Débuts de l’alimentation rationnelle : la mise en évidence des vitamines du lait
Durant l’hiver 1870-1871, alors que Paris était encerclée par les troupes prussiennes, le chimiste Jean-Baptiste Dumas (1800-1884) observa les effets délétères de la privation de lait sur les jeunes enfants. Il soupçonnait l’existence, dans le lait, de substances présentes en faible quantité, mais néanmoins indispensables. Dix années plus tard, en 1881, le chirur¬gien russe Nikolai Lunin (1853- 1937) isola les différents constituants du lait. Il soumit de jeunes souris à un régime alimentaire comprenant exclusivement l’un de ces constituants purifiés: protéines, lipides, glucides ou sels. Il observa qu’aucun de ces régimes ne permettait la survie des animaux. Ces résultats n’eurent d’abord aucun retentissement, le monde scientifique de l’époque préfé¬rant attribuer la mort des animaux à une perte d’appétit liée à l’insipidité et à la monotonie des régimes artifi¬ciels. En 1905 cependant, le biolo¬giste hollandais Cornélius Adrianus Pekelharing (1848-1922) reprit les travaux de Lunin et additionna aux constituants purifiés de petites quantités de lait.
De la sorte, il maintint les souris en vie. Le lait contenait donc de petites quantités de substances que l’on ne parvenait pas à isoler et qui étaient essentielles à la vie. C’est avec les travaux de Frédéric Gowland Hopkins (1861-1947), un biochimiste anglais de renommée interna¬tionale qui travaillait depuis de longues années déjà sur des procédés de purification des constituants des aliments, que sera attestée la présence dans le lait de facteurs accessoires indispensables à la vie.
L’expérience de Hopkins (1912):
Hopkins établit sur plusieurs semaines la courbe de croissance de jeunes rats soumis à un régime alimentaire synthétique, obtenu en laboratoire par mélange de différentes molécules retrouvées dans les aliments. Ce régime comprend les constituants purifiés du lait (eau, sel, glucides, lipides et protides), additionnés ou non de lait frais. Souhaitant démontrer formellement le rôle du lait sur la croissance, il imagine un protocole expérimental en deux phases successives, l’une sans supplémentation lactée, l’autre avec.
Le régime alimentaire des deux groupes de rats pour démontrer le rôle du lait sur la croissance:
- Régime alimentaire pour le Groupe de rats 1 (Jours 1 à 18): Constituants purifies du lait + 3 ml de lait frais par jour
- Régime alimentaire pour le Groupe de rats 1 (Jour 19 et suivants): Constituants purifies du lait
- Régime alimentaire pour le Groupe de rats 2 (Jours 1 à 18): Constituants purifies du lait.
- Régime alimentaire pour le Groupe de rats 2 (Jour 19 et suivants) : Constituants purifies du lait + 3 ml de lait frais par jour
Hopkins conclut qu’il existe dans le lait des substances indispensables à la vie autres que les sels, les glucides, les lipides et les protides. Il les qualifie de «facteurs accessoires de l’alimentation». Il s’agit en fait des vitamines, selon le terme créé au cours de cette même année 1912 par Casimir Funk à propos de la thiamine (vitamine Bl). En 1929, Frederick Gowland Hopkins recevra le prix Nobel de médecine et de physiologie pour l’ensemble de ses travaux sur la biochimie des aliments.
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