Le développement de radiopharmaceutiques : Les études cliniques
Les études cliniques de phase I
Les études cliniques couvrent l’ensemble des essais réalisés sur l’homme. Les études de phase I s’attachent à démontrer sur plusieurs volontaires sains l’innocuité de ce nouveau produit.
Sur la base des informations collectées au cours des études décrites ci-dessus, l’étape de passage à l’homme devient une décision des plus importantes. Et cela pour trois raisons. D’une part, injecter un produit à un homme pour la première fois n’est pas anodin et la responsabilité de toute une entreprise est engagée. Cette décision ne se prend pas sans le concours et l’aval de toxicologues et d’experts médicaux spécialisés dans le domaine. D’autre part, des doutes concernant les résultats de toxicologie ou l’efficacité de la molécule peuvent subsister et il est parfois préférable de confirmer ces résultats par des études complémentaires précliniques. Enfin, s’engager dans la phase clinique, celle qui implique pour la première fois l’homme, est l’opération la plus coûteuse du développement. Il ne s’agit ni de se tromper de molécule, ni de se tromper de cible.
Les volontaires sains sont sélectionnés par une équipe de médecins spécialisés, sur la base de critères très stricts, incluant leur non-participation à des études similaires, pour éviter des interactions méconnues avec d’autres molécules en cours de développement. Les essais se font en milieu hospitalier équipé de tout le matériel de réanimation d’urgence. Pour leur participation active à ces expérimentations, les volontaires sont rémunérés. Leur statut est protégé par la loi Huriet et les accords d’Helsinki.
En général, les résultats obtenus sur la base d’une dizaine de participants sont suffisants pour pouvoir décider de passer à l’étape suivante. Outre la collecte des informations subjectives provenant du volontaire lui-même, de nombreux paramètres sont enregistrés (électrocardiogrammes, électroencéphalogramme…) et analysés (sang, urine, fèces, salive, sueur…). Deux ou trois doses optimales en seront déduites, ainsi que la dose maximale à ne pas dépasser et le type de formulation utilisée sera confirmé.
Les études cliniques de phase II
En passant en phase II, les cliniciens vont essayer de démontrer que le produit à un effet positif sur une pathologie et chercher à estimer la dose idéale qui permettra de démontrer l’efficacité du nouveau médicament.
Autant il est facile de recruter une dizaine de volontaires par voie de presse pour une étude clinique de phase I, autant il est difficile de commencer une expérimentation sur malades. La phase II consiste à confirmer l’efficacité du nouveau médicament sur un petit échantillon de patients, une quarantaine en général, ayant acceptés de se prêter à cette expérimentation. L’étude est réalisée en collaboration avec des médecins sur la base d’un protocole très strict mis au point en commun. La première étude qui se passe généralement en milieu hospitalier prendra en compte la plupart des paramètres de références utilisés en phase I (cardiologique, neurologique, biologique), mais aura pour objectif principal d’analyser l’évolution de la maladie.
L’expérience montre que suivant l’environnement, dans certains cas une nette amélioration de l’état du malade est constatée, même en absence de traitement. C’est l’effet placebo. Quand un patient se sent pris en charge, a confiance en l’équipe soignante et croit en l’efficacité du traitement, sa condition physique peut s’améliorer à tel point que le médicament peut paraître inutile. A l’inverse, un moral défaillant, un état psychologique dépressif, une mauvaise interprétation des intentions de ses interlocuteurs, un environnement pessimiste peut aggraver une situation même sous application du meilleur des traitements. C’est l’effet nocebo. Ces effets peuvent être très importants. Ils sont estimés à plus de 40 % dans tous les traitements de problèmes gastro-entérologiques, et en particulier les ulcères et à plus de 80 % pour les problèmes neuropsychologiques. En d’autres termes, cela veut dire qu’un médicament antidépresseur par exemple ne montrera un effet thérapeutique que chez les 20 % de patients restants et que l’administration de sucre, associée à la conviction du thérapeute, pourrait pratiquement améliorer l’état des 80% d’autres patients. Comme il est impossible de contrôler tous ces paramètres psychologiques, les médecins responsables d’études cliniques ont dû intégrer ce facteur dans leurs protocoles.
Notons cependant que l’étude contre placebo ne s’applique pas aux pathologies graves, pour lesquelles il serait non éthique de ne pas continuer un traitement qui est le plus efficace du moment. Il est évident que le médecin s’interdit de mettre en danger la vie du patient. Le traitement classique sera maintenu pour les deux groupes de patients et le traitement nouveau sera donné en complément à l’un des groupes et devra démontrer une efficacité supplémentaire.
En parallèle de la vérification de l’efficacité du traitement, les médecins essayent de déterminer la dose idéale. Pour ce faire, il faudra séparer éventuellement le groupe traité en sous-groupes auxquels sont administrées des. doses différentes. Si les résultats montrent qu’une autre dose aurait pu être employée et aurait conduit à des résultats meilleurs ou bien qu’une formulation modifiée ait pu être plus efficace (gélule au lieu de comprimé), l’étude sera recommencée. Le passage à la dernière étape est conditionné par les résultats de cette étude de phase II.
La durée de l’étude est fonction de paramètres suivis. Comme il s’agit d’une étude d’efficacité, les médecins chercheront avant tout à savoir si le produit agit vite et efficacement sur la maladie. Dans certains cas, les résultats sont obtenus en quelques jours. En onco- logie, souvent l’objectif principal est lié à la survie des patients. Ceux-ci sont donc suivis pendant une longue période suivant la fin du traitement, généralement égale à la moyenne de l’espérance de vie de cette catégorie de malades.
Les radiopharmaceutiques de diagnostic entrent dans la première catégorie. L’acquisition de l’image est immédiate et l’interprétation se fait en quelques heures. Tout au plus, il faudra attendre pour obtenir des paramètres complémentaires, analyses biologiques par exemple, pour confirmer la validité de l’analyse. Pour le diagnostic, l’effet placebo est rarement évoqué. Le protocole est rédigé de telle façon que le médecin chargé d’analyser l’image le fasse en aveugle, c’est-à-dire sans connaître le malade, ni son historique.
Les radiopharmaceutiques de thérapie entrent dans la catégorie des produits qui nécessitent une longue période d’analyse avant de confirmer leur efficacité. Le traitement en double aveugle est particulièrement difficile et peu utilisé car le traitement standard de référence consiste rarement en un autre traitement radioactif. Le patient reconnaît très facilement qu’une substance radioactive lui est injectée, si ce n’est que du fait d’un environnement particulier. D’autre part, les produits de radiothérapie métabolique ne sont administrés pour le moment qu’à des patients pour lesquels tous les traitements classiques précédents ont malheureusement échoué. Cette situation complique l’organisation de ces études et les médecins qui rédigent les protocoles doivent en tenir compte. Néanmoins, compte tenu du fait qu’il est possible de vérifier la distribution du produit au moyen de techniques d’imageries, les résultats sont obtenus plus rapidement, leur analyse est également accélérée et du fait de la précision de la méthode, le nombre global de patients à traiter peut être réduit.
L’injection de produits radioactifs à des volontaires sains n’étant pas autorisée et éthiquement non recommandable, les études cliniques de phase I et II sont donc combinées. Les études d’effets secondaires sont réalisées directement sur des patients et réduit d’autant le nombre de personnes impliquées dans ces phases. Le passage en phase clinique III est d’autant accéléré.
Les études cliniques de phase III
Les études de phase III vont permettre de démontrer, sur un grand nombre de patients, l’efficacité réelle du produit, sa supériorité comparée au traitement de référence en vigueur et l’absence d’effets secondaires à grande échelle.
L’étude de phase III est une étape clef dans tout développement car elle donne le sentiment d’avoir en main le produit qui a les plus grandes chances d’être commercialisé un jour. Une molécule sur cinq à six passe l’étape de la phase I. Les proportions sont les mêmes pour la phase II. Un radiopharmaceutique a une chance sur deux ou trois de passer les premières étapes cliniques. La phase III sert à confirmer sur une plus grande population à la fois l’efficacité annoncée et l’absence d’effets secondaires. Suivant les indications, une étude de phase III nécessitera de 500 à plus de 4000 patients. Deux études distinctes parallèles sont nécessaires. Si l’efficacité du produit est vraiment démontrée au cours de la phase II, un groupe placebo n’est plus nécessaire. En revanche, pour être commercialisé plus tard, le produit doit montrer un avantage certain sur le médicament de référence commercialement disponible au moment de l’étude. Les études cliniques sont donc construites de façon à pouvoir comparer les résultats d’un groupe recevant le médicament nouveau à ceux d’un groupe de référence, étant traité avec les produits classiques, et de préférence le meilleur, celui que les Anglo-saxons appelle golden standard (la référence en or). Pour éviter toute influence extérieure, cette étude est également réalisée en double aveugle. Les galénistes sont parfois obligés de reconditionner le médicament disponible sur le marché pour qu’il ressemble au traitement nouveau et que la différence ne puisse pas se voir.
Compte tenu du nombre de patients impliqués dans cette phase, elle devient aussi la plus coûteuse. Environ un tiers du coût global du développement d’un médicament est absorbé par cette étape.
En parallèle et pour prévenir certaines questions qui ne tarderont pas à être posées par les autorités, et afin d’assurer la sûreté du produit pour un public plus large, quelques études cliniques complémentaires de niveau phase I seront réalisées. Le terme phase I ne correspond pas systématiquement à la première étape, ni est liée à l’implication automatique de volontaires, mais définit un nombre de paramètres à suivre de façon très rigoureuse. Suivant les cas, l’effet du médicament est étudié sur certains sous-groupes de patients tels que les malades déficients hépatiques ou rénaux ou sur des patients d’un type particulier, par exemple obèses ou diabétiques. Parfois il faudra confirmer l’innocuité de ce médicament sur des patients âgés et si ce produit est à administrer à des enfants, il faudra réaliser une étude en milieu pédiatrique.
Une autre vérification importante consiste à inclure dans le groupe de patients participant à une étude clinique de phase III, une proportion d’individus correspondant aux ethnies minoritaires d’une région. Il peut arriver que certains traitements soient moins efficaces sur des populations d’origine ethnique différente. Afin de démontrer le contraire, une étude réalisée en France devra inclure environ dix pour cent de Nord-Africains, aux États-Unis autant de noirs. L’administration japonaise demande qu’une étude de phase III complète soit réalisée de préférence au Japon avec une population asiatique.
La réglementation américaine oblige l’industrie à démontrer l’efficacité du produit dans deux études de phase III distinctes, les études dites pivotales. Pour conserver le bénéfice de ces études dans le cadre d’une commercialisation ultérieure, ces deux études sont légèrement différentes, soit au niveau de la sélection des patients, soit au niveau des critères de résultats ou soit au niveau des produits de références. L’étape cruciale de la vie d’un produit correspond, en fin d’étude de phase III, au moment où la répartition des patients est dévoilée, et qui permettra de confirmer dans quel sous-groupe le médicament s’est avéré le plus efficace. C’est à ce jour seulement qu’il sera possible de faire le constat de l’efficacité ou non du produit par rapport au groupe témoin. Cette étape signe pratiquement la décision de commercialisation du produit ou son arrêt de mort. A ce stade, l’industriel aura dépensé quelques centaines de millions d’euros.
Du fait de la particularité des radiopharmaceutiques, les groupes nécessaires pour une étude de phase III sont relativement réduits. Ce paramètre n’influence pas la durée, mais considérablement le coût. En conséquence, l’industriel qui développe un radiopharmaceutique peut se permettre de développer un produit visant une plus petite population et ainsi cibler des maladies un peu moins fréquentes.
Vidéo : Le développement de radiopharmaceutiques : Les études cliniques
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