La protéine qui permet de naître……
L’humanité n’existe sans doute que grâce à un mécanisme et à une substance qui défient les biologistes depuis que la biologie existe. Normalement, le système immunitaire de la femme enceinte devrait rejeter le fœtus. Ce corps étranger devrait être voué à la destruction dès le premier jour. Des travaux commence à dessiner une clef. Il confirme l’analogie entre embryogenèse et cancer; cette clef réside en partie dans la protéine NF-Kappa B, qui est ce qu’on appelle un facteur de transcription ; elle se fixe sur l’ADN, au dessus de certains gènes, pour en contrôler la transcription en ARN, qui est le « calque » qui déclenchera la production d’autre protéines. Or par sa structure aussi bien que par sa fonction, elle ressemble beaucoup à deux autres protéines, l’une, chez la drosophile, participe à l’embryogenèse, l’autre a pour homologue le gène qui déclenche la leucémie chez les poulets; cet homologue est produit par un proto-oncogène, c’est-à-dire un précurseur d’oncogène (gène commandant la cancérisation). Pour mémoire, le proto-oncogène s’appelle c-rel, et l’oncogène, v-rel. Ce qui est intéressant, c’est que c-rel se fixe sur le même site que NF-kappa B. La preuve est donc faite d’une analogie non seulement structurelle, mais également fonctionnelle entre ces protéines. Cela indique que la ressemblance entre un fœtus et un cancer n’était donc pas une vue de l’esprit. Étant donné que les deux gènes décrits plus haut ressemblent à NF-Kappa B, ils se ressemblent donc entre eux, et il y a bien parralélisme entre certains des gènes dont elle commande la transcription sont ceux qui codent pour les chaînes Kappa des immunoglobulines, pour l’interféron beta, pour le TNF alpha, pour l’interleukine 6, qui sont tous des anticorps; c’est-à-dire que NF-Kappa B joue bien un rôle majeur dans l’immunité, mécanisme dont on a vu que, lorsqu’il fonctionne bien; il permet de détruire les cellules cancéreuses, mais tolère la présence d’un fœtus. De plus, elle code pour les gènes du complexe majeur d’histocompatibilité, qui permet d’accepter ou de rejeter certaines greffes. Point saillant des découvertes de l’équipe: Le NF-Kappa B code aussi pour certains rétrovirus et, en particulier, pour le VIH du sida. De plus, NF-Kappa B code pour le facteur de croissance GM-CSF, ce qui renforce la thèse d’un lien étroit entre croissance cellulaire, cancer et embryogenèse. C’est donc une protéine très importante et qui justifie largement l’intérêt qu’on lui porte. A long terme, elle ouvre des chemins d’enquête à la compréhension intracellulaire de la cancérisation ; à court terme, elle permet d’imaginer une nouvelle stratégie de lutte contre les rétovirus. Il ne s’agit pas là de vœux pieux, car nos chercheurs ont également découvert l’origine de NF-Kappa B: c’est la partie terminale, dite N, d’une protéine beaucoup plus grosse, qui se trouve dans le cytoplasme. C’est-à-dire qu’on peut espérer fabriquer du NF-Kappa B, d’abord à des fins expérimentales