La parole et la langage:Eduquer,enseigner,apprendre:efficience
La langue est refoulante
l’ar son fonctionnement même elle introduit le discours du jeune parlêtre à une loi phallique qui lui interdit normalement toute licence, c’est-à-dire toute détérioration, tout débordement. Dès lors qu’en effet cette langue reste la langue privée mère-enfant, l’interdit de l’inceste ne vient pas couper entre eux le trait d’union, et n’introduit pas l’enfant à la langue de ses pères.
A cet égard le cognitivisme est hors la loi, puisqu’il s’agit d’une pensée sans langage.
Cette loi phallique est une castration symbolique, si l’on entend par castration ce qui oblige au refoulement, donc à la discrimination d’un inconscient.
Il y a érotisation dès lors que les refoulements relatifs à la langue manquent. Ce que l’enfant recherche encore parfois avec un enseignant, qui peut en être dupé, et qui établit avec son élève une relation particulière.
Il y a donc importance à bien déterminer et conserver places et fonctions. C’est la marque de la nécessité absolue de ne pas faire de psychothérapie ni de rééducation à l’école. Il faut éviter les déplacements et les débordements. Et c’est peut-être à cela que h1 repère que la rééducation, quand elle s’avère nécessaire, soit une place tierce entre parent et enseignant. Le transfert latéral, ou croisé, est à prendre en considération ; mais plus la demande est du côté de la famille et de l’école, plus la rééducation doit se main- Irmr quand commence une psychothérapie. Quand c’est par contre l’enfant qui en son nom formule une demande de psychothérapie, la rééducation est secondaire.
L’inconscient, c’est la lettre
C’est ce qui tombe de la langue, et s’en trouve être exclu, au point de n’y pouvoir revenir sans ratage. Pour que ce ratage soit mieux évité, apprendre à l’enfant deux ou lu us langues vivantes en même temps, renforce par deux ou par trois le refoulement, i l du même coup protège tout le monde du retour du refoulé.
C’est oublier que plus est renforcé le refoulement, plus est rendu puissant le retour i refoulé : le conflit alors auquel l’enfant se trouve soumis peut être pour lui très icile : son état de tension et ses conflits internes le conduisent souvent à des compromis symptomatiques, placés habituellement sous l’égide du moi idéal. Pour h tir d’un tel blocage, certains parents, au lieu d’en retirer, en rajoutent, mais en choisissant dans l’excès d’investir un talent, un don, bref un désir de l’enfant : viol cheval, peinture, etc. En l’occurrence, il ne faut certes pas négliger l’identification un membre de la famille quand il est la source d’un tel don… A l’anamnèse, il apparaît souvent que le parent ainsi élu par la fonction identificatrice, ne s’intéressait put dans la vie au seul instrument du don en question. Son érotisme à ce propos toujours très parlant pour tout le monde, y compris l’enfant, surtout si au lieu parent, il s’agit d’un ami, d’une connaissance de famille, avec lesquels l’un d(l parents nouait des rapports intimes, donc sexuels — rapports réels ou imaginaires, I Parfois, le choix privilégié d’un don est tout bonnement partagé avec l’un tltHl parents — c’est le cas de la mère de bon nombre de musiciens célèbres : le retour du refoulé est alors érotique et incestueux {cf. à cet égard les rapports de Saint Saoul avec sa mère) ; telle est la lettre du désir : elle s’écrit avec l’instrument, la langue, de nouveau communs.
Refus d’apprendre une autre langage
La mère apprend à son enfant la langue qu’il devra parler en mettant, par son discours, par son articulation, par sa voix — discours, parole et langage — de l’ordre phallique dans le réel des bruits où il est immergé, et qu’il produit d’ailleurs lui-mêmr à partir des fonctionnements de ses propres orifices. A ce chaos originel, la mère parle donc la loi paternelle, c’est-à-dire la langue de tous les autres. C’est aussi cela lu métaphore du nom-du-père : c’est ce qui nomme, parle, organise par sa syntaxe, ce qui sinon resterait inintelligible parce que trop bruyant.
Plus la mère en lui apprenant à parler, s’incarne ce faisant le fonctionnement même de l’apprentissage, et plus il y a risque que son enfant ne puisse apprendre d’autre langue que de sa bouche à elle, autrement dit, plus il y a risque qu’il n’en puisse pas apprendre d’autre. A ce propos, en apprenant aussi intimement sa langue avec su mère, un enfant n’est pas loin de lui procurer et de se procurer ce plaisir, que Freud décrit comme étant la bouche qui se baise elle-même. Nous sommes là dans de l’auto érotisme — bouche à bouche. La bouche de la mère s’ouvre, mais se referme par celle de son enfant. On comprend aussi, à partir de là, que la mère résiste à ce que son enfant apprenne une autre langue : car ce serait fantasmatiquement comme si son enfant se trouvait une autre bouche, une autre mère. Horreur d’un autre objet partiel, qui ferait coupure entre elle et son enfant, par une loi dont elle ignore tout de la syntaxe et du style. Sevrage pénible au possible en ceci qu’y fait pour elle retour ce qui lui fut alors si problématique avec sa propre mère : Apprendre.
Contrairement aux idées trop bien reçues, l’enseignant qui se place là où il doit être, c’est-à-dire au lieu d’une transmission, est en position maternelle avec son élève. Il est bien Y Aima Mater. Ces maîtres, hommes fabuleux, dont les parents rebattent les oreilles de leurs enfants, ne se trouvaient pas moins en position maternelle que les maîtres d’aujourd’hui; mais ils étaient peut-être davantage que de nos jours des mères phalliques. L’enseignant transmet une connaissance, un savoir, une méconnaissance aussi — car il ne sait pas tout, et même cela il doit le transmettre : il transmet ce qu’il a refoulé pour le perdre au bénéfice de l’autre ; mais cette transmission, qui est médiatisée et doit l’être, se fait par le moyen d’une instance tierce, qui est paternelle. Cette instance commande : et le style de la transmission ainsi que son contenu, et le rapport maître-élève, afin que jamais ils ne versent du côté d’un rapport incestueux, c’est a dire d’un rapport exclusif de l’Autre. Si le sujet est ce qui est référentiel pour un sigm fiant auprès d’un autre, l’Autre qui est le lieu des signifiants, est en l’occurrence ce dont procède la loi phallique : programme, emploi du temps, relation distancée à I ¿lève sont constitutifs du phallus, c’est-à-dire qu’ils sont signifiants de ce qui manque dans l’Autre inconscient; cela implique deux choses :
- le maître tient parole en tout ce qui relève de sa fonction, laquelle suppose qu’il se soutienne d’exigences éthiques.
- il permet que la relation intersubjective s’assouplisse, mais uniquement d’un élève à l’autre.
Une classe, c’est essentiellement une fratrie, laquelle suppose une loi symbolique (lonc un père mort, afin que vis-à-vis du social l’enseigné s’inscrive dans une dette elle aussi symbolique. En tout cela le maître tient la langue, celle qui ne doit S»— quelle que soit la matière enseignée —jamais être maltraitée.
Ainsi l’enseignant enseigne-t-il, et est-il enseigné, par ceux auxquels il transmet un Nitvoir.
Les questions
L’enseignant suppose — telle est la loi, telle qu’elle vient d’être énoncée — que Non savoir lui vient de l’enfant, et qu’il l’assume comme un message, sous forme inversée. C’est à cette condition qu’il peut pour ses élèves se faire désir du désir qu’ils apprennent. Pour lui comme pour eux, le savoir vient de l’Autre. S’il se présente comme détenteur et non pas comme relais, le savoir en devient irrecevable pour l’élève. Le maître anticipe chez son élève un savoir (S2) qu’il lui suppose pour pouvoir en définir ce qu’il va lui transmettre (S,) : l’élève est de la sorte pour lui un sujet, et non pas un assujetti.
Psychopathologie de la classe quotidienne
Deux positions presque antinomiques des mères d’enfants d’origine portugaise et il origine maghrébine, produisent des effets très particuliers et contrastés sur la question du savoir chez leurs enfants, dont la scolarité est problématique en raison d’une i xtiême difficulté à accéder au savoir proposé.
Clinique portugaise
- La maman
La maman portugaise, qui a confié l’élevage de son enfant à sa mère restée au Portugal, vit en France avec son mari ou son compagnon, lui-même exclu de sa propre famille, émigré parfois malgré lui, répondant au projet des femmes de sa famille, souvent de sa famille maternelle.
- La grand-maman
La grand-mère tient la maison, l’argent, fait les projets. Elle rend l’enfant de son fils ou de sa fille quand celui-ci est en âge d’être scolarisé; cet enfant devient à son tour immigrant, et arrive dans une famille plus ou moins intégrée, parlant français même au prix de néologismes, de barbarismes, et suivant une syntaxe franco-lusitanienne.
- Le papa
Lorsque les échecs scolaires nous font connaître cet enfant, c’est généralemenl «h mère seule qui l’accompagne; le père manque et la langue paternelle ne s’impose pas
- La loi de la mère du pays
La loi est celle des femmes qui sont restées au pays, dure loi d’adaptation, de séparation, qui se fonde sur la propriété du savoir : elles ne le transmettent pas uni qu’elles ne s’assurent de sa propriété en élevant leurs enfants dans le cadre d’une M>rM de matriarcat du savoir. L’homme est incapable d’anticiper, de choisir; l’exigefiH concernant le savoir est du côté des femmes, ce n’est pas l’affaire des hommes.
- L’image et le père
C’est autour de cette exclusion de la terre natale et de l’homme, que s’organise lit position névrotique des petits élèves portugais qui échouent. Ils sont attirés par lu système d’apprentissage par des méthodes d’inspiration globale; ces méthodes M proposent pas de lire par exemple, elles proposent de reconnaître. L’image vient illustrer le mot, manifestant ainsi la peur qu’inspire la lettre.
- La langue maternelle
Cette langue maternelle inscrite dans l’image devient impropre à saisir le sens. La langue de l’enfance, annulée par l’exclusion de l’émigration, surgit dans une nostalgie qui est celle de l’enfant, et vient noyer le savoir proposé par l’Autre.
- Le sujet désirant
L’expérience montre que c’est par un travail analytique que cet enfant peut occuper peu à peu la place du sujet désirant apprendre. Ce travail doit ménager une place au père, en permettant à la mère d’abandonner peu à peu une part de sa toute puissance d’ailleurs harassante.
Clinique maghrébine
- Le papa
Il est intéressant d’opposer à cette problématique celle des enfants issus de couplai d’Afrique du Nord et d’africains musulmans. C’est le père qui vient accompagner son enfant; il demande sa matinée ou sa journée à l’employeur. C’est lui l’interpréta l’interlocuteur obligé. Ce sont ses projets à lui qui sont contrariés par l’échec scolaire’. La mère ne viendra pas, malgré les promesses du père, et l’insistance du consultant. L’enfant vient, épaulé par son père qui parle à sa place, et fait savoir son mécontentement, sa déception. C’est la langue paternelle qui a droit de cité, et nous avons cru pendant longtemps pouvoir nous appuyer sur cette loi paternelle pour amener l’enfanl au monde symbolique de l’écrit.
- La maman
C’était ne pas compter avec la langue maternelle, seule employée par la mère. C’est elle qui régit la vie de l’enfant dans la famille, et la vie scolaire n’est souvent qu’un «t’inblant, ou une contrainte insupportable.
- Le grand-papa
Car la mère, désignée comme épouse par son propre père, est la gardienne de la langue de son propre père, resté au pays ; pays qu’elle a presque toujours quitté malgré ellr, et souvent bien après son mari.
- La loi des pères du pays
C’est autour des coutumes de la loi de son propre père, et avant tout dans sa langue,que cette mère tente d’élaborer le deuil si cruel et difficile à mener de son arrachement et de son exil.
- L ‘image du père déraciné
Son époux, émigré de sa propre initiative, est en rupture avec les valeurs dont il s’affranchit par son intégration, et l’adhésion à la langue du pays où il arrive, pour réaliser son projet. Ayant renié la loi de la langue d’origine, il se disqualifie aux yeux tir son enfant car il ne peut apparaître à l’origine de son savoir.
- L’enfant sans savoir
I,’enfant se trouve ainsi sans le savoir, et les apprentissages qui lui sont proposés fInscrivent dans un conflit non pas imaginaire, mais symbolique avec la loi; et ce Von Mit est d’autant plus violent que la loi tient au Livre, lieu de recel de tout savoir, et ilmil ¡1 s’éloigne comme un impie de plus en plus, au fur et à mesure qu’il apprend à l’i Vole.
- Sujet sans désir
Un comportement caractériel ou d’opposition est parfois le compromis trouvé à ce ronllit. Mais le plus souvent l’évolution est dépressive, faite de dévalorisation et de désintérêt actif. Il s’agit d’une véritable symptomatologie qui vient mani- fpslor chez l’enfant la nostalgie de la mère elle-même, mère que l’enfant risque de pi’iilre, s’il renonce soit au profit du père, soit au profit des talents pédagogiques du inmtre. Aussi semble-t-il tout à fait essentiel de faire participer la mère à l’entreprise ili l’école, où elle a une place éminente à tenir.
Transmission et héritage
La clinique de cette psychopathologie de la classe quotidienne, montre qu’il faut ilmtinguer :
- transmission d’un savoir que la mère porte pour pouvoir le transmettre, de même qu’elle porte son nom qu’elle doit également transmettre;
- propriété d’un savoir qui prend corps pour qui le détient, et qui devient alors à ce titre intransmissible du vivant de son propriétaire; il ne se transmet plus que par héritage après la mort de qui le détient.
Il n’est pas exclu que nous ne nous trouvions de plus en plus dans ce second cas de figure, propre aux cultures en crise grave.
Vidéo : La parole et la langage:Eduquer,enseigner,apprendre:efficience
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : La parole et la langage:Eduquer,enseigner,apprendre:efficience
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