Fibres alimentaires et ballast intestinal
Contrairement aux fibres textiles et papetières, les fibres alimentaires ne sont pas des cellules, mais des constituants chimiques de l’alimentation qui résistent à l’action des enzymes sécrétées par les cellules de l’appareil digestif de l’homme.
Le concept a été formulé sous les termes anglais Dietary fibers (littéralement, «fibres diététiques») en 1972, par deux médecins épidémiologistes anglais, Denis P. Burkitt et Hugh G. Trowell. Leurs études, menées à la fois à Londres et en Afrique, ont abouti au constat que les Européens sont davantage sujets à des affections intestinales chroniques que les Africains. En particulier, de nombreuses maladies du côlon sont beaucoup plus fréquentes chez les habitants des pays industrialisés. On a pu établir un lien entre les habitudes alimentaires et la fréquence de certaines de ces maladies: alimentation déséquilibrée avec surabondance de graisses et de protéines animales pour les Européens; nourriture basée principalement sur des végétaux pour les Africains.
Les végétaux sont apparus comme une source indispensable de fibres alimentaires. Et leur réintroduction dans le régime des patients souffrant de maladies du côlon, dites de « civilisation », permet d’améliorer l’état de santé de ces derniers. Actuellement, on pense cependant qu’il convient de rester prudent en ce qui concerne la supplémentation en fibres des régimes. Une alimentation variée et équilibrée, riche en légumes et en fruits, est nécessaire pour assurer un apport suffisant de fibres.
Depuis la première définition physiologique des fibres alimentaires, qui comprenaient principalement des substances végétales pariétales, d’autres substances d’origines variées (animale, bactérienne, chimique…) et non digestibles ont été incluses dans ce qu’on appelle parfois le « complexe fibre alimentaire ». Bien que n’étant pas digérées par les enzymes de l’homme, elles subissent de façon différente la fermentation par les micro-organismes de la microflore du côlon.
Un consensus récent des experts de la santé (l’AFSSA, Agence française de sécurité sanitaire des aliments, 2002) fournit la définition suivante :
«Les fibres alimentaires sont des polymères glucidiques d’ori- gfne végétale (degré de polymérisation ou DP> 3), associés ou non dans la plante à de la lignine ou à d’autres constituants non glucidiques (polyphénols, cires, saponines, cutine, phytates, phytosté- rols…) ou des polymères glucidiques transformés (physiquement, chimiquement ou par voie enzymatique) ou encore des polymères synthétiques (DP> 3) En outre, les fibres alimentaires ne sont ni digérées ni absorbées dans l’intestin grêle ».
Les constituants des fibres alimentaires sont très nombreux. Les polysaccharides y sont prédominants, avec tous les polymères de structure des parois des plantes et des algues, les constituants pariétaux de réserve de certains végétaux supérieurs, les exsudais microbiens, les exsudats de plantes, comme les gommes et les mucilages, la chitine des parois des champignons et des carapaces d’arthropodes et les amidons dits « résistants» qui ne sont pas digérés par les sécrétions d’amylases salivaire et pancréatique. On y trouve aussi des lignines et des composés phénoliques qui imprègnent et consolident les parois des végétaux supérieurs. Une autre catégorie de substances, l’inuline et les fructo-oligosaccharides (FOS), non hydrolysés au cours de la digestion, figure dans ce tableau. Tandis que l’inuline est un polysaccharide de réserve caractéristique des plantes de
la famille des composées (ou astéracées), comme l’artichaut, le topinambour ou le salsifis qui entrent dans la composition de l’alimentation humaine, les fructo-oligosaccharides sont des molécules de synthèse apportées dans certains régimes et dans des produits industriels. D’autres constituants secondaires des fibres alimentaires ne sont pas mentionnés : ce sont des polymères pariétaux non polysaccharidiques des cellules végétales (glycoprotéines, cutine, cires, tanins) et des éléments minéraux (calcium, fer, silice…), non digestibles. Ces divers constituants se trouvent mélangés aux autres dans les aliments. Enfin, on classe parfois parmi les fibres alimentaires certains composés formés lors de la cuisson des aliments, comme les mélanoïdines issues de la réaction de Maillard, et des substances de charge comme le polydextrose.
Toutes ces substances présentent la même propriété physiologique essentielle de rester partiellement ou totalement intactes dans le tractus digestif. Elles constituent les produits de lest, ou «ballast», intestinal. Selon la définition de l’AFSSA, « elles présentent l’une au moins des propriétés suivantes : augmentation de la production des selles, stimulation de la fermentation colique, diminution de la cholestérolémie à jeun, diminution de la glycémie et/ou de /’insulinémie postprandiales ». Il est indispensable d’absorber quotidiennement une certaine quantité de ces substances pour assurer la régularité du fonctionnement du côlon et de l’évacuation des selles.
La plupart de tous ces polymères sont caractérisés par la présence de nombreux groupements OH et sont donc fortement hydrophiles. On les qualifie souvent d’hydrocolloïdes. Cette propriété de rétention d’eau leur confère un intérêt dans l’alimentation humaine et explique leur utilisation technologique comme agents texturants dans l’industrie agroalimentaire.
Additifs alimentaires texturants et réglementation
Le problème de la sécurité sanitaire des aliments est plus sensible que jamais et concerne tous les ingrédients des produits de l’industrie agroalimentaire et, en particulier, les additifs. La loi française encadre l’utilisation des additifs depuis 1905, en imposant une autorisation préalable à l’emploi des produits utilisés pour la fabrication des aliments. Ce sont les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui sont compétents.
Actuellement, des directives européennes précisent les autorisations pour tous les additifs qui doivent être approuvés par les experts scientifiques européens sur présentation d’un dossier.
Les additifs texturants comme tous les additifs alimentaires ne sont pas consommés habituellement; ils sont ajoutés intentionnellement en cours de fabrication pour leur fonction technologique et demeurent dans le produit fini. Ils ne doivent présenter aucun danger pour la santé et sont, de ce fait, soumis à des tests de toxicité, et à des conditions d’utilisation assez strictes. La dose journalière admissible (DJA), au-delà de laquelle la substance pourrait être nocive, doit être mentionnée. Par exemple, pour les carraghénanes E407, la DJA est de 75 mg.kg-1 ; pour la gomme karaya, elle est de 12,5 mg.kg-1. C’est pourquoi les concentrations utilisées dans les produits industriels sont généralement très faibles (de 0,5 à 2 %).
Dans le cadre réglementaire européen, les consommateurs sont informés par le biais de l’étiquetage obligatoire, qui doit mentionner tous les ingrédients d’un produit. Selon les politiques de marketing, les additifs texturants figurent sur l’étiquette par leur nom ou par le code de la classification européenne (série des E400).
Vidéo : Fibres alimentaires et ballast intestinal
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