Le sommeil de enfance à la vieillesse
L’expérience nous montre que le sommeil varie en fonction de l’âge. Tandis que les nouveau-nés passent une énorme partie de leur temps à dormir, les plus âgés souffrent assez fréquemment d’insomnies et, par conséquent, ont tendance à faire de petits sommes au cours de la journée. De quelle manière le rythme du sommeil varie-t-il selon les âges ? L’une des découvertes les plus surprenantes qui attendent le chercheur dans son laboratoire concerne le sommeil des nourrissons. Quand les adultes disent qu’ils ont « dormi comme un bébé », z:us en concluons automatiquement que leur sommeil a été parti- décrément tranquille. Mais le sommeil des nourrissons est-il si paisible que cela ? Une observation méticuleuse d’un bébé en train de dormir, tout pendant les premiers jours de sa vie, révèle que le nour- Risson se livre à deux sortes de sommeil très différentes, dont l’une r_: observée pour la première fois par Aserinsky et Kleitman en 1953. Alors que ce sommeil est accompagné de mouvements ocu-bires rapides, leur apparition n’est pas contemporaine d’une complète paralysie motrice, comme c’est le cas chez les adultes. Le bébé, dans ce type de sommeil, se trouve dans un état d’activité motrice accrue. Il est sujet non pas tant à des mouvements corporels importants qu’à de petits mouvements, souvent spasmodiques, cars les doigts, les orteils, les mains, les pieds et les muscles faciaux. De temps en temps, ces mouvements s’accompagnent d’ex-ressuions du visage évoquant les pleurs, l’anxiété ou le dégoût. En noire, le premier sourire dans la vie d’un nourrisson humain apparaît pendant le sommeil REM, et c’est la raison pour laquelle le sommeil REM des nourrissons est aussi appelé « sommeil actif». Dans ce stade du sommeil des nourrissons, la majorité des ondes r_ sommeil sont des ondes thêta, exactement semblables à celles
des adultes pendant le sommeil REM. Le second type de sommes est calme et paisible, sans mouvements corporels, grands ou petits — en fait, parfaitement analogue à ce que nous appelons « un sommeil de bébé ». Des ondes delta entièrement développées ou des épingles du sommeil ne peuvent être discernées pendant le sommeil du nourrisson au cours des premiers jours et semaines de sa vie : l’activité électrique du cerveau est irrégulière et désorganisée. Que nous apprennent ces deux types de sommeil du nourrisson ? Il n’est pas surprenant de constater que le sommeil action des nourrissons ressemble fort au sommeil REM des adultes. Les mécanismes inhibiteurs du cerveau qui bloquent la transmission des impulsions nerveuses en direction des muscles du squelette ne sont pas encore parvenus à maturation, et c’est ce qui produit ce nombre accru de petits mouvements corporels. Toutefois, ces mécanismes vont se développer pendant la première année de vie. et l’agitation musculaire qui apparaissait pendant le sommeil REM tendra ainsi à disparaître, à l’exception des mouvements oculaires rapides. Les stades 2, 3 et 4 du sommeil vont se développer à partir de ce sommeil « non actif » et paisible. Cependant, ce n’est pas seulement le sommeil REM qui a surpris les chercheurs, mais aussi sa durée relative. Pendant les premières semaines, le sommeil actif représente environ la moitié du temps de sommeil du nourrisson, et cette durée va décroître progressivement pendant la première année, pour se stabiliser autour de 25 à 30 % à l’âge de un an. Le rythme du sommeil du nourrisson est également plus rapide que celui de l’adulte. La durée qui s’écoule entre un sommeil actif et le suivant est seulement de soixante minutes environ, à la différence des quatre-vingt-dix minutes du cycle de sommeil REM chez l’adulte. Quand 1’« horloge » cérébrale qui contrôle le sommeil actif se met-elle en route ? Certains scientifiques affirment, en se basant sur les mouvements observés chez les fœtus, que le sommeil actif peut être décelé même avant la naissance, à partir du sixième mois de grossesse, et cette thèse a été étayée par des travaux effectués dans le Techinon Sleep Laboratory. Ces travaux comprenaient l’enregistrement continu des mouvements fœtaux pendant une période de plusieurs heures, au cours du sixième et du septième mois de grossesse. Nous avons découvert que les mouvements du fœtus variaient de façon cyclique — cycle dans lequel les pics d’activité du fœtus se situaient à environ soixante minutes d’intervalle, et étaient donc identiques à ceux que l’on constate chez le nouveau- né entre deux périodes consécutives de sommeil actif, pendant les premiers jours qui suivent la naissance. Ces découvertes soulevèrent de nombreuses questions : pourquoi le nourrisson consacre- t-il autant de temps au sommeil actif ? Ce type de sommeil est-il particulièrement important pendant la période infantile ? Est-il plus important que le sommeil tranquille ? Au chapitre xii, au cours de ma discussion des différents rôles possibles joués par le sommeil REM, j’essaierai de répondre à ces troublantes questions.
Le rythme de sommeil d’un adulte se consolide pendant la période qui va approximativement de sa dixième à sa vingtième innée, et les stades du sommeil sont alors divisés de la façon suivante : 20-25 % environ de sommeil REM, 20-25 % de sommeil profond (stades 3 et 4), et le reste en sommeil superficiel (stade 2). Le temps passé au lit comprend aussi un certain pourcentage de sommeil transitoire et d’éveil, qui sont généralement liés aux mouvements corporels qui ponctuent la période transitoire entre deux rades du sommeil.
Le vieillissement humain s’accompagne de changements substantiels de la qualité du sommeil. Beaucoup de personnes âgées se plaignent des interruptions fréquentes qui se produisent dans leur sommeil, de réveils très matinaux et d’une tendance à somnoler pendant la journée. Toutes ces plaintes reposent sur une base physiologique solide. Les enregistrements électro physiologiques du sommeil de ces personnes révèlent des variations caractéristiques qui fournissent une explication objective aux troubles subjectifs quelles éprouvent. La découverte la plus nette concernant la structure du sommeil des personnes âgées est la diminution de la durée du sommeil profond. Tandis que la durée du sommeil profond chez un sujet âgé de trente ans occupe entre 20 et 25 % de la durée totale de son sommeil, elle chute aux environs de 5 à 10 % chez un sujet âgé de soixante-dix ou quatre-vingts ans. A cause de cette diminution considérable, le sommeil des personnes âgées est principalement constitué de sommeil REM, qui se maintient aux alentours de 10 à 20 % de la durée totale du sommeil, et de sommeil superficiel de stade 2. Mais plus importante encore que les changements affectant la part relative des stades du sommeil est la modification de la solidité du sommeil des personnes âgées. Comme j’aurai l’occasion d’y revenir, des réveils plus fréquents sont plus un signe de vieillissement que des rides ou des cheveux grisonnants