Les ravages des images
Les ravages des images
Depuis le début de ce livre, je me suis efforcée d’informer, de comprendre, de rendre compte de cet incroyable délire antirides que nous subissons depuis une trentaine d’années.
Certes, je n’ai pas caché ma défiance envers cette dictature médiatique du jeunisme à tout crin, mais j’ai néanmoins voulu souligner les progrès techniques de la médecine esthétique et tenter d’expliquer cette obsession anti-âge qui frappe toutes les sociétés développées, aussi bien en Asie qu’en Europe et en Amérique – du Nord comme du Sud – depuis que l’espérance de vie s’est considérablement rallongée dans toutes ces contrées.
Cependant, en relisant mes quatre premiers chapitres, je me trouve bien trop modérée et, pour tout dire, d’une naïveté désarmante. En commençant mes recherches, j’avais décidé d’écrire un pamphlet contre notre société de figures figées et de visages stéréotypés… Me serais-je en partie laissé embobiner ? J’ai failli être convaincue par les propos des médecins qui ont eu l’amabilité de me recevoir, d’autant que, tout en défendant leurs métiers, ils/elles ont toujours fait preuve de modération dans leurs conseils. La lecture d’une dizaine d’ouvrages sur les progrès constants des méthodes et des produits utilisés m’a laissé une même impression positive. Certains ne manquent pas de dénoncer les erreurs du passé. Comme le collagène, qui pouvait provoquer des allergies si on ne pratiquait pas des tests très sérieux avant de l’injecter. Ou les fils d’or destinés à retendre les bajoues de l’intérieur avec parfois des résultats fâcheusement déséquilibrés, et sans correction possible, si l’un d’eux craquait. Pires que tout sont ces visages dissymétriques avec, d’un côté, une joue lisse à la pommette relevée et, de l’autre, un sillon creusé et une joue affaissée. Là, l’intervention est flagrante, tout comme son échec…
Quant aux témoignages d’internautes anonymes dans les forums des sites féminins ou médicaux, neuf sur dix expriment une réelle satisfaction. Réaction logique : on a davantage envie de clamer haut et fort que l’on se sent plus belle après qu’avant, plutôt que d’avouer sa déception et ses regrets de s’être laissé prendre ! A supposer, bien sûr, qu’il ne s’agisse pas de publicité indirecte…
Introspection faite, je me suis même surprise à me demander si je n’aurais pas pu, avec quarante ans de moins, me laisser tenter par une ou deux visites chez ma dermatologue pour lui demander d’effacer,
- Les livres sur l’esthétique sont généralement écrits par des dermatologues ou des chirurgiens qui trouvent là un moyen de se faire connaître. Ils ne peuvent donc qu’être favorables à leur pratique !
en quelques petits « coups de seringue », les embryons de rides qui se seraient installés de chaque côté de ma bouche.
Entre 30 et 40 ans, sachant ce que je sais aujourd’hui, aurais-je décidé de me lancer dans ce cycle perpétuel des retouches médicalisées, en ayant conscience qu’il me faudrait investir beaucoup de temps et d’argent pendant les cinquante années suivantes1 ? Ou aurais-je supporté, comme ce fut pour moi le cas, les modifications progressives de mon visage, tout en bénéficiant des progrès contemporains de la cosmétologie et en m’offrant deux ou trois fois par an une séance délicieuse chez l’esthéticienne ?
Vidéo: Les ravages des images
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