Histoire de la perception de la chirurgie esthétique
La chirurgie esthétique existe depuis fort longtemps. On peut dire que dans les années d’après-guerre, sa noblesse tenait surtout à la chirurgie réparatrice et à la notion de réparation des « gueules cassées ».
Un grand nombre d’aviateurs notamment, d’origine anglaise, avaient subi des dégâts considérables de la face ; comme il s’agissait de pilotes d’avion dont le but était de descendre les V2 allemands envoyés par les nazis pour bombarder Londres, il était vital de les remettre sur pied le plus vite possible.
Un chirurgien anglais de génie, sir Harold Gillies, s’était fait une spécialité de la réparation de ces « gueules cassées » dont il tira une grande célébrité. Il s’était également mis à faire de la chirurgie esthétique ; les dames de la haute noblesse anglaise ne rechignaient pas à être arrangées par lui. Ce chirurgien hors pair était en outre un golfeur de génie et un remarquable dessinateur. Après les gueules cassées, c’était déjà les belles recasées.
Les années cinquante
Dans ces années d’après-guerre, la chirurgie esthétique commença à se développer. Un peu partout dans le monde, surtout aux Etats-Unis mais aussi en Angleterre et en France, les chirurgiens, experts dans le domaine de la chirurgie réparatrice pendant la guerre, continuaient à l’exercer en milieu hospitalier, mais découvraient les techniques de chirurgie esthétique des paupières, du visage, des seins, du nez, etc., qu’ils pratiquaient secrètement en clinique privée.
Dans ces années, les techniques nouvelles provenaient surtout d’Angleterre et les États-Unis. Les Anglo-Saxons, plus en avance sur une Europe économiquement plus ravagée, donnaient l’exemple de méthodes novatrices.
À côté des chirurgiens bien établis, qui avaient une fonction hospitalière et qui faisaient de la chirurgie esthétique l’après-midi dans les cliniques privées, il y avait déjà des chirurgiens passionnés par l’esthétique qui étaient déjà de vrais sauvages appelés plaisamment « cow-boys ». Issus du milieu de l’oto-rhino laryngologie ou de la stomatologie, parfois simples médecins généralistes, ils
avaient vite perçu que la chirurgie esthétique les faisait coexister avec un monde de jet-set et de showbiz. Ils passaient des publicités rutilantes dans les journaux d’époque et attiraient les clients comme une marque de sous-vêtements pouvait le faire avec de la lingerie fine et des résultats à voir avant, après, en noir et blanc. Quelques succès retentissants, quelques échecs fracassants, on assistait aux débuts médiatiques de la chirurgie esthétique naissante socialement.
Les années soixante
Au plan technique, la chirurgie esthétique évoluait considérablement. La demande croissait, la peur du vieillissement commençait à se développer et sur- tout, la sexualité plus libre des femmes, grâce à la production des moyens anticonceptionnels, imposait un désir de sexualité prolongé.
Le désir de plaire, de ne pas vieillir outrageusement, la nécessité de séduire, le plaisir de la jouissance renforçaient la motivation de nombreuses femmes et déjà de certains hommes qui s’adressaient à des chirurgiens esthétiques confirmés dans leur art.
Les cliniques où l’on pratiquait la chirurgie esthétique devenaient de plus en plus nombreuses ; des chirurgiens, formés aux États-Unis ou en Angleterre, s’installaient en Europe et un peu partout ; les cliniques suisses gagnant la plus grande des réputations en clientèle internationale par une image de sérieux et de médecine globale, ainsi que par une réputation d’anonymat proche des coffres- forts si bien entretenue par les banquiers souterrains de la grande Helvétie.
Les années soixante-dix
Le standard américain commençait à être quelque peu combattu.
Les chirurgiens français de grand talent tenaient le haut du pavé. Il y avait le prince de la rhinoplastie, le roi de la plastie mammaire. La chirurgie esthétique voyait progressivement se caractériser des chirurgiens de plus en plus habiles, mais qui pratiquaient des expérimentations que l’on jugerait intolérables aujourd’hui, telle la mise en place de soutien-gorge de nylon et de métal introduit dans la poitrine et suspendu à la clavicule !
Ces véritables expérimentations sur la femme étaient parfois source de progrès, mais elles étaient pratiquées dans un esprit complètement délirant, sans aucun contrôle.
Pitanguy donnait la chirurgie esthétique au Brésil et le Brésil à la chirurgie esthétique : par son talent unique, il brossait l’image de la spécialité par un charisme très particulier.
Les années quatre-vingt
L’esthétique « boom » régnait en maître. Dans ces années-là, triomphe de la starification : le phénomène de mode, les top-modèles que l’on voyait partout, surtout à la télévision, mais aussi dans les journaux de mode féminins et masculins, l’irruption de nouveaux standards changeant en permanence. Ceci entraînait un désir de personnalisation des opérations et un refus de standardisation. Une jeune génération de chirurgiens esthétiques était née ; le contrôle de la silhouette par la liposuccion, les liftings faits d’une façon beaucoup plus astucieuse et naturelle, les rhinoplasties très adaptées à chaque personnalité donnaient une image très positive de la chirurgie esthétique. La demande s’intensifiait et le nombre de chirurgiens croissait encore plus vite.
Les années quatre-vingt-dix
Le phénomène d’associations de consommateurs bat son plein. Le refus gouvernemental des prothèses mammaires en silicone, leurs risques potentiels largement exagérés conduisirent à l’interdiction de l’utilisation de ce produit en France et aux États-Unis, d’où une image globalement négative de la chirurgie esthétique, perçue alors comme une activité purement commerciale pratiquée par les chirurgiens peu enclins à exposer les risques d’une opération à des patientes confinées dans le rêve rose des magazines.
Le fait que les patientes n’aient pas été prévenues que les prothèses mammaires étaient à changer tous les dix à quinze ans constituait une tare qui était lourdement reprochée aux chirurgiens, aussi bien par le public que par les journalistes et les tribunaux. Tout incident, tout accident grave — et statistiquement an ne peut y échapper — entraînait la une des journaux et le discrédit sur cette profession maintenant dans le collimateur.
Le parallèle avec le Sida, la maladie de la vache folle était plus ou moins latent dans l’esprit des gens. La chirurgie esthétique — par essence non curatrice — pâtissait d’une perception de risques inconnus, de pratiques charlatanesques, de visées matérialistes qui n’élevaient pas l’image globale de cette profession y compris au sein même de la communauté médicale traditionnelle.
Parallèlement, la demande d’opérations liées au refus du vieillissement ne cessait de croître, imposant de nouveaux standards techniques.
En fait, ce sont ces motifs qui nous ont conduit à écrire cet opuscule pour expliquer que la chirurgie esthétique c’est compliqué ; il faudrait envisager tous les problèmes, mais un chirurgien qui les expliquerait oralement a du mal à tous les affronter. Il devient donc nécessaire que ces problèmes soient résumés dans un petit ouvrage, en demandant pardon au lecteur de parfois l’ennuyer, de ne pas répondre exactement à sa question, mais en essayant néanmoins de lui donner une image réelle des risques qu’il encourt en fonction des différentes opérations envisagées.
Vidéo : Histoire de la perception de la chirurgie esthétique
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