La chirurgie : les yeux, au microscope
La microchirurgie n’aurait pas existé si les chirurgiens ophtalmologistes n’avaient pas eu l’idée — et le besoin — de travailler au microscope. L’utilisation du microscope et la mise au point d’instruments adaptés à la petite taille du champ opératoire ont permis à la chirurgie de l’œil de faire de grands pas. Celle-ci consiste d’abord, bien sûr, à réparer les plaies oculaires, mais elle permet aussi de corriger un strabisme congénital. Cette «loucherie» est favorisée par une asymétrie de position et de contraction des muscles orbitaires, qui orientent les yeux dans toutes les directions. En cas de strabisme de l’enfant, les yeux ne voient pas la même chose, et le cerveau ré- agit à cette double information en supprimant une des deux images.si aucun traitement n’est proposé l’un des deux yeux peut devenir complètement aveugle.
Le traitement par occlusion de l’œil sain, pour faire travailler l’œil qui louche, est suivi de la correction chirurgicale de l’insertion des muscles orbitaires, afin de remettre les deux yeux dans le même axe.
Le laser sert également pour des indications bien précises, à titre préventif en particulier. Certaines lésions de la rétine prédisposent à des décollements. Le laser sert à « fixer», par des impacts répétés, la rétine aux tissus sous-jacents de manière à éviter un décollement toujours synonyme de perte de vision, partielle ou totale. Il sert également à traiter les lésions vasculaires de la rétine provoquées par le diabète : la rétinopathie diabétique, qui s’accompagne de la formation d’anévrismes (dilatation de parties localisées des vaisseaux) et de néo-vaisseaux.
Malgré le laser, cette rétinopathie est une cause fréquente de cécité.
Le traitement de la cataracte a longtemps consisté à extraire le cristallin («loupe» de l’œil) opacifié par le vieillissement, et à le remplacer par des lunettes portant d’énormes verres grossissants.
Depuis quelques années, on remplace le cristallin opaque par un implant, lentille spéciale placée à l’intérieur de l’œil.
Deux techniques sont utilisées. L’opération intra-capsulaire consiste à enlever ensemble le cristallin et le sac capsulaire (son enveloppe).
L’implant est placé ensuite devant l’iris, dans la chambre antérieure de l’œil. La seconde opération, extra-cupulaire consiste à ôter le cristallin en laissant le sac capsulaire en place, et à placer l’implant dedans. Le cristallin est enlevé soit manuellement, par irrigation et aspiration, soit par phacoémulsification : une sonde à ultra-sons fragmente le cristallin, qui est ensuite aspiré.
La seconde méthode est aujourd’hui préférée à la première car les complications à long terme (rétiniennes en particulier) sont moins graves et moins fréquentes. L’implant est également plus stable. Dans 10 à 30 % des cas, le sac capsulaire peut, lui aussi, présenter une opacification qui entraîne une diminution de l’acuité visuelle. L’utilisation du Laser YAG permet d’ouvrir la capsule sans intervention et de rétablir la vision dans la majorité des cas. Les matières plastiques utilisées
pour ces implants sont très bien tolérées et ne provoquent pas de réaction de rejet.
La myopie, qui a toujours été corrigée par les lunettes, et depuis vingt ans par les lentilles de contact, fait l’objet de- puis quelques années d’expérimentations chirurgicales. La myopie est due au fait que l’œil du myope est «trop long» : l’image obtenue par la convergence des rayons lumineux dans le cristallin n’est pas nette lors- qu’elle se forme sur la rétine. L’optique placée devant l’oeil s’ajoute au pouvoir convergent insuffisant du cristallin. L’idée de «raccourcir» le globe oculaire en pratiquant des incisions sur la cornée est venue d’abord de l’observation selon laquelle, après une opération de la cataracte, l’incision de la cornée modifie la courbure de celle-ci. Dans les années 1970, des ophtalmologistes soviétiques eurent l’idée de pratiquer sur la cornée de patients myopes des incisions en rayon de roue (d’où le terme de «kératotomie radiaire»), ce qui contribua à améliorer la vision d’un certain nombre de patients.
La méthode se répandit aux États-Unis à partir de 1980, et plusieurs dizaines de milliers de patients y ont été opérés par la suite. Cependant, le National Eye Institute américain a mis en place une étude destinée à évaluer les performances réelles et l’innocuité de la méthode. En 1990, le bilan provisoire de cette étude concluait que la kératotomie n’est efficace que sur les myopies faibles ou moyennes ; l’efficacité de l’intervention est inversement proportionnel le à l’importance de la myopie.
Des expériences antérieures à celles des Soviétiques, pratiquées au Japon, s’étaient soldées par une opacification des cornées opérées au bout de 10 à 20 ans. Les patients américains n’ayant été opérés qu’à partir des années 1980, il n’est pas encore possible de savoir si la kératotomie radiaire aura les mêmes effets. Dans l’état actuel des choses, il semble donc difficile de recommander ce type d’intervention, irréversible, à des patients dont la myopie est facilement appareillable, avant que l’on dispose d’un recul suffisant pour en assurer l’efficacité et l’absence de complications graves à long terme. Une autre technique est actuellement sur les rangs pour traiter la myopie : le laser Excimer. Le principe est le même que celui de la kératotomie, mais la méthode diffère. Au lieu d’inciser la cornée avec un instrument tranchant, on la « rabote» avec un faisceau lumineux très focalisé. La cornée n’en est pas moins fragilisée et, ici encore, on manque de recul pour affirmer l’innocuité à long terme. Les effets secondaires ne sont pas nuls : la douleur post-opératoire est importante, le temps de récupération assez long. De plus, l’utilisation du laser est encore réservée aux cliniques privées, où le coût de l’intervention est très élevé.