Les méthodes thérapeutiques : L'alphathérapie et l'alpha-immunothérapie
Les émetteurs alpha ont un caractère destructeur puissant du fait de la taille importante de la particule éjectée. Cette taille limite égale ment la zone d’interaction avec les cellules voisines. Quelques dixièmes de millimètres de matières suffisent à arrêter ce rayonnement. La particule alpha a donc le profil idéal pour être utilisée dans la destruction de cellules cancéreuses. En association avec les techniques décrites précédemment, on parlera d’alphathérapie ei d’alpha-immunothérapie.
Malheureusement, la détection du rayonnement alpha est beaucoup plus difficile que celle d’émetteurs bêta ou gamma, et impossible une fois que la substance est absorbée ou ingérée. En conséquence, les contaminations accidentelles seront aussi plus difficiles à localiser et cette limitation influencera grandement les conditions de production, de transport et de mise en application en milieu médical.
Aussi, du fait de son caractère agressif vis-à-vis de toutes les cellules saines ou malades, l’émetteur alpha ne pourra être vraiment appliqué à un malade qu’avec des vecteurs extrêmement sélectifs et rapidement éliminés du corps s’ils ne sont pas fixés sur leur cible. Car contrairement aux émetteurs bêta qui, du fait de leur plus forte énergie, vont détruire autant de cellules, mais à plus grande distance, donc de façon plus diluée dans le corps, les effets des émetteurs alpha vont se concentrer dans les circuits de passage (veines, artères) et les organes impliqués dans les fonctions du métabolisme (foie, rein, vessie). La notion de demi-vie effective, qui permet de connaître la durée pendant laquelle l’isotope conserve son caractère destructeur dans l’organe visé et qui est liée à la fois à la demi-vie de l’isotope et à la demi-vie biologique redevient importante.
Enfin, les émetteurs alpha jouissent d’une publicité négative encore plus grande par rapport au reste des radio-isotopes, car leurs seules applications connues du grand public sont essentiellement militaires.
Pourtant, si la spécificité des vecteurs pouvait vraiment être améliorée, les émetteurs alpha seraient les isotopes idéals en thérapie anticancéreuse. Les chercheurs continuent à explorer cette voie en essayant de contourner les contraintes décrites ci-dessus.
Les isotopes utilisés en thérapie métabolique présentent des périodes très courtes, et même extrêmement courtes comparées aux émetteurs alpha plus connus tels que l’uranium ou le plutonium. En réalité, seuls trois isotopes ont, actuellement, démontré une utilité et une applicabilité dans les laboratoires de recherche: l’Actinium 225 (période 10,0 jours) qui a la particularité de produire quatre éléments alpha au cours de sa décroissance, le Bismuth 213 (période 45 minutes) et l’Astate 211 (période 7,2 heures).
Aussi surprenant que cela puisse paraître, les rayonnements alpha ont été les premiers à être appliqués en médecine nucléaire. Les sels de radium ont également été utilisés pour la thérapie. À ce jour, il n’existe qu’un seul produit émetteur alpha commercialisé. Il s’agit du Chlorure de Radium 224 (période 3,62 jours) utilisé dans le traitement de la spondylarthrite ankylosante (maladie de Bechterev). Ce produit n’est disponible qu’en Allemagne.
Greffer un radio-isotope à un vecteur dirigé contre une cible biologique n’a été tenté que depuis une dizaine d’année avec le Bismuth 213. Des essais sur l’homme avec des anticorps de type anti-CD33 ou de la tenascine marqués sont en cours. Une efficacité certaine a pu être constatée, mais la recherche n’avance que progressivement en jouant sur l’accroissement successif des doses. Les doses tolérées maximales, c’est-à-dire avant de voir apparaître des effets secondaires, n’ont pas encore été atteintes, signifiant que d’autres améliorations de l’état de santé des patients sont attendues. Les premières indications visées touchent les gliomes (cancer du cerveau) et les lymphomes.
L’Actinium 225 piégé dans une cage moléculaire elle-même accrochée à un anticorps ou à un peptide, jouera le même rôle que les émetteurs bêta décrits plus haut. Néanmoins du fait qu’il peut libérer l’un après l’autre quatre particules alpha, sa puissance de feu est quatre fois plus forte. Les chercheurs ayant développé cette technologie lui ont donné le nom de nanogénérateur : une espèce capable de générer plusieurs particules radioactives à l’échelle moléculaire, une fois localisé sur sa cible. In vitro ces molécules ont déjà démontré leur efficacité contre diverses cellules cancéreuses humaines (leucémie, lymphomes, sein, ovaires et prostate). Les premiers essais cliniques ont commencé sur des patients atteints d’un gliome (cancer du cerveau), de lymphome non-hodgkinien ou de leucémie myéloïde aiguë.
En France, plus précisément à Nantes, un projet important de cyclotron 70 MeV est en cours d’installation et devrait être opérationnel d’ici à 2009 dans un but de recherche et développement. Cet outil, deux fois plus puissant que le plus gros cyclotron dédie la médecine nucléaire et disponible en Europe, permettra de produire en plus grande quantité ces radionucléides émetteurs al plu dont on attend beaucoup.