produits consommés. Des repères quantitatifs concernant la valeur calorique des aliments peuvent être utiles. Savoir que 100 g de salade n’apportent que 25 kcal, alors qu’une cuillerée à soupe d’huile de 10 g fournit 90 kcal, et qu’une pierre de sucre de 5 g apporte 20 kcal. Il est nécessaire que le consommateur connaisse la composition générale des produits de base, qu’il sache que 100 g de viande correspondent à environ 20 g de protéines, que 100 g de pain apportent 50 g d’amidon et qu’une canette de Coca contient 30 g de sucre. Chaque foyer pourrait disposer de tableaux récapitulatif simples pour caractériser le profil nutritionnel des aliments, décrivant les teneurs en protéines, en glucides et en fibres des produits végétaux, les teneurs en graisses, sucre ou sel apportées par les aliments préparés. Ces repères peuvent être utiles, mais l’art de bien se nourrir nécessite une compréhension globale de l’équilibre et des bienfaits de l’alimentation. Si cette vision était mieux développée, le consommateur sélectionnerait plus spontanément des produits moins raffinés et moins riches en ingrédients purifiés.
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