Les addictions et la loi
La loi ne peut rien constre les addictions
Mais … La loi ne peut pas tout. En particulier dans une société démocratique : la loi ne permet pas d’intervenir dans la vie privée des individus, sauf au nom de l’intérêt supérieur de la société. Ainsi, la loi du 31 décembre 1970, qui pour la première fois en France interdit l’usage privé de stupéfiants, le fait non pas au nom du bien-être de l’individu, mais au nom de la collectivité, qui aura à assumer les coûts engendrés par ses comportements.
La loi ne peut fonctionner que si elle est fondée et perçue comme légitime par ceux à qui elle s’adresse. Ainsi, on a vu en 2004 la réglementation de la conduite automobile changer dans un sens plus répressif, avec installation de nombreux appareils de contrôle, ce qui a été bien accepté par la population, souscrivant à l’objectif de faire diminuer le nombre de morts sur les routes.
Dans le domaine des addictions, la loi Évin a tenté de s’attaquer à la consommation de tabac et d’alcool. Si elle était appliquée telle qu’elle a été pensée, elle serait probablement efficace. Mais c’est sans compter sur le poids des lobbies alcooliers et cigarettiers, qui ont obtenu de leurs députés de la faire modifier sur de nombreux points en leur faveur (on notera en particulier l’extension des possibilités de vendre de l’alcool dans les stades : la violence liée au sport a encore de beaux jours devant elle…). Quant au tabac, il est enfin question d’imposer le respect de la loi Évin dans les établissements scolaires…
La loi peut indiquer une direction, mais l’histoire montre que si elle ne rencontre pas l’assentiment de ceux qu’elle concerne et de l’ensemble de l’opinion publique, elle est inapplicable.
La police et la douane ne pouvaient pas faire disparaître le trafic si on leur donnait plus de moyens
Ils ne le pourraient probablement pas. Le problème est que, structurellement, dans la course qui oppose les trafiquants aux forces de police, de gendarmerie et aux douanes, ce sont les trafiquants qui ont toujours un coup d’avance. En effet, ils ont
l’argent, les vedettes rapides, les avions, les meilleurs avocats, et par ailleurs, ils ne connaissent ni les lois ni les frontières et se moquent royalement des vies humaines qu’ils sont prêts à sacrifier. Il est clair que les forces de l’ordre ne peuvent rivaliser, dès lors qu’elles sont contraintes par des moyens forcément limités et par l’observation des règles essentielles à la démocratie et aux droits de l’homme.
Par exemple, on sait que la cocaïne entre en France notamment dans l’estomac de paysans sud-américains, qui avalent des poches plastique remplies de drogue (si l’une de ces poches cède, ils meurent). On en arrête quelques-uns, mais le plus grand nombre passe la douane sans encombre. Pour arrêter tous ces passeurs, il faudrait plusieurs semaines de préparation, visant à mettre en place un dispositif mobilisant de nombreux fonctionnaires. Or il ne faudrait pas trois jours aux trafiquants pour modifier leurs modalités d’approvisionnement.
À l’échelon du trafic local, le problème est le même. Il y a des deux façons de répondre aux nuisances générées par le trafic : en organisant des réponses spectaculaires, avec déploiement de gendarmes mobiles ou de CRS dans un quartier, multipliant rondes et contrôles d’identité. Mais le plus souvent, le trafic s’organise dans les heures qui suivent dans un quartier voisin. L’autre façon de procéder est faite de « planques », de filatures minutieuses, longues, peu spectaculaires, mais plus efficaces, car visant à démanteler des réseaux.
Il faut alors savoir si l’on choisit le spectacle ou l’efficacité… De plus, la lutte contre le trafic ne sera jamais victorieuse tant que ce dernier répondra à une demande de consommateurs. C’est la loi du marché.
On doit autoriser les drogues au nom du droit au plaisir
Selon la conception que chacun se fait du monde. Mais peut-on concevoir une vie qui ne serait faite que de plaisir ? Il faut souligner que le plaisir n’existe que dans un rapport nécessaire au déplaisir, ce que le poète Goethe a bien remarqué lorsqu’il souligne que rien n’est plus triste qu’une suite de beaux jours… L’homme a besoin de rythme et de diversité, y compris dans ses expériences et ses sensations.
Avant de revendiquer le droit au plaisir, il existe un devoir de l’Homme, qui est de travailler avec les autres pour rendre le monde meilleur, pour soi, pour les autres et pour ceux à venir. C’est dans cette transformation collective que peuvent s’éprouver des plaisirs individuels, de même que dans la rencontre de l’autre, en particulier la rencontre amoureuse et sexuelle. La vie peut alors être rythmée de nombreux « petits plaisirs », que l’accès au « plaisir majeur » ou au « plaisir autistique », tel qu’il est recherché dans les drogues, écrase et fait disparaître. Un philosophe a suggéré que chacun de nos actes doit tendre à l’universel, c’est-à-dire qu’on doit se demander ce qu’il adviendrait du monde si chacun commettait le même acte en même temps, par exemple fumer un joint de cannabis, prendre un comprimé d’ecstasy, faire une injection d’héroïne, s’enivrer d’alcool…
Il y a certainement tout à craindre d’un prétendu « droit au plaisir » individuel, dès lors qu’il est revendiqué sans médiation, et que l’homme prétend se faire l’alchimiste de ses propres sensations, modifier ses perceptions. Pourquoi dès lors travailler à changer le monde si l’on peut modifier à volonté la perception qu’on en a ? Aldous Huxley l’avait bien perçu, et dans son livre Le meilleur des mondes, il montre des individus conditionnés par des plaisirs en comprimés. Osons le mot, derrière le « droit au plaisir » se profile l’individualisme forcené, la sauvagerie et la dictature. Si la question de la dépénalisation des usages de drogues est légitime, ce n’est certainement pas au nom du droit au plaisir.
Légaliser les drogues ne les rend pas moins attractives pour ses usages
Certains pensent que l’interdit des drogues les rend attractives, qu’il les auréole de mystère et attise la transgression. Or on peut penser que la réponse à cette question ne repose que partiellement sur la loi : si la légalisation des drogues était une solution, nous n’aurions pas le problème qu’on connaît avec l’alcool et le tabac ; et si l’interdit de consommation était suffisant, nous n’aurions pas connu l’extension de la consommation de cannabis, de cocaïne, d’ecstasy, etc. La loi n’est donc qu’une forme de réponse, qui doit se conjuguer avec d’autres, en particulier les réponses de soin, de prévention et de réduction des risques. L’exemple de l’alcool est à ce titre édifiant : les budgets consacrés par les fabricants à la promotion de leurs produits sont des milliers de fois plus importants que ceux que la collectivité accepte de payer pour la prévention… La grande crainte de nombreuses personnes, c’est que la légalisation des drogues conduise à amplifier leur consommation et pose le problème à une
échelle encore plus importante qu’actuellement. Pourtant, des travaux d’économistes démontrent que les consommations de drogues évoluent sans grand rapport avec la nature des politiques publiques menées, tolérantes ou répressives. Cette question renvoie donc à un choix de société : sachant qu’elles sont – qu’on le veuille ou non – présentes dans notre environnement, quelle place donne-t-on aux drogues aujourd’hui ? Comment sont-elles inscrites dans notre réalité sociale ? Malheureusement, peu de femmes et d’hommes politiques acceptent de s’engager sur ce terrain électoralement difficile.
renforcer les sanctions n’est pas toujours une solution pour avoir moins attractives pour ses usagers de drogues
Les pays où la répression est la plus féroce, par exemple où l’on applique la peine de mort pour la détention et le trafic, ne sont pas pour autant protégés des usages de drogues. En effet, tant que des individus souffriront et tant que les profits liés au trafic resteront colossaux, il y aura toujours des gens pour prendre le risque de transporter en fraude des produits interdits, et d’autres pour se soulager en les consommant.
La France s’est dotée en 1970 d’une loi qui se voulait dissuasive, envisageant, pour l’usage simple de quelque drogue illicite que ce soit, des sanctions pouvant aller jusqu’à une année de prison. Pourtant, ces usages ont continué de s’étendre.
A contrario, ils stagnent aux Pays-Bas, où le gouvernement a depuis longtemps mis en place une politique plus tolérante.
De fait, une peine que l’on voudrait dissuasive par son exemplarité est difficilement applicable, car disproportionnée : doit-on incarcérer un fumeur de joints, au risque de le déscolariser, le désocialiser et lui faire connaître l’expérience de ce milieu unanimement reconnu criminogène qu’est la prison ?
Assurément, ce n’est pas ce qu’a voulu le législateur et ce n’est pas conforme à ce qu’attend l’opinion publique. De plus, sauf à accepter l’idée d’un état totalitaire contrôlant les faits et gestes de tous les citoyens, on peut craindre que l’escalade de la répression contribue, bien au contraire, à faire monter les prix (la prise de risque se paye alors plus cher), la délinquance associée à l’obtention du produit (vols, escroqueries, etc.) et l’insécurité globale.
On est poursuivi pour détention de petites quantités de cannabis
C’est préjuger des priorités des services de police et de la justice qui évoluent dans le temps, selon les lieux et en fonction des directives et des moyens qui leurs sont donnés ! L’usage est interdit, comme le sont le transport, la détention et la culture du cannabis. Certains, qui croyaient ne pas encourir grand-chose, ont parfois été détrompés durement : 73 661 personnes ont été interpellées en 2000 pour usage de cannabis, 8 688 pour usage-revente, 3 625 pour trafic…
Parfois, les services répressifs emploient de grands moyens : un lycée de province a vu un beau matin de 2004 un substitut du procureur faire irruption, accompagné d’une vingtaine de gendarmes et de chiens dressés à renifler les drogues. Bilan : quelques grammes de cannabis saisis sur quelques élèves et les noms de ces derniers « désormais inscrits dans les tables de la loi ». La loi changera peut-être, mais aujourd’hui, tout consommateur de cannabis risque des poursuites, étant dès lors enregistré comme consommateur de stupéfiants. Il peut aussi s’ensuivre d’autres désagréments, tels la garde à vue, le renvoi d’un établissement, avec le risque de perdre une année scolaire, et de se voir barrer des perspectives d’avenir. À la dangerosité du cannabis, il faut ajouter celle-là !
Il est vrai cependant que, de nos jours, il n’y a plus à notre connaissance d’incarcération pour usage de cannabis. La plupart du temps, le traitement de cette infraction est le classement sous condition, ou bien l’injonction thérapeutique, c’est- à-dire des mesures qui orientent l’usager vers une filière sanitaire ou éducative.
Le traitement judiciaire est différent pour l’usager revendeur, ou même pour l’usager qui ne revend pas mais « dépanne » un copain. Selon certains procureurs, la « cession » (l’acte de donner un produit à quelqu’un) commence au joint que l’on passe à son voisin. Dans ce cas, les peines encourues sont nettement plus fortes : si le « deal » est attesté, la peine peut aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.
De même, les pratiques « d’achat groupé » sont considérées comme des actes de trafic et sanctionnées par un emprisonnement qui peut aller jusqu’à dix ans, et 7 500 000 euros d’amende… de quoi réfléchir avant de prendre le train avec les économies des copains !
Il n’y a pas des pays en Europe où les drogues sont légales
Cette croyance résulte d’une méconnaissance de la loi. Pratiquement tous les pays sont signataires de conventions internationales qui les engagent à lutter contre l’usage de stupéfiants, c’est-à-dire de produits inscrits sur une liste établie par des experts internationaux.
Chaque pays peut ajouter des substances sur cette liste, mais ne peut en retirer. En revanche, la traduction dans le droit de chaque État peut être différente, de même que l’application de la loi.
En ce qui concerne les Pays-Bas, souvent cités en exemple, les politiques publiques ont fait une distinction entre ce qu’elles considéraient comme « drogues douces » d’une part, et « drogues réputées plus dangereuses » d’autre part, dans le but de séparer leurs marchés et d’éviter un effet de « contamination ». En droit, le cannabis, comme les autres stupéfiants, y reste interdit, mais une tolérance existe, conduisant à ce que la consommation de cannabis, qui reste une infraction, ne soit pas sanctionnée. Des coffee shop assurent la vente du cannabis (pas plus de 5 grammes, quantité qui a été revue à la baisse) et peuvent être fermés s’ils font de la publicité, troublent l’ordre public, ou revendent d’autres substances psychoactives.
La Belgique a aussi mis en place une forme de dépénalisation de l’usage de cannabis. Remarquons que, dans plusieurs pays, la « dépénalisation » du cannabis a consisté à remplacer des sanctions pénales par des sanctions administratives.
Mais dans ces systèmes, le cannabis restant interdit, il y a forcément passage entre une vitrine légale et un système mafieux de production/importation. Seule la Suisse a envisagé d’aller au bout d’une telle démarche par une loi (non votée à ce jour) légalisant « tous les actes préparatoires à la consommation de cannabis », donc la production. Cette expérience, si elle est menée à bien, devra être soigneusement évaluée.
Limiter les consommations est une atteinte aux libertés individuelles
Selon l’opinion de chacun, mais Par ailleurs, chacun de nous est inscrit dans un tissu social, compose avec nn environnement des liens. L’homme social peut-il être entièrement libre de ses actes, ou cette liberté n’existe-t-elle que limitée, à cause précisément de cette inscription sociale ? Les usages de drogues se développent dans nos sociétés en même temps qu’explose le néolibéralisme et que triomphe l’individu au mépris du collectif. On peut se lamenter quant à l’affaiblissement du lien social, il n’en reste pas moins qu’on met en scène aujourd’hui la réussite de personnes qui n’ont d’autre talent que celui d’exclure les autres, les rivaux : il suffit de voir combien les jeux télévisés reposent maintenant sur l’exclusion de l’autre, quand ceux de notre enfance réclamaient pour gagner la collaboration de tous (Loft/lnterville).
Or l’homme a des droits, mais aussi des devoirs, parmi lesquels celui d’être présent aux autres, d’être inscrit dans la communauté humaine et les liens qui s’y tissent. Cela permet de travailler avec d’autres à transformer le monde, à tenter de le rendre meilleur, ce que ne permettent pas les drogues qui visent non pas à changer le monde mais à transformer égoïstement la perception qu’on en a. Le monde qu’on se crée pour soi par les drogues est assurément taillé à sa propre mesure, mais pour soi et pour soi seul. Il n’est en rien partageable avec d’autres. C’est ce qui en fait la limite.
Mais si l’homme doit être présent à la communauté des hommes, charge alors à celle-ci de ne pas exclure, de ne pas perdre de vue l’intérêt de chacun de ses membres, qui, livrés à eux-mêmes, en dehors de tout lien social, n’ont plus parfois que les drogues pour se raccrocher à un monde que personne ne qualifiera de meilleur.
Pour échapper à la loi, il ne faut pas cultiver son cannabis soi-même
C’est pourtant ce que pensent certains usagers qui, pour réduire le coût de leur consommation, ne pas s’inscrire dans un réseau de trafic, bénéficier de produits non coupés, ou par goût pour l’horticulture, font pousser dans leur chambre, leur garage ou leur jardin des plants de cannabis. Les graines nécessaires au démarrage de la production peuvent s’acheter sur Internet, ainsi que tout le matériel nécessaire à une culture domestique (lampes simulant le soleil, systèmes d’irrigation, etc.). Plusieurs ouvrages sont par ailleurs consacrés à cette autoproduction. Est-ce que cela permet d’échapper à la loi ? Non ! Le cannabis, même autoproduit, reste une plante classée comme stupéfiant et son usage, sa culture, sa détention sont interdits, que ce soient les plants (mâles ou femelles), les graines, le pollen, la résine, l’huile, etc.
À ce titre, son producteur est considéré comme un trafiquant, encourant des peines qui peuvent aller jusqu’à vingt ans de réclusion et 7 500 000 euros d’amende… En pratique, les tribunaux tiennent compte de la quantité cultivée et les peines prononcées pour de petites quantités sont plus proches des peines sanctionnant l’usage que de celles appliquées pour trafic. Cependant, l’assimilation au trafic demeure et à ce titre, l’usager planteur peut se voir interdire certaines professions. De même, c’est une condamnation pour trafic et non pour usage qui figurera sur son casier judiciaire, ce qui risque fort de ne pas faciliter une insertion professionnelle ultérieure.
Il n’existe qu’une dérogation à cette règle : certaines entreprises habilitées peuvent utiliser les fibres et les graines de certaines variétés de chanvre (le cannabis étant le chanvre indien), contenant très peu de THC (le principe actif du cannabis), pour la fabrication de divers produits, principalement textiles, mais aussi des boissons et des cosmétiques. C’est pourquoi des sodas ou des bières au chanvre, malgré leur côté provocateur, ne tombent pas automatiquement sous le coup de la loi.
Seule une action mondiale permettra de lutter contre la production
Le phénomène des drogues est un phénomène mondial. Ces dernières décennies ont vu les zones de culture s’étendre, et les producteurs diversifier leur production. Le pavot et la coca sont désormais cultivés bien au-delà de leurs zones de culture traditionnelles. L’argent engendré par ces productions sert, après blanchiment, à enrichir les mafias et/ou financer des guerres. Certains États tentent de lutter contre ces productions mais cela demande d’énormes moyens pour permettre aux paysans de se reconvertir, tout en luttant contre la corruption et les producteurs, qui disposent de véritables armées privées. D’autres États, « États voyous », tirent profit directement de ces cultures et arrondissent ainsi leurs fins de mois. Mais le problème est complexe : comme le faisait remarquer le délégué d’un pays en voie de développement lors d’un colloque, pour lui, la priorité n’est pas la lutte contre la drogue, mais l’accès à l’eau potable… Autre difficulté, les drogues des uns ne sont pas celles des autres, et nous supporterions mal que des pays musulmans exigent que nous arrachions nos pieds de vigne ! Ces pays se plaignent d’ailleurs de la télévision par satellite qui promeut sur leur territoire tabac et alcool…
On le voit, du chemin reste à faire, qui demande une analyse à la fois mondiale et locale, afin que la lutte contre la drogue ne se résume pas ou ne serve pas de prétexte à imposer la culture du plus fort. Des actions seraient néanmoins possibles pour lutter contre le trafic : par exemple, supprimer les paradis fiscaux dont l’une des principales raisons d’être est l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent sale. Il suffirait de modifier les règles de la finance internationale mais cela demande aussi une volonté politique forte et mondialement partagée.
À plus long terme, c’est certainement sur l’élévation du niveau de vie dans nombre de pays pauvres et sur l’accès à une conscience démocratique qu’il faut compter pour réduire ces productions. Enfin, n’oublions pas une loi fondamentale du marché : l’offre de drogues n’aurait pas un tel succès si elle ne rencontrait pas une demande. Il nous appartient de lutter contre la demande, par la prévention.
II faut des sanctions applicables
Mais… En 1970, le législateur a pour la première fois sanctionné l’usage privé de drogues. Auparavant, seuls la production, le trafic et l’usage public étaient condamnés. Afin de dissuader de l’usage, la sanction retenue a été d’une année de prison et d’une amende de 23 000 francs (3 485 euros) maximum. Pour tenir compte des aspects médico-sociaux de la prise de drogues, la loi donne par ailleurs aux procureurs la possibilité de suspendre les poursuites si l’usager accepte de se soigner.
Force est de constater que cette loi n’a pas empêché les usages de stupéfiants de se développer, par exemple ceux de cannabis et de psychostimulants, en particulier chez les adolescents et les jeunes adultes. Selon certains, cela tient au fait que la loi est inapplicable, car trop rigide : qui imaginerait incarcérer les 70 000 usagers de cannabis interpellés chaque année ? Et une loi qui ne peut être appliquée, dès lors que des sanctions disproportionnées ne tombent que rarement (et heureusement !), se décrédibilise.
C’est pourquoi il a été proposé de supprimer les peines d’incarcération pour les remplacer par des peines d’amendes, plus facilement applicables et systématisables.
Cela va dans le sens de ce que préconisent les experts en accidentologie : si l’on veut que des sanctions soient efficaces, elles doivent être proportionnelles à la faute, tomber souvent, afin que chacun se sente concerné, et, surtout, elles doivent être comprises par les personnes auxquelles elles s’adressent. C’est sur ces principes que l’on a aménagé avec succès la réglementation pour diminuer les accidents de la route.
Mais dans notre domaine, il est à craindre que la seule réponse judiciaire soit insuffisante, ne serait-ce que parce qu’elle est rarement comprise par son public. Il nous semble que la loi gagnerait en pertinence en distinguant la dangerosité pour autrui, relevant d’un régime de sanctions, et la dangerosité pour soi-même, relevant de la prévention et du soin. En effet, ces comportements de consommation de substances psychoactives ne concernent pas que la loi, mais avant tout la santé des individus, et leur rapport au plaisir et au monde.
Il est à craindre que tant qu’il y aura des individus tristes, stressés, déprimés, malheureux, timides, malades, et tant qu’il y aura à leur portée des produits calmants, stimulants, euphorisants… certains en abuseront jusqu’à perdre leurs repères. Or, on ne peut vouloir le bien des personnes malgré elles I Avant d’envisager un régime de sanction de l’usage, il semblerait plus adéquat pour les politiques publiques de mettre en avant la prévention et le soin, tant il apparaît que les personnes qui s’engagent dans des comportements de consommation abusive et de dépendance nécessitent le plus souvent une aide individuelle adaptée.